Boule de suif (1880) Guy de Maupassant Pendant plusieurs jours de suite des lambeaux d'armée en déroute avaient traversé la ville.
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
«
anxieusement les vainqueurs, tremblant qu'on ne considérât comme une arme leurs
broches à rôtir ou leurs grands couteaux de cuisine.
La vie semblait arrêtée ; les boutiques étaient closes, la rue muette.
Quelquefois un
habitant, intimidé par ce silence, filait rapidement le long des murs.
L'angoisse de l'attente faisait désirer la venue de l'ennemi.
Dans l'après-midi du jour qui suivit le départ des troupes françaises, quelques uhlans,
sortis on ne sait d'où, traversèrent la ville avec célérité.
Puis, un peu plus tard, une
masse noire descendit de la côte Sainte-Catherine, tandis que deux autres flots
envahisseurs apparaissaient par les routes de Darnetal et de Boisguillaume.
Les
avant-gardes des trois corps, juste au même moment, se joignirent sur la place de
l'Hôtel de Ville ; et, par toutes les rues voisines, l'armée allemande arrivait, déroulant
ses bataillons qui faisaient sonner les pavés sous leur pas dur et rythmé.
Des commandements criés d'une voix inconnue et gutturale montaient le long des
maisons qui semblaient mortes et désertes, tandis que, derrière les volets fermés, des
yeux guettaient ces hommes victorieux, maîtres de la cité, des fortunes et des vies, de
par le “ droit de guerre ”.
Les habitants, dans leurs chambres assombries, avaient
l'affolement que donnent les cataclysmes, les grands bouleversements meurtriers de la
terre, contre lesquels toute sagesse et toute force sont inutiles.
Car la même sensation
reparaît chaque fois que l'ordre établi des choses est renversé, que la sécurité n'existe
plus, que tout ce que protégeaient les lois des hommes ou celles de la nature, se trouve à
la merci d'une brutalité inconsciente et féroce.
Le tremblement de terre écrasant sous
des maisons croulantes un peuple entier ; le fleuve débordé qui roule les paysans noyés
avec les cadavres des b œufs et les poutres arrachées aux toits, ou l'armée glorieuse
massacrant ceux qui se défendent, emmenait les autres prisonniers, pillant au nom du
Sabre et remerciant un Dieu au son du canon, sont autant de fléaux effrayants qui
déconcertent toute croyance à la justice éternelle, toute la confiance qu'on nous enseigne
en la protection du ciel et en la raison de l'homme.
Mais à chaque porte des petits détachements frappaient, puis disparaissaient dans les
maisons.
C'était l'occupation après l'invasion.
Le devoir commençait pour les vaincus
de se montrer gracieux envers les vainqueurs.
Au bout de quelque temps, une fois la première terreur disparue, un calme nouveau
s'établit.
Dans beaucoup de familles, l'officier prussien mangeait à table.
Il était parfois
bien élevé, et, par politesse, plaignait la France, disait sa répugnance en prenant part à
cette guerre.
On lui était reconnaissant de ce sentiment ; puis on pouvait, un jour ou
l'autre, avoir besoin de sa protection.
En le ménageant on obtiendrait peut-être quelques
hommes de moins à nourrir.
Et pourquoi blesser quelqu'un dont on dépendait tout à
fait ? Agir ainsi serait moins de la bravoure que de la témérité.
— Et la témérité n'est.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- BOULE DE SUIF de Guy de Maupassant (fiche de lecture et critique)
- Le personnage de BOULE DE SUIF de Guy de Maupassant
- BOULE DE SUIF Guy de Maupassant - résumé de l'œuvre
- Boule de suif Guy de Maupassant (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)
- Boule de suif Guy de Maupassant Boule de suif Table of Contents Boule de suif .