Justinien Ier par Evelyne Patlagean Chargée d'enseignement à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Caen Justinien Ier a cru restaurer, dans une splendeur qui ne finirait plus, l'Empire d'une Rome devenue chrétienne et byzantine.
Publié le 05/04/2015
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Justinien Ier par Evelyne Patlagean Chargée d'enseignement à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Caen Justinien Ier a cru restaurer, dans une splendeur qui ne finirait plus, l'Empire d'une Rome devenue chrétienne et byzantine. Et ce dessein a fait de lui un novateur, le premier souverain médiéval, le modèle, pour les siècles suivants, de l'empereur législateur et modérateur du monde chrétien, délégué sur terre du souverain céleste, mais en même temps continuateur de Rome, du seul pouvoir qui, aux yeux du Moyen Age, ait échappé aux accidents et aux contestations de l'histoire pour entrer dans l'absolu des idées et des valeurs. De l'homme, visage inexpressif et secret sur la mosaïque de S. Vital de Ravenne, nous ne savons que de maigres faits. Né, vers 482, d'une humble famille, au village de Tauresium, près de Bederiana, bourg peu éloigné de Scupi (Skoplje), il est originaire d'Illyricum, de ce pays balkanique où court dès le IVe siècle la fêlure selon laquelle se brisera l'empire, la ligne de partage entre les langues latine et grecque, entre les juridictions administrative et religieuse de Rome et de Constantinople ; région à part en fait, reculée et rustique, périodiquement ravagée par les Goths et les Huns aux IVe et Ve siècles, tandis que dès la fin du Ve siècle s'y infiltrent les premiers Slaves, et les premiers Bulgares. La fortune impériale avait distingué son oncle Justin, venu à Constantinople de sa province illyrienne pour s'enrôler dans la garde impériale ; il s'était élevé dans la carrière militaire, et dans les dignités, entraînant son neveu à sa suite, et il avait réussi à s'assurer le trône en 518, à la mort de l'empereur Anastase Ier. Mais dès son avènement, âgé et malade, il semble avoir laissé la réalité du pouvoir entre les mains de Justinien, qui succède sans difficulté à son oncle, quand celui-ci meurt en 527. Il faut sans doute placer entre 520 et 524 l'union de Justinien et de Théodora, dont l'Histoire Secrète, pamphlet contemporain, raconte avec une complaisance féroce, et peut-être suspecte, l'enfance pervertie à l'Hippodrome de Constantinople, et la prostitution précoce, impudente, et vagabonde. Devenue impératrice aux côtés de Justinien, elle pèsera sur certains choix personnels, politiques, et surtout religieux ; en effet, si elle est proche de l'empereur par le soutien apporté à la faction probablement aristocratique des Bleus, elle se sépare de lui par sa bienveillance active envers l'hérésie monophysite, dans laquelle s'exprime le particularisme des provinces orientales de l'Empire. Elle meurt sans laisser d'héritier en 548. Justinien lui survit jusqu'en 565. A sa mort, l'un de ses neveux, titulaire d'une charge importante à la cour, parvient à lui succéder ; ce sera l'empereur Justin II. L'oeuvre justinienne développe trois thèmes, qui s'enlacent dans la trame des événements : le grand dessein de restauration de l'Empire romain dans sa plus vaste étendue territoriale ; l'autorité de l'empereur en matière de dogme, face à l'autorité du pape, ou aux dissidences hérétiques des provinces byzantines et des États barbares ; les institutions et le droit enfin, qui structurent la société byzantine, et qu...
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