« Vouloir être de son temps, c'est déjà être dépassé. » Eugène Ionesco, Notes et contre-notes. Commentez cette citation.

« Pour les deux plans, la conclusion proposera une autre formulation du problème « Être de son temps » est un lieucommun qui ne veut pas dire grand-chose.

Pour l'individu, la question se pose d'être lui-même dans son temps, enintégrant ou pas les valeurs du passé.

Ainsi les écrivains japonais du XXe siècle tels Kawabata, réalisent dans leuroeuvre une fusion du passé et du présent, proposant, par là, une culture nouvelle mais authentique.On aurait pu également voir le problème sous un autre angle : être de son temps/être de l'avenir.

Stendhal en estl'exemple, lui qui ne fut lu et apprécié qu'après sa mort.

Ainsi s'affirmer, proclamer sa différence n'est jamais aiséquels que soient l'époque et le pays.

Une civilisation de masse, par le nivellement qu'elle impose, ne favorise guèrel'expression individuelle.

On choisira de présenter le plan qui est plus rigoureux. plan détaillé • Première partie : être de son temps, c'est une solution de facilité.

En effet, suivre le troupeau, se fondre dans lamasse ne demandent pas grand effort.

La référence aux moutons de Panurge est implicite : « Bêler avec le troupeau» signifie suivre tout le monde même dans les catastrophes.

L'instinct grégaire existe.

C'est lui que dénonce Ionescodans Rhinocéros.

On devient comme les autres, on devient rhinocéros pour de nombreuses raisons : par intérêt, parvanité, le plus souvent par sottise.

Et plus il y a de rhinocéros, moins il devient confortable de garder la formehumaine ; il se produit un véritable phénomène d'attraction.— Pourquoi ce phénomène ? Parce que quelqu'un pose et résout les problèmes pour vous.

On n'est plus seul à lesaffronter.

Cela revêt une signification politique lorsque l'individu se remet aveuglément au pouvoir d'un seul homme,d'un dictateur comme c'est le cas dans Rhinocéros.

Cela peut aussi avoir une signification religieuse, lorsqu'on seremet au bien-fondé d'une doctrine, ou à la personnalité d'un gourou, d'un chef de secte.

Il est donc sécurisant dese fondre dans la masse.— A notre époque, se fondre dans la masse est un phénomène de société : dans certains domaines, nous n'avonspas le choix.

Ainsi, tout le monde suit plus ou moins la mode que ce soit pour s'habiller, pour acheter, pour croire,pour lire...

La publicité, les médias nous façonnent tous identiques.

Nous lisons ce qu'on nous a dit de lire à latélévision ; nous nous habillons souvent d'une façon ridicule, peu pratique ou inesthétique parce qu'il faut être à lamode.

Le cinéaste Jacques Tati a ridiculisé cet instinct grégaire dans de nombreux films.

Ainsi dans Playtime, c'est letourisme de masse qui est dénoncé ; dans Trafic, ce sont les déplacements massifs d'automobiles avec lesdésagréments que cela entraîne ; dans Mon Oncle, on sourit du conformisme social (la maison, le jardin, lesmondanités). • Deuxième partie : ne pas être de son temps, c'est refuser la civilisation de masse pour s'affirmer, être soi-même.Cela implique parfois un retour à la terre, à une civilisation paysanne qui a su mieux préserver ses valeurs.

Giono asubi cette attraction.

Pierre-Jakez Hélias, dans Le Cheval d'Orgueil décrit la façon de vivre des paysans bigoudensdu début du siècle.

Leurs valeurs lui semblent toujours actuelles, car elles permettaient à chacun de s'en sortir,malgré des conditions de vie particulièrement rudes.

Fondée sur la religion, le travail, la famille, l'immobilisme social,cette civilisation paysanne peut paraître conservatrice, mais elle n'écrasait pas l'individu, qui pouvait s'exprimer parson travail.— Être soi-même constitue une aventure individuelle pour l'artiste, le mystique.

Ils se mettent ainsi en marge desautres, en adoptant une façon de vivre qui leur permet de mener à bien leur expérience.

Quitter Paris, la grandeville, pour se retirer dans un terroir revêt alors une signification symbolique, pour Giono, Xavier Grall, Jean Ferrat,etc.— Mais s'affirmer différent des autres peut être inconfortable.

On s'installe dans la marginalité, souvent dans lasolitude.

Bérenger, à la fin de la pièce (Rhinocéros) reste seul et connaît des instants de doute.

Monsieur Hulot, lehéros de Tati, paraît un peu ridicule par un comportement, un habillement, une démarche même qui le distinguentdes autres. • Troisième partie : être de son temps est finalement plus difficile qu'on ne le croit, cela demande du discernementet parfois un effort d'adaptation.

Tout change, tout bouge autour de nous et il faut sans cesse s'adapter auxsituations nouvelles.

Certains individus n'en sont pas capables.

Ainsi les héros de La Cerisaie (Tchekhov) selamentent d'être du passé, d'être des aristocrates inaptes au travail.

Ils voudraient bien changer...— Être de son temps est parfois courageux lorsque le présent comporte des dangers.

Ainsi, sous l'occupationallemande, il était dangereux d'exprimer ses opinions lorsqu'elles différaient de celles qui étaient politiquementadmises.

Le poète René-Guy Cadou, le dramaturge Anouilh (Antigone) malgré les dangers, ont su élever leur voix et« sortir du troupeau ».

Il faut le même courage pour défendre les valeurs du passé — religieuses, politiques,artistiques — dans un régime totalitaire.

C'est le cas des dissidents en U.R.S.S.

qui sont réduits au silence, par l'exilou par l'internement dans les goulags.

— Il est possible d'être soi-même dans son temps, d'être une consciencetoujours en éveil.

Cette vigilance nous la trouvons chez Sartre, Camus qui voient dans la littérature un combat etqui jouent le rôle de « phares » (cf.

Baudelaire), pour leurs contemporains.

C'est aussi la fonction des grandsjournalistes qui se veulent les chroniqueurs de leur temps et qui gardent leur indépendance.. »