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La Chine de 1789 à 1918 par Michel Cartier Maître assistant à

Publié le 05/04/2015

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La Chine de 1789 à 1918 par Michel Cartier Maître assistant à l'École Pratique des Hautes Études, VIe Section Paris Un siècle à peine suffit pour faire du prestigieux Empire dont les institutions remplissaient d'admiration les philosophes de l'Europe des Lumières un État anachronique offert à la convoitise des puissances impérialistes. Peu s'en fallut, en effet, que la plus grande nation du monde ne subisse le sort réservé à la Turquie, l'autre " homme malade " du XIXe siècle. Aux yeux des contemporains qui assistèrent, médusés, à cette inéluctable décadence, ce destin était imputable à une nécessité pour ainsi dire biologique ; il ne manqua pas de bons esprits pour soutenir, par exemple, que la " diplomatie des canonnières " était le seul langage susceptible d'être entendu par un peuple congénitalement incapable de prendre en main ses destinées. Il n'en demeure pas moins que la période fut marquée par toute une série de tentatives pour adapter la Chine au nouveau contexte international, tentatives dont l'échec est à mettre au compte tant des résistances intérieures que des ingérences étrangères. Au moment où l'Europe traverse la longue crise de la Révolution française et des guerres napoléoniennes, l'énorme État sino-mandchou qui s'étend sur plus de neuf millions de kilomètres carrés et compte environ trois cent cinquante millions de sujets n'a pas d'égal dans le monde. Ce n'est donc pas sans une apparence de raison que l'empereur Kia-ts'ing réitérait en 1816 les objurgations pleines de condescendance adressées vingt-trois années plus tôt au roi d'Angleterre par son aïeul K'ien-long. Mais la façade de prospérité et de puissance qui impressionnait tant les contemporains masquait une situation intérieure de plus en plus critique. Le trop rapide essor démographique qui se poursuivit pendant les premières décennies du XIXe siècle avait non seulement compromis l'équilibre entre les hommes et la terre mais encore gravement perturbé le fonctionnement d'une machine administrative complexe et fragile. Trop nombreux dans la grande plaine du Nord comme sur les riches alluvions du bassin du Yang-tseu, les paysans conquièrent les collines du Centre et de l'Ouest dont les forêts font place à des champs de mais et de patates douces ou couvrent de plantations de thé les montagnes du Sud. Renchérissement du prix de la terre et relèvement de la rente foncière affectent directement une paysannerie qui n'assure désormais sa subsistance qu'au prix d'un travail de plus en plus intensif. En l'absence d'une révolution technologique, l'artisanat, secteur traditionnellement développé, ne peut que faire vivre, chichement, une population d'ouvriers mal rémunérés ou qu'offrir des revenus d'appoint aux paysans. Le blocage de l'économie a des répercussions financières : tenu de faire face à des dépenses de plus en plus importantes avec des revenus inchangés, le gouvernement est réduit à des expédients tels que la vente des titres universitaires ou le recours aux contributions " volontaires " extorquées aux marchands. La moralité de la vie publique tout entière est affectée ; l'administration devient synonyme de fraude, d'incompétence et de corruption. Conséquence prévisible de cette carence des autorités, on voit alors se multiplier les mouvements séditieux et les sociétés secrètes qui trouvent un terrain particulièrement favorable auprès des vagabonds, des paysans sans terre et des déclassés de toute espèce qui n'ont plus d'espoir que dans un bouleversement général. La crise de l'opium qui est à l'origine du conflit armé avec l'Occident doit être replacée dans ce contexte particulier. Avant de représenter une maladie sociale, la consommation d'opium est sentie comme un élément perturbateur du commerce extérieur et comme la cause principale du désordre monétaire si préjudiciable à l'économie. Strictement réglementé et limité depuis un siècle au seul port de Canton, le commerce maritime avait pour fonction première d'irriguer l'économie en métaux précieux. Un afflux constant d'argent était, en effet, nécessaire pour maintenir la fixité du rapport entre le métal blanc, monnaie de compte, et une masse monétaire s'accroissant au rythme des émissions de sapèques de cuivre. Il fallait donc que la balance commerciale demeure toujours favorable, d'où la constance des efforts de l'administration pour tenir les étrangers éloignés des zones de production et pour limiter les importations au minimum. Cette politique de hauts prix à l'exportation prévalut tant que l'Europe, qui disposait des réserves métalliques du continent américain, se montra disposée à assurer à n'importe quel prix son approvisionnement en thé, en soie et en produits de l'artisanat de luxe. Les premiers succès de l'expansion coloniale en Inde et la montée des intérêts manufacturiers britanniques modifièrent radicalement la situation. Au XIXe siècle, l'Europe est de plus en plus encline à considérer la Chine comme un marché potentiel. Après avoir tenté, sans beaucoup de résultats, d'écouler à Canton des métaux, du coton brut et des fourrures, les Anglais, devenus pratiquement les seuls partenaires commerciaux de l'empire Ts'ing à la faveur des convulsions de la Révolution française et des guerres napoléoniennes, mirent au point un circuit triangulaire leur permettant d'assurer le financement de leurs importations de Chine grâce à la vente, semi-clandestine, d'opium de l'Inde. Il va sans dire que l'état de décomposition dans lequel se trouvait alors l'Empire chinois explique en grande partie l'accueil favorable réservé à la drogue. De 1820 à 1835, le trafic de l'opium quadrupla, passant de neuf mille à trente-cinq mille caisses par an. Cette " expansion " entraîna un renversement de la balance commerciale qui détermina, par contrecoup, une forte d&e...
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