Conquête de l'espace : les précurseurs par Pierre Auger Professeur à la
Publié le 05/04/2015
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Conquête de l'espace : les précurseurs par Pierre Auger Professeur à la Sorbonne Président du Centre National d'Études Spatiales De même que la surface de la Terre connue des anciens leur paraissait limitée de toutes parts devant un fleuve immense et infranchissable, de même l'univers accessible directement à nos sens devait rester longtemps borné par la nature même de ceux-ci, qui ne peuvent percevoir ou embrasser les événements et les objets trop petits, trop grands ou trop lointains. Et les indices par lesquels, dans certains cas, on aurait pu soupçonner quelque chose des lois qui règnent dans les prolongements de notre univers local, étaient interprétés comme de simples singularités des phénomènes familiers, - qu'il s'agisse de la discontinuité des espèces vivantes, des couleurs des bulles de savon, de la voie lactée ou des aurores boréales. Pourtant, l'explosion scientifique de notre vingtième siècle est venue ouvrir à nos sens, grâce aux instruments, d'immenses domaines nouveaux de l'univers et, après l'infiniment petit, voici que l'homme veut conquérir l'infiniment grand. L'Atome, son noyau, les particules élémentaires qu'il recèle et dont les liens réciproques et les transformations mutuelles nous ont dévoilé un monde à la fois précisément organisé et pourtant soumis au hasard, constituent maintenant pour nous le domaine entièrement nouveau des avatars microscopiques de l'énergie et de la masse. L'espace, les milieux interplanétaires, interstellaires, intergalactiques, les planètes, les étoiles et les galaxies, constituent de leur côté le domaine des dimensions, des durées et des masses qui exigent l'emploi de chiffres dits, à bon escient, astronomiques. Et de même que notre Soleil se trouve dans une situation très moyenne au sein de la galaxie, ni au centre ni à la périphérie, nous nous plaçons aussi dans une région moyenne de l'échelle de l'univers, pour autant que nous la connaissions, à la fois dans les durées et dans les dimensions accessibles à la mesure ou au moins à l'évaluation scientifique. Il est vrai que certains esprits prophétiques, déjà dans l'antiquité, avaient prévu que l'univers s'étendait fort loin en deçà et au-delà de notre perception directe : mais en situant les planètes et les étoiles dites fixes à des distances modestes et en voyant dans les mouvements des poussières dans un rayon de soleil le résultat de l'agitation atomique, ils restaient, de nombreux facteurs de dix, au-dessous des réalités que nous commençons seulement à entrevoir. Je dis que nous commençons seulement, car en ce qui concerne notre sujet actuel, c'est-à-dire l'espace, l'échelle elle-même des dimensions les plus fondamentales, comme la distance de la nébuleuse d'Andromède par exemple, a encore récemment subi des changements du simple au double et les incertitudes sur la signification du déplacement vers le rouge de la lumière des galaxies lointaines nous empêchent d'évaluer exactement la portée de nos grands instruments astronomiques. Il reste que c'est au fait que l'atmosphère est, en gros, transparente aux rayons de la lumière visible que nous devons cette première sortie de l'homme hors de son échelle propre. Si notre Terre se cachait en permanence, comme Vénus, derrière d'épais voiles nuageux, l'évolution de la pensée humaine aurait certainement été bien différente : c'est en effet dans les mouvements des astres que les anciens ont reconnu pour la première fois des règles naturelles assez simples pour que l'on puisse songer à leur appliquer les mathématiques, et c'est en somme à cette application que s'est limitée la physique théorique pendant deux millénaires. La science de l'espace, sous les espèces de l'Astronomie, a d'ailleurs joui de tous temps de privilèges spéciaux parmi les autres sciences dont elle est en quelque sorte l'aînée. C'est à elle - pour la construction de...
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