Baldassare Longhena 1598-1682 Le nom de Longhena est synonyme du baroque de Venise.
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
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La troisième est d'ordre pittoresque, c'est la situation exceptionnelle de cette église : il fallait
fermer d'un volume le ruban articulé du Grand Canal.
Longhena est âgé de 33 ans ; il
participe au concours institué par le Sénat de la République et triomphe.
Il n'a pas encore un
langage à lui : tant il est vrai qu'il reprend le thème de Labacco, superposant la forme
sphérique de la coupole à un tambour octogonal qui reproduit le schème de base ;
juxtaposant au plan central un espace autonome pour l'autel ; accolant, d'une façon
imparfaite et lourde, une série de chapelles à six côtés de l'octogone.
Mais ces incertitudes de
la composition sont toutes rachetées par un élan d'inspiration qui se concrétise en trois
inventions colossales : l'impétuosité des volutes gonflées qui se détachent du tambour et
réalisent, par un mouvement centrifuge d'une puissance pittoresque absolument neuve, la
jonction des deux volumes superposés ; une conception du vide intérieur en vertu de laquelle
la galerie de circulation fait pression sur l'espace central qui épuise nécessairement toute son
énergie dans une double poussée en hauteur et à travers l'espace collatéral de l'autel ; enfin, le
dispositif saisissant d'une seconde coupole identique à la première et seulement plus petite,
mais qui établit la liaison dimensionnelle et chromatique de l'édifice avec la nature.
Nous
sommes en pleine exaltation du monde baroque ; le cri des volutes rayonnantes nie la syntaxe
des ordres de la Renaissance ; le rapport entre l'espace central et la galerie de circulation est
altéré de telle sorte qu'il empêche la coordination des cônes de perspective : enfin le volume
n'est plus isolé, il s'articule dans la cascade des deux coupoles et se perd ainsi
progressivement dans l'espace extérieur.
Le tremblement de terre du baroque s'est propagé jusqu'à Venise.
Longhena lui-même s'en
effraie.
Son ardeur d'inventeur, encore fertile dans l'escalier monumental du couvent de San
Giorgio Maggiore, s'est totalement refroidie dans la loggia du Jardin Salvi à Vicence, qui n'est
postérieure à la Salute que de deux ans ; elle se ravive dans l'intérieur de l'église des Scalzi
(1649) et dans le temple israélite espagnol (1655), mais s'affaisse à nouveau, l'année suivante,
dans l'anonyme clocher de la Rotonde de Rovigo.
Cependant, c'est à ce moment qu'avec le
début des travaux du Palais Pesaro (1663) et avec le Palais Rezzonico (en voie de construction
dès 1667) s'ouvre pour Longhena la seconde période de grâce créatrice.
Toutefois, même là, il ne fit pas violence aux canons de la tradition vénitienne de la
Renaissance.
Il accepta sans hésiter le plan des palais du XVIe siècle, en particulier ceux du
Palais Corner de Sansovino et du Palais Grimani de Sanmicheli.
Mais s'il ne put pas se livrer
sur les proportions à une “ critique spatiale baroque ” comme il l'avait faite à la Salute à
l'endroit des schèmes centraux de la Renaissance, il ne s'en livra pas moins, clandestinement,
à une révolution figurative.
Elle constitue en une totale libération de l'espace figuratif par
rapport à l'espace naturel ou physique tel qu'il est déterminé par les dimensions du
monument.
Les espaces intérieurs (et plus particulièrement leur succession) s'articulent
suivant des modules déterminés par l'ornementation, l'intensité de la lumière, l'exigence des
effets picturaux.
Au Palais Pesaro, le volume extérieur rachète la désarticulation
fondamentale des étages par une volonté dynamique qui redonne à toute la masse l'unité
d'un seul organisme plastique.
Il suffit de noter l'élimination des arêtes d'angle, annulées par
le puissant motif des colonnes jumelées ; et aussi, dans le soubassement, les raccords
horizontaux qui se dilatent dans l'eau suivant une exigence analogue à celle qui avait dicté à.
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