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Emmanuel Chabrier 1841-1894 L'apparition lumineuse et fantasque d'un lutin, en quelque songe

Publié le 05/04/2015

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Emmanuel Chabrier 1841-1894 L'apparition lumineuse et fantasque d'un lutin, en quelque songe de nuit d'été, l'irruption d'un bon diable, ensemble malicieux et bénévole, à travers un conte légendaire d'Orient : tel fut, parmi le trantran artistique et mondain de la capitale, le sillage d'impressions et de souvenirs que laissèrent la brève existence d'Emmanuel Chabrier et sa carrière, plus écourtée encore, de musicien professionnel. Tel s'y manifesta roulant comme boule à travers quilles, bousculant les poncifs, narguant les pontifes -- ce petit gros homme à barbiche de chèvre-pied, à cerveau olympien, à nez bourbonien (" L'Ange du Cocasse ", disait de lui son ami Vincent d'Indy). Il venait à Paris (vers 1857) du fin fond des provinces : on veut dire, de l'Auvergne rude. Il était né à Ambert le 18 janvier 1841. Il tirait son ascendance paternelle d'une antique souche de bourgeois d'Ambert -- marchands, gens d'église, gens de robe. Son grand-père était magistrat, son père, avocat. Tous ces Chabrier étaient naturellement tenus à un certain décorum. Ils s'en revanchaient par une singulière propension à l'humour, à la mystification, aux inventions plaisantes. C'est d'eux assurément qu'Emmanuel Chabrier hérita ce don de la bouffonnerie dont furent marqués son caractère, sa vie quotidienne, et finalement, son génie de musicien. L'aptitude musicale elle-même, il est vraisemblable qu'il la devait à sa mère, la gracieuse Evelina Durozay, par laquelle il avait des attaches dans le Bourbonnais cher aux Muses. Emmanuel Chabrier -- le petit " Mavel ", comme on disait en diminutif affectueux, dans le langage du cru -- fut élevé à Ambert jusqu'à l'âge de sa première communion ; puis au Lycée de Clermont-Ferrand ; enfin au Lycée Saint-Louis, d'où il passa sur les bancs de l'École de Droit. Car la famille Chabrier-Durozay s'était transplantée à Paris alors qu'Emmanuel atteignait sa seizième année. Plus tard, dans son existence de déraciné (de " Vaincu de Paris ", a dit Bergerat), rien ne devait effacer pour Chabrier l'empreinte des années quasi villageoises, quasi bucoliques, de son enfance à Ambert. Au collège, Emmanuel avait été un assez bon écolier ; car il avait l'esprit prompt, et accordait aux travaux scolaires une application dont son père au surplus ne l'eût pas dispensé. Mais dès les année...

« Chabrier allait aborder la profession de musicien sans sortir d'aucune École, sans s'autoriser d'aucune discipline qui fît de lui un “ régulier ”.

En homme neuf, en self made man.

C'est pourquoi les “ réguliers ” affectèrent longtemps — et même après sa mort — de ne voir en lui qu'un amateur bien doué. A la Faculté de droit, Emmanuel, pour se plier aux volontés paternelles, poussa jusqu'à la licence, bien que la musique fût toujours sa principale étude.

Un marchand de pianos bien connu a conté comment le jeune Chabrier, chaque jour, se dérobait aux heures d'amphi pour venir chez lui toucher du clavier, s'exercer avec opiniâtreté.

Pour finir, on lui fit obtenir un poste de surnuméraire au ministère de l'Intérieur (1861), emploi dont il ne devait se démettre qu'en 1880.

Naturellement Chabrier, hors les heures de bureau strictement obligatoires, déploya toute son activité dans le culte de la musique, les travaux de composition, les relations d'amitié avec ses artistes préférés, dans la fréquentation aussi des salons où on se piquait de patronner la musique, les arts, les lettres.

Fort sociable, joyeux compagnon, volontiers obligeant, ne manquant ni d'esprit, ni d'une éducation mondaine du meilleur aloi, il fut accueilli partout avec cette cordialité dont lui-même donnait l'exemple. Ainsi qu'il arrive chez les jeunes compositeurs, les visées de Chabrier erraient tour à tour vers le Théâtre et vers le Concert.

C'est par le Théâtre qu'il débuta, du moins, qu'il commença à se faire connaître.

Après deux ébauches de bouffonneries lyriques élaborées en collaboration avec Verlaine et qui n'aboutirent pas (1863 et 1864), il put faire jouer avec succès aux Bouffes Parisiens, en 1877, sa charmante opérette de l'Étoile qui maintenant figure au répertoire de l'Opéra-Comique.

Autre menu succès, mais éphémère, avec la saynète musicale, d'une si jolie verve, qu'il fit représenter en 1879 au Cercle de la Presse : l'Éducation manquée . Mais déjà il se sentait des ailes, déjà son génie arrivait à maturité ; déjà il était profondément imprégné des chefs-d' œ uvre de Wagner ; déjà tout son effort allait à la grande composition, à la haute musique.

Cette carrière de compositeur où dès le départ il était en posture de maître, commença pour lui vers 1881, alors qu'il atteignait sa quarantième année ; elle devait prendre fin avec sa mort prématurée, en 1894.

On ne peut en suivre ici toutes les étapes, en relater les rares éclaircies, les multiples déboires, les cruelles malchances... Rappelons au plus bref, que Chabrier, quand il donna, en novembre 1880, sa démission d'employé au Ministère, était marié depuis six ans, et père de deux garçons ; qu'il n'avait guère pu se produire encore, comme compositeur de musique de chambre ou d'ouvrages symphoniques, que par quelques auditions à la Société nationale de Musique, jeune groupement animé des plus louables tendances, auquel il collaborait avec zèle et où il était fort prisé.

En 1881, c'est la haute estime dont il jouissait auprès de Charles Lamoureux qui lui permit de prendre rang parmi les professionnels.

La Société des Concerts Lamoureux, alors dans son essor et qui déjà tenait dans le monde musical un emploi souverain, s'attacha Emmanuel Chabrier comme “ chef des ch œ urs ” ; en fait, Lamoureux fit de Chabrier son second, son factotum.

A titre de vacances, le compositeur put accomplir avec sa femme, en automne 1882, un voyage de quelques semaines en Espagne.

Il en rapporta les éléments d' Espana , l'éblouissante rhapsodie qui fut exécutée par l'orchestre Lamoureux. »

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