Averroès 1126-1198 De l'Orient du Dâr al-Islâm, nous passons à son Extrême-Occident.
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
«
hiérarchie dans la cosmologie, c'est parce que le moteur de chaque orbe désire non
seulement l'intelligence particulière à son Ciel, mais également l'Intelligence suprême.
Celle-ci peut alors en être dite la cause, non point comme émanatrice, mais au sens où “ ce
qui est compris ” est cause de “ ce qui le comprend ”, c'est-à-dire comme cause finale.
De
même que toute substance intelligente et intelligible peut en ce sens être cause de plusieurs
êtres, puisque chacun de ces êtres la comprend à sa manière, de même le Primum Movens
puisque de Ciel en Ciel le moteur de chaque orbe le comprend différemment.
Ainsi donc,
ni création ni processions successives, mais simultanéité dans un commencement éternel,
le principe rigoureux — Ex uno non fit nisi ununm — qui réglait le schéma néo-platonicien,
est désormais dépassé, superflu et aboli.
Mais une fois abolie la notion d'âme céleste, qu'en sera-t-il du principe qui fondait
l'anthropologie avicennienne : l'homologie entre Anima cælestis et anima humana ?
l'homologie entre le rapport de l'âme humaine avec l'Intelligence angélique active, et le
rapport de chaque Âme céleste avec l'Intelligence vers laquelle la meut son désir ?
Comment serait encore possible le voyage mystique vers l'Orient en compagnie de Hayy
ibn Yaqzân ? Il faut encore remonter aux options décisives.
Averroès maintient, d'accord
avec Alexandre d'Aphrodise, l'idée d'une Intelligence séparée, mais refuse contrairement à
lui l'idée que l'intelligence humaine en puissance soit une simple disposition liée à la
complexion organique.
Averroisme et alexandrisme vont départager les esprits en
Occident, comme si le premier représentait une idée religieuse et le second l'incrédulité.
Pour la première des deux thèses, Averroès sera accablé d'injures par les antiplatoniciens
de la Renaissance (Georges Valla, Pomponazzi) ; mais ceux-ci ne prolongent-ils pas le refus
de Duns Scot, rejetant l'idée que l'Intelligence agente soit une substance séparée, divine et
immortelle, qui se peut conjoindre à nous par l'imagination ? D'autre part, cette
intelligence humaine en puissance, indépendante de la complexion organique, n'est pas du
tout celle de l'individu.
A celui-ci ne reste qu'une disposition à recevoir les intelligibles,
disposition périssable avec le corps.
Averroès accepte que la matière soit le principe
d'individuation ; dès lors l'individuel s'identifie au corruptible, l'immortalité ne peut être
que générique.
Tout ce que l'on peut dire, c'est qu'il y a de l'éternité dans l'individu, mais
ce qu'il y a d'éternisable en lui appartient totalement à la seule Intelligence agente.
Nous
sommes bien ici à l'antipode de l'avicennisme, pour qui chaque individualité définie par la
conscience de soi, est inaliénable.
Tandis que l'avicennisme, en Occident comme en Iran, tendait à fructifier en vie mystique,
l'averroisme latin aboutissait à un averroisme politique (Jean de Jandun, Marsile de
Padoue, XIVe siècle).
De ce point de vue, les noms d'Avicenne et d'Averroès pourraient
être pris comme les symboles des destinées spirituelles de l'Orient et de l'Occident.
Mais la
divergence n'est point imputable au seul averroisme.
Lorsque saint Thomas accorde à chaque individu un intellect agent mais non séparé, du
même coup est interrompue la relation que l'individu en tant que tel entretenait par l'ange
de la Révélation avec le plérôme céleste.
L'autorité de l'Église se substitue à la norme
personnelle de Hayy ibn Yaqzan.
Au lieu que la norme religieuse, parce qu'initiation
individuelle, signifiât liberté, c'est désormais contre elle, parce que socialisée, que se
dresseront les insurrections de l'esprit et de l'âme.
Cette norme socialisée pourra cesser
d'être religieuse, virer du monothéisme au monisme ; ici surtout, il faut se garder
d'homologies infondées.
La religion islamique est dépourvue des organes d'un magistère
dogmatique, dont elle pourrait léguer l'idée à la société qui en serait la laïcisation, et par
lesquels celle-ci se prémunirait contre les “ déviationnismes ”.
En chrétienté, la lutte contre.
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