Cent ans de théâtre par Jean Vilar Acteur et metteur en scène Il y a un siècle et demi, lorsque Napoléon III prit le pouvoir, il trouva, s'il en eut le souci, un art du théâtre qui dut lui donner l'illusion du beau, voire du grandiose et du parfait.
Publié le 05/04/2015
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Cent ans de théâtre par Jean Vilar Acteur et metteur en scène Il y a un siècle et demi, lorsque Napoléon III prit le pouvoir, il trouva, s'il en eut le souci, un art du théâtre qui dut lui donner l'illusion du beau, voire du grandiose et du parfait. Si l'inspiration dramatique, déviée depuis longtemps de ses sources originelles, emprunte alors à la caricature les grimaces ou les tics du mélo ou donne par Scribe ou Labiche notamment un témoignage parodique de la plus épaisse des sociétés bourgeoises, par contre l'art artisanal de la scène atteint dans le modelage, l'illustration et le découpage de la toile peinte un point majeur que l'avenir ne pourra dépasser. L'Opéra National, ainsi que toutes les scènes lyriques du monde maintiendront jusqu'aux années 60 cette façon de faire. Les découvertes mécaniques et électriques de ce siècle, quand elles s'adaptent à ce style, il ne semble pas qu'elles apportent à l'art de la scène un renouveau fructueux, car l'art du théâtre, vieux en Occident de plus de vingt-cinq siècles, refuse le progrès. Il refuse à partir de 1914 le matériau moderne : les théâtres construits en ciment armé et non en pierre de taille et en bois n'eurent jamais une âme, quelque beaux qu'ils soient d'apparence. Donc, Scribe comme Meyerbeer, Wagner comme Debussy, Becque comme D'Annunzio, Rostand comme Ibsen s'emprisonnent alors dans cette boîte de convention, parfaitement aménagée et sertie de tous les prestiges milliflores de la toile peinte avec la plus extrême minutie, obéissant aux lois sacro-saintes de la " prospettiva ", servie par l'art complexe et industrieux de la machinerie. Les grands décorateurs de la scène entre 1852 et 1900 ne sont pas Degas, Manet, Cézanne, Renoir, etc., ce sont des spécialistes méticuleux et honnêtes qui découpent et peignent les châssis de côté et la toile de fond selon un art de la décoration théâtrale qui n'a plus rien de commun avec ses origines italiennes que ces scrupuleux fournisseurs croient cependant perfectionner. Ces " décorateurs " pignochent donc sur toile des vues en profondeur d'une rue, d'une place, voire d'un village en son entier, toiles de fond usagées devant lesquelles parurent pour la première fois il y a un siècle, Chantecler, Ibsen, Bernard Shaw, Synge, voire Pirandello et Strindberg, Marguerite, Faust, Tristan et Yseult, la Femme nue, l'Homme à la rose, les Huguenots et la Vierge folle. ...
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