Carlo Gozzi 1720-1806 Pointilleux, emberlificoté, glapissant et violemment pittoresque, bref, un de
Publié le 05/04/2015
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réagissant contre la commedia dell'arte et en imitant Molière, et l'abbé Chiari, romancier et
dramaturge ampoulé qui se donne pour le rival du premier et que l'on prend au sérieux.
Or le comte Carlo a une façon de dauber qui vous tue son homme.
Il débute par le
truculent poème épico-satirique intitulé La Marfisa Bizzarra , puis mis au défi de faire mieux
que ses deux têtes de Turcs, il s'exécute et obtient au théâtre des succès fabuleux (jusqu'à
quinze représentations consécutives !), à telle enseigne que Goldoni est obligé d'émigrer à
Paris et l'abbé Chiari de se taire pour toujours ou presque.
Il est des gageures heureuses ; telle fut celle du comte Carlo Gozzi.
Afin de prouver que
l'on peut avoir du succès avec n'importe quoi, il avait tiré ses intrigues de vieux contes de
fées, et, y mêlant Arlequin, Tartaglia et tous ces personnages de l'ancien théâtre que
Goldoni disait périmés, écrit ces pièces avec lesquelles la troupe du théâtre San Samuele va
de triomphe en triomphe : l'Amour des trois oranges , le Roi Cerf , le Corbeau ,Turandot ,
l'Oiselet vert , et cette demi-douzaine d'autres fiabe qu'il compose en se jouant entre 1761 et
1765, dans un style assez pesant, avec des idées quelque peu confuses, mais avec une
inépuisable richesse d'inventions dramatiques et une sorte de génie de la suggestion
poétique.
Et puis, en 1765, la veine créatrice de Gozzi se tarit brusquement.
Pourquoi ? Parce que
l'adversaire était en fuite ? Ou bien, peut-être, parce qu'il avait lui-même découvert les
limites du genre méprisé par cet adversaire.
Mais il n'abandonne pas le théâtre pour
autant.
Il “ arrange ” des pièces étrangères et fabrique des divertissements pour les
comédiens de Sacchi et leur garde surtout pendant quelques années une protection qui fut
peut-être même financière.
C'est que le comte Carlo a un penchant très net pour la vedette
de la troupe, Teodora Ricci, une jeune coquette qu'il a quelque peu inventée, et qui avait,
sinon la beauté tout court, du moins la beauté du diable, ainsi que, semble-t-il, la cuisse
assez légère.
De cet amour et des manigances de l'aimable Teodora, naît la troisième
grande affaire de la vie du comte Carlo Gozzi.
Entre autres rivaux dans le c œ ur et dans les
faveurs de la comédienne, celui-ci a Pier Angelo Gratarol, secrétaire de la Sérénissime ; les
Drogues d'amour , adaptation d'une pièce de Tirso de Molina, deviennent, grâce aux potins
de Teodora, à la maladresse d'un acteur et, probablement, bien qu'il s'en défende, à la
perfidie de Gozzi lui-même, un pamphlet contre l'important bureaucrate.
Scandale, exil de
Gratarol, ruine de la troupe et, finalement, les Mémoires inutiles , cette bilieuse et
éblouissante autobiographie où Carlo Gozzi prolongera pendant vingt ans sa polémique
contre Gratarol, puis, ce dernier décédé, contre l'ombre de Gratarol, et, la Sérénissime
disparue à son tour, contre un monde nocturne peuplé de fantômes...
Qu'eût-il fallu à Gozzi pour être vraiment un grand écrivain ? Sans doute le dialogue léger
et coulant de Goldoni, et moins de prétention à la pompe et au purisme de langage.
Avec
tous ses défauts, il est néanmoins d'une modernité singulière, et, par son théâtre fiabesque
et par ce que ses mémoires ont de vaguement stendhalien (simplicité du style en moins), ce
parfait et presque unique excentrique des lettres italiennes reste l'un des précurseurs du
romantisme le plus authentique, celui de Tieck et de Hoffmann...
Mais quel admirable
“ grondeur ” il eût fait pour une comédie de son rival !.
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