EXPOSER BTP: Figure emblématique du panafricanisme, Thomas Sankara
Publié le 02/12/2022
Extrait du document
«
INTRODUCTION
Figure emblématique du panafricanisme, Thomas Sankara, arrivé au pouvoir à la
suite d’un coup d’État révolutionnaire en 1983, devient président de la HauteVolta qu’il rebaptise Burkina Faso.
Il mène une révolution axée sur un projet de
société anticolonialiste, sur la souveraineté, la justice sociale et la démocratie
participative (1).
Fortement controversé sur la scène internationale, à cause de
ses idées, ses relations étaient assez tendues avec certains dirigeants africains et
européens.
Même un bon nombre de ses compatriotes, avec qui il menait le
pays, étaient contre ses idées qu’ils qualifiaient de trop radicales.
Le 25 octobre
2021, trois décennies après la mort de Sankara, un procès est lancé pour lui
rendre justice.
Revenons sur le parcours de ce personnage historique africain.
BIOGRAPHIE
Nationalité : Burkina Faso
Né(e) à : Yako (Haute-Volta) , le 21/12/1949
Mort(e) à : Ouagadougou , le 15/10/1987
Thomas Sankara est un homme politique antiimpérialiste, panafricaniste et tiers-mondiste
burkinabé.
Il est né le 21 décembre 1949 à
Yako en Haute-Volta et mort assassiné le 15
octobre 1987 à Ouagadougou au Burkina Faso.
Il incarne et dirige la révolution burkinabé du 4
août 1983 jusqu'à son assassinat lors d'un coup
d'État qui amène au pouvoir Blaise Compaoré,
le 15 octobre 1987.
Il fait notamment changer
le nom de la Haute-Volta, nom issu de la colonisation, en un nom issu de la
tradition africaine : Burkina Faso, qui est un mélange de moré et de dioula et
signifie pays des hommes intègres.
Il conduit une politique d'affranchissement
du peuple burkinabè.
Son gouvernement entreprend des réformes majeures pour
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combattre la corruption et améliorer l'éducation, l'agriculture et le statut des
femmes.
I.
ENTRÉE EN POLITIQUE
À la fin des années 1970 et au début des années 1980, le Burkina Faso connaît
une alternance de périodes autoritaires et de démocratie parlementaire.
Les
personnalités politiques sont coupées de la petite bourgeoisie urbaine politisée,
et cette scission est renforcée par des scandales financiers.
Cela amène de jeunes
officiers ambitieux et désireux de moderniser le pays comme Thomas Sankara à
s'investir en politique, se posant en contraste avec des hommes politiques plus
âgés et moins éduqués.
Un coup d'État militaire a lieu en novembre 1980 mais le
nouveau régime, bien que populaire, se montre rapidement répressif et lie
l'armée à des scandales.
Thomas Sankara ne participe pas au coup d’État mais ne s'y oppose pas non
plus.
Populaire, il est nommé en septembre 1981 secrétaire d'État à l'Information
dans le gouvernement du colonel
Saye Zerbo avant de démissionner
en réaction à la suppression du droit
de grève, déclarant le 21 avril 1982,
en direct à la télévision : « Malheur
à ceux qui bâillonnent le peuple ».
Il
est alors dégradé et chassé de la
capitale.
Le 7 novembre 1982, un nouveau
coup d'État porte au pouvoir le
médecin militaire Jean-Baptiste
Ouédraogo.
Plus tard, ce dernier
assurera que le coup d’État avait été
préparé au seul profit de Thomas
Sankara mais que ce dernier avait décliné l’offre au dernier moment.
On l'avait
donc choisi, contre son gré, parce qu'il était l’officier le plus ancien dans le
grade de commandant.
Sankara devient Premier ministre en janvier 1983 d'un Conseil de salut du
peuple (CSP), position acquise grâce au rapport de forces favorable au camp
progressiste au sein de l’armée.
Il se prononce ouvertement pour la rupture du
rapport « néocolonial » qui lie la Haute-Volta à la France : « Lorsque le peuple
se met debout, l’impérialisme tremble.
L’impérialisme qui nous regarde est
inquiet.
Il tremble.
L’impérialisme se demande comment il pourra rompre le lien
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qui existe entre le CSP [le gouvernement] et le peuple.
L’impérialisme tremble.
Il tremble parce qu'ici à Ouagadougou, nous allons l'enterrer ».
II.
COUP
D'ÉTAT
ET
RÉVOLUTION
DÉMOCRATIQUE ET POPULAIRE
Des manifestations populaires soutenues par les partis de gauche et les syndicats
contraignent le pouvoir à libérer Sankara.
Le 4 août 1983, la garnison insurgée
de Pô arrive à Ouagadougou accompagnée d'une foule en liesse.
Ce nouveau
coup d’État consacre la victoire de l’aile « progressiste » de l’armée menée par
le capitaine Thomas Sankara, qui est placé à la présidence du Conseil national
révolutionnaire.
Il constitue un gouvernement avec le Parti africain de
l’indépendance (en) et l'Union des luttes communistes - reconstruite (ULC-R).
Il déclare que ses objectifs sont : «
Refuser l'état de survie, desserrer les
pressions, libérer nos campagnes d'un
immobilisme moyenâgeux ou d'une
régression, démocratiser notre société,
ouvrir les esprits sur un univers de
responsabilité collective pour oser
inventer l'avenir.
Briser et reconstruire
l'administration à travers une autre
image du fonctionnaire, plonger notre
armée dans le peuple par le travail
productif et lui rappeler incessamment que, sans formation patriotique, un
militaire n'est qu'un criminel en puissance ».
Il s'entoure de cadres compétents,
défend la transformation de l'administration, la redistribution des richesses, la
libération des femmes, la responsabilisation de la jeunesse, la décentralisation, la
lutte contre la corruption, etc.
Le 4 août 1984, la République de Haute-Volta est
renommée Burkina Faso.
III.
COMITÉS DE DÉFENSE DE LA RÉVOLUTION
Son gouvernement retire aux chefs traditionnels les pouvoirs féodaux qu'ils
continuaient d'exercer au profit de Comités de défense de la révolution (CDR),
inspirés de l'expérience cubaine, qui sont chargés localement d'exercer le
pouvoir au nom du peuple, gérant la sécurité, la formation politique,
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l'assainissement des quartiers, la production et la consommation de produits
locaux ou encore le contrôle budgétaire des ministères.
Parfois, ils refusent après débats certains projets nationaux, comme celui de l'«
école nouvelle », qu'ils jugent trop radical.
Les CDR auront toutefois tendance à se comporter en milice révolutionnaire
faisant régner la terreur, luttant contre les syndicats (jugés dangereux car liés à
l'opposition du Front patriotique voltaïque et du Parti communiste
révolutionnaire voltaïque (en)).
Thomas Sankara dénonce toutefois certains
excès des CDR.
Toutefois, une opposition subsiste au processus « révolutionnaire et populaire »
engagé depuis le coup d'État du 4 août 1983 ; une violente répression s'abat sur
elle.
Le 11 juin, la Cour martiale révolutionnaire de Ouagadougou statue sur le
sort des personnes impliquées dans ce que les autorités présentent comme le «
putsch manqué du 28 mai » (le Monde du 11 juin).
Sept « conjurés » sont
immédiatement fusillés après le verdict, cinq autres condamnés à des peines de
travaux forcés.
Pour la première fois dans l'histoire de la Haute-Volta, des peines
capitales ont été prononcées par un tribunal et exécutées.
Parallèlement, un
incendie criminel détruit les locaux abritant l'imprimerie du quotidien
indépendant l'Observateur.
IV.
POLITIQUE ÉCONOMIQUE
Les dépenses de fonctionnement diminuent pour renforcer l'investissement.
Les
salaires sont ponctionnés de 5 à 12 % mais les loyers sont déclarés gratuits
pendant un an.
Par exemple, Sankara arrivant au pouvoir se rend compte que les
ministres se déplacent en Renault, voiture haut de gamme pour l'Afrique, il
décide alors que désormais les ministres utiliseront une Renault, et ainsi
montreront l'exemple.
Le nouveau régime vise à développer une économie ne dépendant plus de l'aide
extérieure, que Thomas Sankara décrit ainsi : « Ces aides alimentaires […] qui
installent dans nos esprits […] des réflexes de mendiant, d’assisté, nous n'en
voulons vraiment plus ! Il faut produire, produire plus parce qu'il est normal que
celui qui vous donne à manger vous dicte également ses volontés ».
Les
importations de fruits et légumes sont interdites afin d'inciter les commerçants à
se fournir dans les zones de production situées dans le Sud-Ouest du Burkina
Faso ; cela est favorisé par la mise en place de nouveaux circuits de distribution
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et d'une chaîne nationale de magasins.
Les CDR permettent aussi aux salariés
d'acheter des produits depuis leur lieu de travail.
En 1986, le Burkina Faso atteint son objectif de deux repas et de dix litres d'eau
par jour et par personne.
Le rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation pour
les Nations unies déclare au sujet de Sankara : « Il a vaincu la faim : il a fait que
le Burkina, en quatre ans, est devenu alimentairement autosuffisant ».
Les fonctionnaires sont incités à porter l'habit traditionnel (Faso dan fani), ce qui
conduit de nombreuses femmes à obtenir un revenu propre en tissant ce
vêtement directement chez elles.
V.
POLITIQUE SOCIALE
Soucieux de l'environnement, il dénonce des responsabilités humaines dans
l'avancée du désert.
En avril 1985, le Conseil national de la révolution lance
ainsi les « trois luttes » : fin des coupes de bois abusives et campagne de
sensibilisation concernant l'utilisation du gaz, fin des feux de brousse et fin de la
divagation des animaux.
Le gouvernement mène des projets de barrages alors
que des paysans construisent parfois eux-mêmes des retenues d'eau.
Thomas
Sankara critique également le manque d'aide de la France, dont les entreprises
bénéficient pourtant en majorité des marchés liés aux grands travaux.
Symboliquement, une journée du marché au masculin est instaurée pour
sensibiliser au partage des tâches ménagères.
Thomas Sankara avance aussi
l'idée d'un « salaire vital », prélevé à la source d'une partie du salaire de l'époux
pour le reverser à l’épouse.
Il met fin à la dot et au lévirat, qu’il considère
comme une marchandisation des femmes.
Il met aussi un terme aux mariages
forcés en instaurant un âge légal, interdit l’excision, et tente de s'opposer à la
prostitution et à la polygamie.
VI.
POLITIQUE INTERNATIONALE
1) Critique de la dette
Au niveau international, il critique les injustices de la mondialisation, le système
financier, l'importance du Fonds monétaire international et de la Banque
mondiale et le poids de la dette des pays du tiers-monde.
Le Burkina Faso ne
contracte ainsi pas de prêts avec le FMI, dont il rejette les conditions.
Thomas
Sankara considère en effet ce système comme un moyen de « reconquête
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savamment organisée de l'Afrique, pour que sa croissance et son développement
obéissent à des paliers, à des normes qui nous sont totalement étrangers ».
Anticipant la réaction des pays occidentaux, il insiste à Addis-Abeba en 1987
sur la nécessité d'un refus collectif des pays africains de son paiement : « Si le
Burkina Faso tout seul refuse de payer la dette, je ne serai pas là à la prochaine
conférence ».
Trois mois avant son assassinat, il prononce, pendant un sommet
de l'Organisation de l'unité africaine à Addis-Abeba en 1987, un discours passé à
la postérité dans lequel il contestait la légitimité de la dette de son pays et
appelle à une action collective de pays africains.
2) Critique de la politique africaine de la France
Thomas Sankara définit son programme comme anti-impérialiste, en particulier
dans son « Discours d'orientation politique », écrit en septembre-octobre 1983
par Valère Somé (en) et enregistré dans la salle du Conseil de l'Entente puis
diffusé à la radio le 2 octobre 1983.
À cet égard, la France devient la principale
cible de la rhétorique révolutionnaire.
Ces attaques culminent avec le
déplacement de François Mitterrand au Burkina Faso en novembre 1986, au
cours duquel Thomas Sankara critique violemment la politique de la France
pour avoir reçu en France Pieter Botha, le Premier ministre d'Afrique du Sud, et
Jonas Savimbi chef de l'UNITA, l'un et l'autre « couverts de sang des....
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