Kabir 1440-1518 Dans l'abondant lyrisme religieux que l'Inde a produit, plus spécialement entre le VIIe et le XVIe siècle, l'Occident s'est plu à mettre à part le cas de Kabir, surtout depuis les traductions, enjolivées, que Tagore a données en anglais.
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
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de sa fin : c'était, pour lui, des noces avec Râm : “ Je pars rejoindre mon époux, qui est l'Un
et l’immortel.
” Les Hindous voulaient brûler son corps, comme c'est leur usage ; les
Musulmans voulaient lui donner une sépulture : les deux partis allaient en venir aux
mains quand, dit la légende, une voix se fit entendre, ordonnant de soulever le linceul : au
lieu et place du corps, le drap ne recouvrait plus qu'un amas de fleurs.
De tels récits
prouvent au moins la popularité de Kabir et la ferveur des disciples qui nous ont légué ces
données biographiques.
L' œ uvre de Kabir se compose d'un nombre assez modeste de courts poèmes, dont
l'authenticité pose des problèmes.
Car il est probable qu'il ne les a pas fixés par écrit
lui-même, mais transmis oralement à ses disciples.
La langue est, dans la rédaction
actuelle, un hindî archaïque.
Une partie de cette œ uvre a été incorporée au Livre sacré des
Sikhs, l' âdi granth , dont la compilation date de 1604.
D'autre part, il existe un recueil
attribué entièrement à Kabir, le Bîjak , qui aurait été réuni par un de ses disciples aux
environs de 1570 ; le Bîjak est une collection de pièces diverses, désignées par des noms
particuliers selon leur mètre et leur forme : par exemple les Ramaini, exposés doctrinaux
en six lignes environ, ou moins, et les Shabda “ paroles ” : ce sont généralement, en
quelques lignes, des exclamations, des boutades, des v œ ux, des prières, des apostrophes.
Plus brefs encore sont les Sâkhî , sortes d'apophtegmes en deux lignes.
Enfin le volume se
termine par un poème plus long résumant la doctrine.
En outre, il circule, sous le nom de
Kabir, et notamment en tradition orale, des centaines d'autres poèmes du même genre
dont l'authenticité est suspecte.
Le premier trait qui frappe, en Kabir, c'est son esprit critique, sa position négatrice et
destructrice.
Il raille, d'une façon souvent mordante, le ritualisme hindou ; il s'attaque à
tout pharisaïsme, soit hindou, soit musulman.
Il n'a pas son pareil pour secouer le
sentiment de sécurité dont se laissent volontiers envahir croyants, dévots et théologiens.
Baignades ou offrandes des Hindous, prosternations ou psalmodies des Musulmans,
aucun de ces gestes n'est une assurance de salut.
L'ascétisme même ne trouve pas grâce à
ses yeux : voyant un ascète nu, il dit : “ A la bonne heure, le cerf des bois est sauvé lui
aussi.
” Car la pénitence la plus cruelle ne nous garantit rien ; elle ne nous acquiert rien par
elle-même.
Il pourchasse cette illusion du stable et de l'acquis jusque dans l'activité
intellectuelle : pas plus que les gestes dérisoires du dévot, l'intellect constructeur de
dogmes ne nous tire d'erreur.
Aussi Kabir se livre-t-il à un jeu de massacre sur les
principaux thèmes de la philosophie hindoue ; passablement informé des diverses
doctrines, il les plaisante comme un joyeux élève de scolastique en rupture de ban ;
certains passages ne sont pas sans évoquer Rabelais, son cadet d'un demi-siècle.
Même la
méditation personnelle et l'introspection sont sujettes aux mirages de la mâyâ , autant que la
perception du monde extérieur : l'homme ne peut trouver en lui-même son point d'appui.
Il en résulte des instants de découragement, de noir pessimisme, d'incertitude totale ; plus
d'un passage retentit d'un violent et amer : “ Tout est vanité ”, et fait songer
irrésistiblement à l'Ecclésiaste.
Cependant, loin de le conduire à l'agnosticisme, cette critique est une exigence de sa foi ;
elle n'a pas d'autre rôle que de nous montrer que “ tout vient de Dieu, et rien de son
serviteur ”.
Ce maître suprême, il le nomme volontiers Hari ou Râm, termes hindous
vichnouites ; mais qu'on l'appelle Allah ou autrement, peu lui importe.
Et l'aspect sous.
»
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