Benedetto Croce par Norberto Bobbio Professeur de philosophie et de droit à
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
Benedetto Croce par Norberto Bobbio Professeur de philosophie et de droit à l'Université de Turin Devant l'oeuvre de Benedetto Croce, nous ne pouvons retenir ce mouvement d'admiration qui nous envahit chaque fois qu'il nous arrive de rencontrer un homme de génie qui ait eu le rare privilège d'unir la précocité à la longévité. Ses ouvrages s'échelonnent sur une période d'exactement soixante-dix ans. Ses tout premiers essais, de caractère littéraire, parus dans un journal de Rome, et réédités beaucoup plus tard (en 1910) sous le titre de Il primo passo, datent de 1882 (il avait alors seize ans, étant né en 1886) ; son dernier volume, paru peu avant sa mort (survenue le 20 novembre 1952 à quatre-vingt-six ans révolus), intitulé Indagini su Hegel e schiarimenti filosofici, est de 1952. De plus, il fut, dans son travail, extrêmement constant et infatigable et il ne se laissa pas distraire par des occupations étrangères à l'étude, pas même par l'enseignement universitaire ; quant à la vie politique, il ne lui accorda que ce que ses scrupules de citoyen ne lui permirent pas de refuser (il fut ministre de l'instruction publique dans le cabinet Giolitti de 1920 et ministre sans portefeuille dans le premier gouvernement de coalition antifasciste des premiers mois de 1944), mais avec l'esprit insatisfait de celui qui a dû négliger son travail de prédilection et aspire vivement au moment heureux où il pourra le reprendre. Si l'on tient compte du fait qu'il a joui à la fois d'un pouvoir d'assimilation peu commun lui permettant de se rendre familières les matières les plus diverses et - comme il l'a dit lui-même - une fois passées ses premières années de noviciat littéraire, d'une remarquable rapidité dans la conception et la rédaction de ses écrits, on s'explique, finalement, l'étendue et la variété extraordinaire (plus de soixante volumes) d'une oeuvre qui semble à première vue dépasser le pouvoir de tension et d'effort d'une seule personne. Cette oeuvre, Dieu merci, n'est pas tout entière de caractère philosophique au sens strict du mot. A l'instar des plus grands philosophes, ceux qui comptent dans l'histoire de la pensée, Croce ne trouva pas son point de départ dans la philosophie elle-même, mais il y arriva peu à peu en partant d'un ensemble de solides recherches historiques à l'égard desquelles la philosophie peut constituer d'une part un couronnement et, d'autre part, un tremplin pour des investigations ultérieures. Nul ne fut pour lui une meilleure cible que le philosophe pur, contre lequel il se plaisait à faire pleuvoir les traits les plus acérés, lui faisant grief de s'attaquer à toutes les questions sans en connaître à fond aucune, de musarder ou bien de se tourmenter autour d'insolubles problèmes " il est assis depuis de longues années à sa table, examinant son encrier et se demandant : Cet encrier est-il en moi-même ou bien m'est-il extérieur ? " (Ultimi Saggi), et tout absorbé dans ses cogitations, qu'il croit sublimes alors qu'elles sont stériles, il se conduit dans les affaires de la vie comme un enfant imprudent. Croce ne laissait pas de répéter aux jeunes de se consacrer à un " métier " et par ce mot il entendait la connaissance sûre et expérimentée d'une discipline - que ce fût l'histoire, ou la critique d'art, ou l'économie, ou la jurisprudence. Il leur conseillait d'attendre que la philosophie naisse de problèmes et d'obstacles réellement rencontrés dans la recherche et non pas vainement imaginés dans l'enceinte fermée de leur chambre.
« par Norberto Bobbio Professeur de philosophie et de droit à l'Université de Turin. »
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Ce qui est vivant et ce qui est mort dans la philosophie de Hegel de Benedetto Croce (résumé & analyse)
- PHILOSOPHIE DE LA PRATIQUE de Benedetto Croce
- Croce, Benedetto - philosophie.
- Bobbio, Norberto - philosophie.
- PHILOSOPHIE POLITIQUE DE BENEDETTO CROCE