En quoi et pourquoi, selon Weber l'analyse de la couche porteuse des lettrés peut-elle donner la clef sociologique du confucianisme ? Partagez-vous cet avis ?

« forte, était en lien avec l'ordre cosmique.

Ainsi, tout était fait pour qu'au moindre problème cela se répercute sur le peuple, en bas de l'échelle sociale.

« Le monarquedevait traiter la masse inculte du peuple comme des enfants » (Weber, CT, p220) Selon l'éthique confucéenne, chaque homme est libre de choisir d'avoir un boncomportement ou non et il peut s'élever grâce à la connaissance des écritures littéraires.

C'est pourquoi tout repose alors sur les fonctionnaires lettrés qui étaientresponsables de la direction de la société auprès des monarques.

Encore une fois on peut observer l'influence considérable de la pensée confucéenne sur l'organisation de la société chinoise et la domination du corps des lettrés.

Les lettrés sont porteurs d'une éthique régulée par la notiond'honneur, de sincérité et de loyauté comme prôné dans les écrits de Confucius.

L'honneur féodal se transforme donc en honneur académique en s'adaptant àl'émergence d'un corps de lettrés dominants.

La théorie confucéenne assoit la toute puissance des lettré lorsqu'elle ne permet pas à l'empereur de gouvernerconstitutionnellement sans avoir recours aux fonctionnaires lettrés.

Un point important de l'éthique confucéenne, qui a aussi influé sur les comportements des chinois,est l'idée de convenance.

Un bon comportement serait récompensé par le ciel et l'instauration d'une sorte de méritocratie est une des réponses à cette éthique.D'ailleurs, dans l'oeuvre de Confucius Max Weber remarque une « révision pragmatique et systématique des faits du point de vue de la convenance » (Weber, CT.p170).

Les chinois développe ainsi un système rationnel d'éthique sociale.

L'éthique confucéenne est donc basée sur l'idée d'égalité de principe entre les hommes maisdans la réalité de la société chinoise, « la domination des lettrés a créé un fossé profond entre les personnes cultivées et celles qui ne l'étaient pas.

» (Weber, CT.p212).

Nous pouvons maintenant nous intéresser à un point de vue plus large de l'étude de Max Weber dans cet ouvrage, notamment concernant les relations entreconfucianisme et capitalisme.

Dans ce livre Max Weber a remarqué à juste titre l'influence du confucianisme sur l'organisation sociale et politique chinoise à traversun corps de lettrés dominant et indispensable.

Cependant ce n'est pas la seule théorie émise par le sociologue.

Effectivement, il avance l'idée, à la manière de sonouvrage précédent « L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme », qu'il y aurait un lien entre le confucianisme et le non développement du capitalisme en Chine.Dans « L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme », Max Weber démontre que le capitalisme s'est mieux développé chez les protestants que chez les catholiqueset tente d'en dégager des régularités propres à chaque religion.

Dans « Confucianisme et taoïsme », la démarche est similaire.

Il cherche à comprendre pourquoi lecapitalisme ou même l'idée d'un système marchand ne s'est pas développé en Chine, il propose comme réponse les principes de l'éthique confucéenne.5/7 « La brièveté du temps où les fonctionnaires occupaient leur poste ne permettait pas à l'administration étatique, en dépit de sa toute puissance théorique, d'exercer unequelconque influence rationnelle et intensive sur l'économie que de manière discontinue et par à coups »(Weber, CT.

p196).

Comme nous l'avons vu plus haut, lesfonctionnaires lettrés se préoccupaient particulièrement des affaires intérieures, de ce fait, l'économie marchande basée sur les échanges extérieurs a été délaissée.

« Iln'y avait pas de politique commerciale au sens moderne du terme » (Weber, CT.

p 199).

Un autre point pourrait être la cause du non développement du capitalisme,l'écriture.

Sans art du discours, le développement de la rationalité n'a pu se développer comme en occident.

L'absence de l'apprentissage du calcul est lui aussi unfacteur prit en compte par Max Weber qui considère que sans cette notion de raisonnement l'idée du capitalisme n'a pas pu se développer.

« La signification del'absence dans la philosophie chinoise de ces problématiques qui étaient inscrites au coeur de toutes philosophies occidentales apparaît en toute clarté dans les formesde pensées propres aux philosophes chinois, Confucius en tête.

» (Weber, CT.

p187).

Max Weber considère donc que la pensée chinoise est restée à un stade primitif.

« Les Annales qui sont si pauvres au regard de nosconceptions » (Weber, CT.

p192).

Mais aujourd'hui cette vision est remise en cause par la plupart des philosophes occidentaux.

Les philosophies de Confucius ontlongtemps été considérées comme peu favorables au développement du capitalisme du fait de leur célébration de l'humilité, du vide, de l'inutilité.

Par ailleurs, leconfucianisme défend l'idée selon laquelle la richesse doit être tirée de l'agriculture et non du commerce qui serait une sorte d'affront.

Or, cette vision est aujourd'huiremise en cause et l'on s'interroge inversement sur la contribution du confucianisme à l'essor du capitalisme asiatique et sur la contribution non moins étonnante dutaôisme au libéralisme économique.

Max Weber accuse le confucianisme d'avoir empêché le développement du capitalisme, selon le même raisonnement qui leconduit à faire du protestantisme l'origine du capitalisme occidental.

À l'inverse, prenant à contrepied la thèse de Weber , on peut souligner le rôle positif duconfucianisme dans l'essor du capitalisme asiatique : valorisation du travail, de l'éducation et du mérite personnel sont les valeurs confucéennes qui expliquent lesuccès de l'Asie.

De plus, la réussite économique des diasporas chinoises s'expliquerait aussi par un capitalisme confucéen : importance des relations sociales etfamiliales et de la confiance interpersonnelle.

Le goût pour l'épargne existe aussi bien dans le protestantisme que dans le confucianisme.

Une autre critique portée parl'économiste Michio Morishima remet en cause cette théorie, en prenant l'exemple du Japon qui a également connu l'influence du confucianisme mais qui a pourtantdéveloppé une forte doctrine capitaliste.

Dans ses oeuvres, il explique le développement du capitalisme au Japon sous l'ère Meïji grâce aux valeurs confucéennes.S'inspirant de Max Weber,il propose une théorie du capitalisme japonais, fait de technologies occidentales et de confucianisme militariste, nationaliste et paternaliste,sur fond de structure sociale très hiérarchisée.6/7 Pour conclure, les relations qu'entretiennent la couche porteuse des lettrés et le confucianisme sont indéniables, Max Weber montre explicitement l'influence duconfucianisme sur l'organisation de la société chinoise et particulièrement donne la réponse à la domination du corps des lettrés sur le reste de la population.

L'éthiqueconfucéenne à permis la création d'une éducation ouverte au plus grand nombre, de maintenir l'unité du pays en restant pacifiste et ainsi développer un corps defonctionnaires lettrés spécialisés dans la littérature et l'art de l'écriture.

Cependant l'idée selon laquelle la pensée chinoise serait plus ou moins primitive par la nonthéorisation de sa pensée comme en occident, est vivement remise en cause par les penseurs contemporains qui voient dans l'art littéraire chinois une intelligence et unmode de pensée qui n'a pas été développé en occident.

L'autre critique qui peut être apportée à cet ouvrage de Max Weber concerne l'incompatibilité entre capitalismeet confucianisme.

De nouvelles études partent du principe que le capitalisme peut être encouragé par l'éthique confucéenne et l'évolution de la société japonaise en estun exemple dans une thèse proposée par l'économiste Michio Morishima.

Nous pouvons ainsi nous interroger sur le développement récent du capitalisme en Chinepourtant toujours imprégné jusqu'au plus profond de la société de la pensée confucéenne.. »