James Boswell 1740-1795 Le John Bull du XVIIIe siècle, Samuel Johnson, LI.
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
«
déchaîne contre l'infortuné faux-monnayeur Macpherson) et paysages et ruines
commencent à étendre leur frange romantique aux bords de la société.
Inutile de dire que
l'impressionnable Boswell ressent ces influences.
Quel triomphe quand il réussit à enlever
son héros, âgé de plus de soixante ans, pour faire le tour des îles Hébrides.
Couple
saugrenu, ils vont à la découverte des sauvages de l'Écosse ; à cheval, à pied, presque
naufragés, couchant sur la paille ou reçus avec empressement dans les châteaux.
Mais
pour qui chercherait de beaux sites romantiques ou des paysages-états d'âme, le journal
que publiera Boswell au retour ne fournirait pas grand-chose.
Lui-même admet à plusieurs
reprises qu'il ne sait pas décrire les objets visibles, et vite, on voit qu'il ne s'intéresse qu'aux
êtres humains et surtout au grand art du XVIIIe siècle — l'art de la conversation.
D'où ce
qu'il aurait considéré son maître-ouvrage : La Vie de Johnson .
Dans une école moderne de
reportage, la place qu'occupe l'Émile dans tout cours pédagogique pourrait bien être tenue
par cette Vie où on voit la recette infaillible pour extraire d'une célébrité ses vues sur la
prière, sur les auteurs latins, sur l'adultère, ou sur la meilleure façon de fabriquer la bière.
Mais le lecteur d'aujourd'hui se tourne plus volontiers vers l' œ uvre qui, selon les lettres de
son père, devait faire sa honte — ses journaux intimes, dont une partie, Le London journal
de 1762-1763 vient d'être mise à la portée du grand public.
Cette fois, c'est Boswell
lui-même mis à nu ; le Boswell de jeunesse dans toute la fluidité d'un caractère aux
multiples possibilités (qui d'ailleurs ne se figera jamais dans une attitude conventionnelle) ;
un Boswell qui note ses enthousiasmes, ses ambitions, ses dépenses au jour le jour, qui
nous raconte avec le plus grand naturel les détails les plus scabreux de ses rencontres avec
des prostituées dans le Parc ou le drame palpitant de ses amours infortunées avec la belle
veuve Louisa.
Ce qui fait le charme (et la garantie d'authenticité) de ce journal c'est
peut-être le fait que, contrairement à la plupart des journaux intimes, il ne cherche pas à
nous donner un portrait en pied, stylisé et consistant, bien moins à justifier son auteur : il
observe et accepte avec un peu d'étonnement, mais sans chercher à les dénaturer par des
généralisations, des subordinations ou des conclusions, toutes les contradictions,
complexités, inconsistances de la vie.
Que Boswell éprouve une émotion vive et sincère en
écoutant un sermon sur la chasteté et qu'en même temps il fasse des projets détaillés de
séduction pour la journée même, c'est une bizarrerie qu'il constate, mais ne cherche guère à
expliquer.
C'est l'homme de son siècle : il ne nous présente ni la synthèse généralisée et
stylisée du XVIIe siècle, ni les tortures déchirantes et complaisantes qu'au XIXe siècle il
aurait éprouvées à contempler son propre caractère.
Il a le goût de la vie, comme elle est,
avec toutes ses contradictions et toutes ses imperfections.
S'il y a un problème cependant auquel il revient souvent et qu'il voudrait résoudre, c'est
celui du temps.
Car si tout journal intime implique un esprit qui voit volontiers le présent
en fonction du passé et de l'avenir, chez Boswell, cette tendance est pleinement consciente,
et il voudrait bien pouvoir se l'expliquer.
Pourquoi prenons-nous plus de plaisir à réfléchir
sur les expériences agréables de notre passé que nous n'en avons éprouvé devant ces
expériences elles-mêmes ? “ Peut-être, répond-il, y a-t-il un tel arrière-goût de souffrances
dans tout plaisir humain au moment où on l'éprouve, que ce plaisir a besoin d'être purifié
par le temps ; pourtant je ne comprends pas pourquoi le temps ne dissout pas le plaisir et
les souffrances suivant d'égales proportions.
” Il avoue ne pas comprendre et réagit en
homme de son siècle ; pourquoi trop se creuser la tête sur les causes métaphysiques des
phénomènes ; sachons plutôt tirer le parti le plus intelligent de ces phénomènes tels qu'ils.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Boswell James, 1740-1795, né à Édimbourg, écrivain écossais.
- Samuel Hearne 1745-1792 Samuel Hearne, dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle, ouvrit à l'exploration de la race blanche les territoires stériles qui terminent le continent américain sur les rives de l'océan Glacial.
- John Hopkinson par James Greig University of London King's College Le grand essor de la technique dans l'Angleterre du XIXe siècle est dû à des hommes d'origine et de formation extrêmement diverses.
- John Constable par Geoffrey Grigson John Constable naquit au cours d'une décade du XVIIIe siècle qui fut prodigue en génies et en talents dans tous les arts, non pas seulement en Angleterre.
- JOHN BULL EN AMÉRIQUE de James Kirke Paulding (résumé)