Eugène Freyssinet 1879-1962 Le béton armé souffre du fait que, tandis que l'acier des armatures résiste aussi bien aux efforts de tension que de compression, le béton, lui, se fissure dès qu'il travaille autrement qu'à la compression.
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
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est suspendu à un double arc d'une extraordinaire franchise.
Deux énormes traverses,
disposées aux extrémités de l'ouvrage, assurent seules le raidissement, sans qu'aucune
entretoise n'altère la pureté de l'arc, solution aussi hardie que monumentale dans sa
simplicité.
Les hangars d'Orly ne devaient pas non plus à leurs seules dimensions leur
saisissante grandeur : aucune interprétation architecturale n'affaiblissait l'impression de
puissance et de rigueur que produisait la solution structurale, fondée sur la répétition d'un
même élément, l'arc en onde.
La forme technique est si dense qu'aucune recherche
d'expression ne lui donnerait plus de force que ne le fait la simple affirmation de sa vérité
interne.
Entre 1928 et 1940, Freyssinet réalise des ouvrages aussi considérables que Plougastel ou
Traneberg, mais se consacre avant tout à la mise au point de la précontrainte.
Les
conséquences de ces recherches pour le béton armé sont comparables à celles qu'eut, pour
la construction métallique, la substitution de l'acier à la fonte.
Plus encore, la précontrainte
bouleverse les données “ classiques ” de la construction moderne dans son ensemble.
Elle provoque en effet une révolution du monde des formes.
Sans doute, une précontrainte
efficace n'est guère possible dans les éléments à forte courbure, et il ne semble pas que,
dans ce domaine, le répertoire actuel doive beaucoup s'enrichir.
En revanche, il se produit
une véritable renaissance des éléments structuraux rectilignes, ainsi que d'assemblages
rappelant les charpentes métalliques.
“ Un domaine continu s'étend désormais du béton
non-armé aux constructions de béton et charpente métallique solidaires, en passant par le
béton armé traditionnel, le béton précontraint, partiel ou total, et les combinaisons de tous
ces procédés.
” (N.
Esquillan.)
Les formes de la construction métallique et du béton armé tendent donc à se confondre —
mais ne risquent-elles pas de s'abâtardir, de perdre, avec leur saveur spécifique, leur
pouvoir d'expression ? Les structures imaginées par Freyssinet depuis 1940 montrent que,
loin de l'appauvrir en l'uniformisant, la précontrainte peut enrichir la construction de
familles entières de formes originales.
C'est dans le domaine des ponts que ses possibilités
ont été le mieux explorées : elle permet en effet une tension des formes qui répond à des
exigences constructives et fonctionnelles que ne pouvait satisfaire le béton armé, comme
au goût actuel pour des ouvrages très plats s'effaçant dans le site.
Les ponts sur la Marne
sont révolutionnaires par leur légèreté, le surbaissement de leurs arcs, la netteté de leurs
lignes.
De plus, la poutre de l'arc est détachée des rives par des béquilles très minces : un
vide apparaît là où l' œ il attend la plus forte épaisseur de matière.
Ce paradoxe visuel
donne à ces ponts le caractère dramatique que possédaient déjà le Veurdre et
Saint-Pierre-du-Vauvray, et qui marque les ouvrages dans lesquels la forme traduit
spontanément, sans exhibitionnisme structural, l'exploitation maximum des possibilités du
matériau.
Le système des “ portiques à béquilles ” semble, du reste, susceptible de recevoir
de nombreuses applications, dans les ponts simples ou à arches multiples, pour lesquels il
fournit un schéma extrêmement dynamique, mais aussi dans de tout autres types de
constructions : ainsi à la Basilique Saint-Pie-X à Lourdes, où les architectes ont respecté
l'effet monumental produit par le système structural proposé par Freyssinet et qui, comme
à Orly, repose sur la répétition d'un seul élément, ici, le portique à béquilles triangulaires..
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