Donatello par Pierre Francastel Donatello a été sans doute le plus grand sculpteur de tous les temps.

Donatello par Pierre Francastel Donatello a été sans doute le plus grand sculpteur de tous les temps. Son oeuvre confond par son étendue ; il s'est exprimé totalement dans la même discipline ; il a transformé à la fois la conception technique et le contenu de l'art de son temps. Il y a peu d'artistes qui soient aussi présents dans leur oeuvre ; chacun de ses travaux établit un contact direct avec le spectateur et, cependant, il n'en existe guère qui, sans être anonymes, aient laissé aussi peu de place à l'anecdote. Simple de costume et de moeurs, libéral, insouciant, il mourut pauvre après avoir créé un monde de figures et connu l'intimité des plus grands. Célibataire, il semble avoir été détaché de toute passion traditionnelle. Ni femme ni foyer. Détaché de toute croyance orthodoxe, il nous a laissé un art absolument pur de toute convention esthétique, sociale ou symbolique. Il est, à la fois, le plus grand créateur et le plus grand révolutionnaire des Temps Modernes sans nous avoir laissé autre chose à étudier que ses ouvrages. Fils d'un cardeur de laine qui semble avoir été un agitateur populaire vers le temps de sa naissance, entre 1382 et 1387 sans doute en 1386, il sera le familier de Cosme de Médicis, mais il sera surtout un des hommes qui, personnellement, auront le plus fait pour ébranler l'ordre établi. Une vision de l'homme s'achève et se détruit à travers la première partie de sa carrière ; une autre vision contraignante pour quinze générations de sculpteurs se définit à travers son aventure d'homme et d'artiste. Donatello apparaît dans le sillage de Brunellesco. Ils vont, à eux deux, révéler à leurs contemporains une nouvelle manière d'appréhender l'univers et d'en construire figurativement l'apparence. Ils sont, sans doute, les deux premiers hommes entièrement modernes de l'histoire, ayant vécu les premiers dans le cadre imaginaire à la mesure des connaissances et des capacités d'action créatrice des Temps Modernes. Donatello était trop jeune pour participer au fameux concours florentin de 1401 où s'affrontèrent Ghiberti et Brunellesco. Mais, aussitôt après, il paraît sur les vastes chantiers ouverts pour la décoration des trois grandes entreprises contemporaines : la cathédrale dotée par Brunellesco de la merveilleuse et scandaleuse coupole ; Or San Michele, le sanctuaire traditionnel des corporations ; le campanile entamé par Giotto et qui appelait encore un complément de statuaire décorative. Donatello y prend place comme tailleur d'images. Ses premières oeuvres sont des figures colossales et drapées : Saint Jean l'Évangéliste, Saint Marc, Saint Pierre, Saint Georges, Jérémie, Habacuc et le célèbre Zuccone directement issues de la grande tradition de la statuaire monumentale des cathédrales gothiques. Évidemment elles possèdent un élan farouche, une nuance d'héroïsme et d'individualité qui n'a plus rien de commun avec Chartres ou Amiens, mais leur réalisme ou leur emportement viennent exclusivement des accents particuliers et, pour tout dire, de l'inspiration qui ne détruit pas encore la forme traditionnelle, se contentant de la soulever. Un ordre établi se renverse toujours d'abord du dedans, la phase proprement créatrice vient ensuite. Donatello figure d'abord une aventure de l'homme moyenâgeux - à laquelle appartient encore le Moïse de Michel-Ange - non pas l'image de l'homme moderne, non seulement révolté mais capable de construire un autre univers dans son esprit e...