Francesco Borromini 1599-1667 Les critiques néoclassiques jugeaient d'après des schèmes déterminés.
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
«
XVIe siècle, se développe dans l'art de Bernin.
L'art de Bernin n'est qu'expansion, dilatation
d'espace, imagination de profondeurs illusoires au-delà des profondeurs réelles.
l'art de
Borromini n'est que contraction d'espace, contradiction systématique des relations
proportionnelles par lesquelles s'exprimait la conception classique de l'espace : son objectif
suprême, c'est la forme sans relation avec quoi que ce soit, sans autre justification
qu'elle-même.
Dans la solution des problèmes statiques, Borromini est réellement un
virtuose ; son but n'en est pas moins de libérer le développement de la forme de toute
condition statique, bien mieux, de réaliser son architecture en contradiction avec toute
“ vraisemblance ” statique.
C'est précisément pour cela que les critiques néo-classiques
parlent d'un renversement de toute tradition constructive et formelle, d'une forme
foncièrement non-naturelle et anti-historique.
L'architecture devient pure décoration.
Mais
non pas une décoration superposée, à titre de commentaire ou d'achèvement — à une
structure visible et déterminante : le caractère de l'architecture de Borromini, c'est la nécessité
et l'exclusivité de la décoration : faite avec une rigueur extrême, elle est d'autant plus
“ nécessaire ” qu'elle correspond moins à une finalité, technique ou pratique, de la
construction.
Elle est une fonction n'ayant d'autre fin qu'elle-même.
La “ praxis ”
architectonique de Borromini (le Caravage aussi, Lombard comme Borromini, avait opposé la
valeur de la “ praxis ” picturale à celle de l'invention) pourrait être assimilée aux pratiques
ascétiques que les religieux de son époque recommandaient aux dévots : elle obéit à un rituel
d'autant plus strict qu'il est plus absurde, mais son but est un but transcendant, dépassant la
vie de ce monde.
En somme, Borromini est le créateur d'une technique transcendantale, pur
exercice de l'âme, qui constitue comme un défi à tout ce qui est naturel, terrestre, concret et
rationnel.
Le sens historiquement fixé des formes est bouleversé, défiguré, contredit par la
surprenante audace des contaminations.
Du rappel de la forme antique, l'artiste passe
fréquemment à des formes absolument neuves, souvent chargées d'un secret symbolisme :
qu'on pense à la spirale de Sant'Ivo, à la Sapienza, aux anges-cariatides du clocher de
Sant'Andrea della Fratte.
Archaïsant jusqu'à réévoquer des rythmes et des tensions gothiques
— comme eut à l'observer Bernin — il lui arrive d'autres fois de pousser si loin dans l'avenir
qu'il devance des solutions spatiales absolument modernes.
En fait, cette architecture évite les
explications historiques comme les explications naturelles ; elle se refuse au temps comme à
l'espace ; elle est, dans une époque pleine d'angoisses religieuses, l'affirmation poussée à
l'extrême d'un “ volontarisme ” mystique contre le rationalisme scolastique renaissant avec
l'universalisme classique et naturaliste de Bernin.
C'est à ces deux maîtres, Borromini et Bernin, qu'est dû l'aspect de la Rome baroque,
c'est-à-dire, en définitive, de la Rome moderne : leurs idéologies formelles opposées révèlent,
aussi bien que possible, les deux pôles opposés de la conscience religieuse et morale de
l'époque.
Essayons d'établir une comparaison entre la Colonnade de Saint-Pierre, ou l'église
de Saint-André-du-Quirinal, de Bernin, et les églises de San Carlo alle Quattro Fontane, de
Sant'Ivo, l'Oratoire des Filippini, le palais de Propaganda Fide de Borromini.
L'architecture de
Bernin veut être une définition, la plus vaste et la plus compréhensive possible — de l'espace.
L'architecture de Borromini est un “ objet ” inséré dans un espace naturel et en flagrante
contradiction avec cet espace.
Elle étale son caractère non-naturel, artificiel (en ce sens aussi,
Borromini, comme technicien, fut un “ virtuose ”).
Elle semble fuir l'étreinte de la lumière et.
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