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Fin de l'Empire d'Occident par JeanRemy Palanque Membre de l'Institut Rien de plus fallacieux ou de plus vain que les tentatives des historiens pour découper le passé en tranches distinctes, comme si un événement bien daté suffisait pour ouvrir ou fermer les portes du destin !

Publié le 05/04/2015

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Fin de l'Empire d'Occident par JeanRemy Palanque Membre de l'Institut Rien de plus fallacieux ou de plus vain que les tentatives des historiens pour découper le passé en tranches distinctes, comme si un événement bien daté suffisait pour ouvrir ou fermer les portes du destin ! De même que, dans l'espace, les véritables frontières naturelles ne sont pas des tracés linéaires faîte de montagnes ou lit de rivière - mais bien plutôt des zones plus ou moins larges, de préférence désertiques ou inhabitées, de même les limites des temps ne peuvent s'accrocher à une date précise. Comme on parle d'Étattampon, ne faudraitil pas concevoir des " époquestampons " ? Ces réflexions doivent être formulées quand on passe de l'Antiquité au Moyen Âge : transition assurément, mais tout ne passetil pas ? Omnia transeunt ! N'essayons donc pas de fixer ce tournant à tel ou tel instant fatidique : la mort de Théodose (395) ou la chute de Romulus Augustule (476). Un grand historien, Ferdinand Lot, chargé d'étudier " la fin du monde antique et le début du Moyen Âge ", a embrassé toute l'époque du IIIe au VIIe siècle. C'est à peu près ces limites que nous envisagerons, en les rétrécissant simplement du IVe au VIe : deux siècles et demi pour l'Occident romain, qui devient alors progressivement barbare. Dans la seconde moitié du IVe siècle, on constate l'existence d'un Occident distinct de l'Orient romain. L'unité impériale, chère à Auguste, à Trajan, à Septime Sévère, est compromise depuis le début du BasEmpire : Dioclétien a bien tenté une restauration unitaire à travers sa tétrarchie, puisqu'il demeurait le seul souverain d'un attelage à quatre ; Constantin a bien fondé une monarchie englobant tout le monde romain. Néanmoins avec ses fils un partage s'est institué : deux partes imperii sont juxtaposées, liées parfois par la communauté de souverain quand survit un seul héritier - Constance II en 350, Julien en 361 -, liées aussi par la communauté du collège consulaire qui donne son nom à l'année, mais le plus souvent séparées par la dualité de législation et d'administration. Après l'extinction de la dynastie constantinienne en 363, celle de Valentinien, qui est installée par l'initiative des chefs civils et militaires, revient, comme par une pente naturelle, à la dualité impériale : deux frères se partagent l'Empire, Valentinien Ier en Occident, Valens en Orient, et désormais il en sera toujours ainsi jusqu'à la fin. Il n'y a donc pas lieu de parler du partage de l'Empire par Théodose entre ses fils en 395, comme on le fait souvent : c'est au plus tard en 364 que s'installe définitivement ce régime, préparé d'ailleurs de longue date par les nécessités de la conjoncture plus encore que par les volontés des gouvernants. Les seules questions qu'on doive se poser à cet égard sont d'abord celle de la coupure entre Orient et Occident, puis celle des rapports entre les deux Empires. La première pensée qui vient à l'esprit quand on oppose Orient et Occident est celle de la distinction entre deux domaines culturels, latinité et hellénisme. Cette dualité a toujours existe depuis que l'Imperator Caesar Augustus a unifié sous son autorité l'ensemble du monde méditerranéen. Rome gouverne toutes les rives orientales du Mare nostrum ; elle a cependant respecté la langue et les modes de vie d'un Orient hellénisé, à la civilisation supérieure. Si presque tous les empereurs ont été euxmêmes des Occidentaux, certains ont adopté pour leur compte la culture hellénique : il n'est que de rappeler les noms d'un Hadrien, d'un Marc Aurèle, d'un Julien ; et au IIe siècle avec la Seconde sophistique, au IVe avec les grands rhéteurs païens et les Pères de l'Église, on a pu parler de renaissances de l'hellénisme. A un niveau inférieur, celui de la langue usuelle, les domaines sont encore plus tranchés : les dialectes locaux ne sont plus que patois rustiques et tout le monde en Orient parle le grec de la Koinè, tous en Occident s'expriment en latin. Seules des élites cultivées ou des techniciens sont bilingues : Orientaux qui ont besoin du latin, langue officielle de l'administration et de l'armée ; Occidentaux désireux d'accéder aux chefsd'oeuvre de la littérature ou de la philosophie grecques. Ce dualisme existe depuis des siècles et ne fait que s'accentuer, l'ignorance du grec se généralisant en Occident. Mais il ne faudrait pas pour autant faire coïncider la frontière politique avec la limite linguistique : les accidents de l'histoire ont rattaché à l'Occident toute la péninsule balkanique, dont le Sud n'est autre que la vieille Hellade, Macédoine et Achaïe, où survit Athènes avec ses écoles fameuses ; inversement est rattaché à l'Orien...

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