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LA JEUNE VEUVE - La Fontaine, Fables, Livre VI, 21

Publié le 17/01/2022

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La perte d'un époux ne va point sans soupirs. On fait beaucoup de bruit, et puis on se console. Sur les ailes du Temps la tristesse s'envole ; Le Temps ramène les plaisirs. 5 Entre la veuve d'une année Et la veuve d'une journée La différence est grande : on ne croirait jamais Que ce fût la même personne. L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits. 10 Aux soupirs vrais ou faux celle-là s'abandonne ; C'est toujours même note et pareil entretien : On dit qu'on est inconsolable ; On le dit, mais il n'en est rien. Comme on verra par cette fable, 15 Ou plutôt par la vérité. L'époux d'une jeune beauté Partait pour l'autre monde. À ses côtés sa femme Lui criait : « Attends-moi, je te suis ; et mon âme, Aussi bien que la tienne, est prête à s'envoler. « 20 Le mari fait seul le voyage. La belle avait un père, homme prudent et sage : Il laissa le torrent couler. À la fin, pour la consoler, « Ma fille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes : 25 Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes ? Puisqu'il est des vivants, ne songez plus aux morts. Je ne dis pas que tout à l'heure (1) Une condition meilleure
Change en des noces des transports ; 30 Mais après un certain temps souffrez qu'on vous propose Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose Que le défunt. — Ah ! dit-elle aussitôt, Un cloître est l'époux qu'il me faut. « Le père lui laissa digérer sa disgrâce. 35 Un mois de la sorte se passe. L'autre mois on l'emploie à changer tous les jours Quelque chose à l'habit, au linge, à la coiffure. Le deuil enfin sert de parure, En attendant d'autres atours. 40 Toute la bande des amours Revient au colombier ; les jeux, les ris (2), la danse, Ont aussi leur tour à la fin. On se plonge soir et matin Dans la fontaine de Jouvence(3). 45 Le père ne craint plus ce défunt tant chéri ; Mais, comme il ne parlait de rien à notre belle : « Où donc est le jeune mari Que vous m'avez promis ? « dit-elle. La Fontaine, Fables, Livre VI, 21,1668. 1. Immédiatement. 2. Rires. 3. Fontaine qui, d'après la légende, donnait la jeunesse à ceux qui s'y plongeaient. QUESTIONS _ question 1 Expliquez : « Sur les ailes du Temps la tristesse s'envole. « (1 point) question 2 Commentez l'emploi et les valeurs de on dans le texte. (3 points) question 3 Dans un développement organisé d'une page au minimum, vous étudierez les procédés auxquels la fable a recours (rythme et déroulement du récit, évocation des personnages, humour) afin de justifier la morale : « Sur les ailes du Temps la tristesse s'envole. «

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« poèmes de circonstance pour ses protecteurs, puis des contes, avec lesquels il se fera d'abord connaître, et pourfinir ses Fables (1668, 1678, 1694) qui le rendront célèbre, et qui sont, ainsi qu'il le dit lui-même : « Une ample comédie à cent actes divers.

Et dont la scène est l'Univers.

» question 1 Expliquez : « Sur les ailes du Temps la tristesse s'envole.

» (1 point) Le troisième vers de cette fable est composé d'une métaphore filée.

Une telle figure de réthorique est courante chezun écrivain classique comme La Fontaine.

Elle lui permet, en outre, de composer un aphorisme qui constitue unepartie de la morale de sa fable. Dans sa première partie, cette métaphore compare le temps à un oiseau, et plus particulièrement à la partie ducorps de l'oiseau qui lui permet de se déplacer rapidement et silencieusement : les ailes.

Ainsi, pour La Fontaine, letemps est non seulement capable de passer, mais il est de plus un être vivant porteur d'un sentiment : la tristesse.Dans la deuxième partie de cette métaphore, celle-ci est personnifiée et « s'envole » grâce à l'animal ailé qui latransporte, devenue plus légère elle s'éloigne de celui qu'elle a frappé. Pour le poète, qui reprend ici un thème familier de ses modèles épicuriens, le temps passe vite, et aucun sentimenthumain, quelle que soit son intensité, ne peut y résister. question 2 Commentez l'emploi et les valeurs de on dans le texte. (3 points) La Fontaine joue dans cette fable avec le pronom personnel indéfini de troisième personne : « on ». Aux vers 2, 12, 13 36 et 43, on désigne la protagoniste de la fable : la jeune veuve.

Ici, la répétition de on donneun effet comique et agit en écho aux sanglots de cette femme qui vient d'avoir le malheur de perdre son époux.

Dèsle début de ce texte, la personne désignée ainsi par le pronom personnel indéfini prend une identité beaucoup plusgénérale, la douleur et la situation de cette veuve ne sont pas singulières. Le cas que présente cette femme est proche de celui qui est désigné par l'emploi du deuxième « on » : le lecteur dela fable aux vers 7 et 14.

Ici, le on désigne le plus ou moins grand nombre de personnes lectrices du texte.

Enfin, une troisième personne sedissimule au vers 30 derrière le on : le père de la jeune veuve.

Tous ces on, employés dans la fable pour désigner denombreuses personnes, le sont en fait pour insister sur l'universalité des personnages et des situations présentées. question 3 Dans un développement organisé d'une page au minimum, vous étudierez les procédés auxquels la fable a recours(rythme et déroulement du récit, évocation des personnages, humour) afin de justifier la morale : « Sur les ailes duTemps la tristesse s'envole.

» (ôpoints) Pour démontrer que rien ne résiste au temps, La Fontaine se saisit d'un prétexte qui servira de trame à son récit etde sujet à sa fable.

Tout d'abord, il choisit de mettre les protagonistes de son histoire dans une situationdramatique au départ : une femme vient d'être frappée par la mort de son époux.

Cette situation attire l'attentiondu lecteur. Parmi les procédés utilisés, La Fontaine privilégie l'opposition.

Notre fabuliste traite son sujet d'une manière vivanteen le présentant sous forme d'une histoire entre un père et sa fille.

Les protagonistes de cette saynète s'opposenten tout.

Le père est partisan de la vie.

Sa fille, elle, préfère la mort.

Elle ignore tout de la vie ; lui, en revanche, laconnaît bien.

Au désespoir de la veuve du début du texte, il oppose la consolation de celle-ci à la fin.

À la veuved'une journée, il oppose celle d'une année : la première repousse par ses cris, la seconde attire par ses rires et songoût retrouvé des plaisirs. Dans le déroulement du récit, La Fontaine présente rapidement les deux personnages, et ceci renforce l'écart entrecelui qui sait et celle qui ignore.

La jeune veuve passe par trois états qui marquent sa métamorphose : elle estd'abord inconsolable (jusqu'au vers 35), puis elle devient brusquement coquette (vers 36 à 41) et finit enfin par seconsoler rapidement (vers 47,48).. »

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