Alexandre II par Martin E.
Publié le 05/04/2015
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Alexandre II par Martin E. Malia Professeur d'histoire à l'Université de Californie à Berkeley De Pierre le Grand à Lénine, nul maître de toutes les Russies ne fit davantage pour transformer son pays qu'Alexandre II, et pourtant ce " tsar libérateur " ne fut ni un prince aux vues avancées, ni un autocrate ferme et hardi : c'était un traditionaliste qui, face à la crise grandissante de l'ancien régime russe, fut poussé à changer beaucoup de choses afin de mieux conserver l'essentiel. Né en 1818, il fut élevé à l'école de son père, Nicolas Ier, le " gendarme de l'Europe ", qui avait tout mis en oeuvre pour figer son empire dans le moule militaire du grand Pierre. Le tsarévitch, malgré l'influence humaniste de son précepteur, le poète Joukovski, grandit fidèle aux principes paternels : l'orthodoxie, l'autocratie et un nationalisme qui opposait à tout jamais la Russie à l'Occident libéral. Au service de ces idéaux il apportait une bonne intelligence, une instruction étendue et une réelle volonté tempérée par le pragmatisme. Ce fils soumis ne s'est regimbé qu'une fois, mais sur un point majeur. En 1839, lors d'un grand tour de l'Europe, il eut le coup de foudre pour la princesse Marie de Hesse Darmstadt, belle-fille inacceptable à Nicolas, car les incartades notoires de sa mère rendaient sa paternité royale plus que douteuse. L'empereur somma son héritier de revenir sur-le-champ à Saint-Pétersbourg. Le tsarévitch menaça de renoncer au trône plutôt qu'à son amour. Nicolas finit par céder, et le mariage eut lieu l'année suivante. Belle, cultivée et humanitaire, la tsarevna est vite devenue orthodoxe pieuse et aussi patriote que son mari. Longtemps ce fut l'idylle, bénie par la naissance de quatre fils et de deux filles. Après ces années de bonheur, le règne d'Alexandre II débuta dans la crise. Depuis Pierre le Grand, toutes les institutions russes avaient été organisées dans un but unique : la puissance militaire. La noblesse (dvorianstvo) " servait " dans l'armée, comme officiers, ou dans les échelons supérieurs de la bureaucratie, tandis que la paysannerie servile faisait vivre la noblesse, payait les impôts et fournissait les fantassins pour une armée d'un million d'hommes. Or, en 1854, la guerre de Crimée vint démontrer que ce système était devenu totalement désuet à l'ère de la révolution industrielle : l'armée qui avait vaincu Napoléon fut ignominieusement mise en échec, et sur son propre territoire. Nicolas mourut en pleine débâcle, en 1855, en disant à son héritier : " Je vous passe le commandement en mauvais état. " La première tâche du nouvel empereur fut de liquider cette guerre malencontreuse. Il le fit au traité de Paris, en 1856 mais à un prix qu'il estima déshonorant : l'abandon du protectorat russe sur les chrétiens des Balkans et la démilitarisation des côtes de la mer Noire. Désormais, en politique étrangère, son but, à longue échéance, sera d'effacer cette humiliation. Mais d'abord il fallait rénover les structures intérieures de l'Empire ce qui signifiait avant tout abolir le servage. Alexandre était maintenant convaincu que cette institution freinait tout développement national et, en plus, qu'elle était devenue par trop dangereuse, car les paysans s'étaient fortement agités pendant la guerre, évoquant le spectre d'une révolte à la Pougatchev, qui avait failli détruire l'Empire en 1774. Sitôt la paix revenue, Alexandre déclara à la noblesse de Moscou " qu'il valait mieux abolir le servage d'en haut au lieu d'attendre qu'il s'abolisse d'en bas ". Mais la noblesse, dans sa majorité hostile à toute émancipation, fit la sourde oreille. Alexandre fut donc obligé de prendre l'initiative, encouragé par les " libéraux " de sa famille, l'impératrice et son frère, Constantin. Mais il fut secondé surtout par quelques hauts fonctionnaires, soit éclairés, soit convaincus par raison d'État " modernisatrice ", tels le vice-ministre de l'Intérieur, Nicolas Milioutine, ou le général Rostovtsev. En 1857, un " comité central " secret est créé pour étudier l'affranchissement. Enfin la noblesse des provinces lituaniennes répond à la pression impériale : dans l'espoir de s'en tirer à moindres frais, elle propose l'affranchissement, mais sous réserve que les pomiechtchiki (seigneurs) gardent la terre. Alexandre saisit ce prétexte pour décréter, dans un rescrit bientôt rendu public, que l'affranchissement doit se faire avec attribution de terres aux paysans. Peu après, il invite la noblesse de tout...
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Malia
Professeur d'histoire à l’Université de Californie à Berkeley.
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