Isaac Babel 1894-1941 De taille moyenne, trapu, presque sans cou, le front
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
«
savoir, jusqu'au plus petit détail, sinon je ne peux rien écrire.
Mon bouclier porte la devise :
“ Authenticité.
” C'est pour cela que j'écris si lentement et si peu.
Cela m'est très pénible…
Lorsque j'écris le plus petit conte, je travaille comme un terrassier qui doit à lui seul niveler
le mont Everest… Il m'arrive même de pleurer de fatigue.
J'ai mal à toutes les veines.
Quand je n'arrive pas à réussir une phrase, j'ai le c œ ur pris de spasmes… ”
Il enviait les écrivains faciles, ceux qui flottent au gré de l'inspiration, les Scribes des
Muses.
Lui, était un artisan.
“ C'est le style qui nous sort d'affaire, disait-il, le style ! Je suis
prêt à raconter l'histoire d'une lessive, et cela va peut-être rendre le même son que la prose
de Jules César.
Tout se réduit à la langue et au style.
Et cela, on dirait que je sais y faire.
Mais vous comprenez bien que ce n'est pas l'essence de l'art, seulement un de ses
matériaux de construction, un matériau de bonne qualité, peut-être même plus
précieux… ”
Ainsi Babel se croyait esclave de son métier, homme dénué d'imagination, donc obligé
d'observer dans le moindre détail et avec une absolue précision tout ce qu'il voulait décrire
avant de le formuler de la façon la plus brève et la plus exacte.
Il se sentait réduit à un long
et pénible travail, mot par mot, phrase par phrase, parce que, faute de savoir imaginer,
inventer, il n'était que le serviteur du “ démon ou de l'ange de l'Art ”.
Seul écrivain qui, tout au long de la révolution et de la guerre civile, ne perdit pas la tête,
Babel sut entraver le libre cours de sa passion, l'accumulant en lui-même, pour arriver à
composer ses œ uvres avec des paroles liées par un froid calcul et animées d'un feu
intérieur.
Pathétique dans les sujets les plus élémentaires, moqueur avec tendresse et
tendre avec amertume, il créait comme un poète sans jamais avoir composé un vers.
Chez
lui, point de remplissage.
Il s'attachait à chaque phrase et la polissait, reprenant dix fois,
vingt fois si nécessaire, un conte qui devenait de plus en plus bref.
Sa langue coulait en un
flot lent et égal.
Il n'empêche que si ses œ uvres sont demeurées aujourd'hui, quarante ans
plus tard, aussi bouleversantes qu'au moment de leur publication, un style de technicien
ne suffirait pas à l'expliquer.
Qu'il s'agisse des récits autobiographiques, de ceux qui racontent des histoires d'Odessa,
ville où il avait passé son enfance et son adolescence, de Cavalerie Rouge, collection de
contes et de brefs épisodes de la guerre civile, ou des chroniques françaises qu'il devait
écrire lors de son long séjour à Paris — bref, de ce long mais unique volume de prose que
Babel a composé — on n'y trouve pas une ligne indifférente.
Il y va moins de ses capacités d'artisan, contrairement à ce qu'il s'appliquait à dire, que de
sa vision, aussi profonde, du monde et des hommes dans leur solitude, dans leurs amours
et dans leurs haines, dans la société.
On a beau citer, au hasard, une œ uvre extrêmement
longue — une douzaine de pages — dédiée à Gorki : L'Histoire de mon pigeonnier, où il est
question de l'examen d'admission du petit Babel au lycée et du pogrom qui lui avait
succédé, causant la mort d'un pigeon écrasé contre le visage de l'enfant et l'assassinat de
son grand-oncle ; on a beau relire n'importe lequel des contes les plus courts de Cavalerie
Rouge dont les amours sont aussi subites que les morts, les rages aussi violentes que les
amitiés, on ne peut que subir Babel sans pouvoir le juger..
»
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