Bertrand de Born vers 1150-avant 1215 S'il était question de donner la palme à l'un de nos grands poètes méridionaux des XIIe et XIIIe siècles, Bertrand de Born, à coup sûr, serait sur les rangs.
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
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Au fait, pas tellement pour lui-même.
En bon troubadour militaire, il aime surtout voir les
autres se battre.
On a parfois l'impression qu'il se plaît mieux à composer des sirventès
dans son château qu'à se jeter, l'épée haute, dans la mêlée.
Ainsi quand, reprochant à
Richard et à Philippe leur retard à secourir en Orient le roi Conrad, il déclare avoir été
retenu, pour son compte, par les charmes de sa dame.
Car ce brutal eut un amour : ne parlons pas des deux femmes qu'il épousa : une
Rosemonde, puis une Philippe, dont il devait avoir en tout cinq enfants — mais une
certaine Maheut de Montignac, objet de ses chants, cette personne “ fraîche et fine,
mignonne, gracieuse et délicate, à la chevelure ardente comme rubis, à la peau blanche
comme fleur d'aubépine, aux coudes potelés, aux tétons durs, à l'échine de lapin ” qu'il
décrit dans une pièce célèbre.
Amoureux infidèle, comme ami ou ennemi opportuniste et
versatile ! Il devait exciter la jalousie de Maheut contre une certaine Guicharde et se voir
provisoirement congédié — quitte à adorer les plus beaux fragments d'un certain nombre
de dames nouvelles, pour reconstituer, par un ingénieux puzzle, l'idole perdue… Ses
amours, d'ailleurs, prennent une allure martiale comme le reste : mais, sous la chemise de
l'amant comme sous l'armure du chevalier, on peut douter qu'il ait élevé ses actes à la
hauteur de ses chants.
Ce politique égoïste et perfide, ce chevalier hâbleur et inconstant, sorte, comme on l'a dit,
de “ condottière lyrique ”, devait finir étrangement sous la capuce d'un moine de l'ordre
de Cîteaux, à l'abbaye de Dalon, proche de Hautefort, où des documents sûrs nous le
montrent installé dès 1197.
On trouve à la date de 1215, dans la chronique de B.
Itier,
bibliothécaire de Saint-Martial de Limoges, cette phrase laconique : “ Octava candela in
sepulcro ponitur pro Bertrando de Born.
” Dès 1194, d'ailleurs, Bertrand, à ce qu'il semble,
avait cessé d'écrire.
Les “ chansonniers ”, ou manuscrits anthologiques des troubadours, nous ont gardé de
Bertrand de Born quarante-deux sirventès ou chansons, soit vingt-sept poésies politiques,
sept poésies amoureuses et huit pièces d'intention morale ou politique.
L'ensemble a fait
l'objet d'une édition et d'une étude définitive d'Antoine Thomas, d'une belle publication
aussi de l'Allemand Stimming.
Parmi les poésies guerrières, on admire surtout le sirventès Pois Ventodorns e Comborns ab
Segur par lequel il excite les barons à se liguer contre Richard, le sirventès Ar ve la coindeta
Sazos , saluant, par un de ces revirements dont le poète est familier, l'arrivée du même
Richard, le Message du roi Conrad à Tyr ( Ara sai eu de pretz cual l'a plus gran ) le Plaint sur
la mort du Jeune roi ( Si tuit li dol elh plor elh marrimen ) où il fait voir, avec beaucoup d'art,
une émotion presque sincère, surtout, et peut-être, le demi-sirventès ( Mei sirventes volh far
dels reis amdos ) sur la guerre de Richard et d'Alfonse, où éclate toute sa mâle joie devant les
combats auxquels il ne prend point part : “ Si les rois sont tous deux vaillants et hardis,
nous aurons tôt fait de voir les champs jonchés de débris de heaumes et d'écus, d'épées et
d'arçons ; nous verrons partout des cadavres fendus de la tête à brayette et au hasard les
destriers courants, et mainte lance enfoncée à travers les poitrines… ”.
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