Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. Polissez-le sans cesse, et le repolissez. Boileau
Publié le 15/09/2015
Extrait du document
« Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse, Et ne vous piquez point d’une folle vitesse.
Un style si rapide, et qui court en rimant,
Marque moins trop d’esprit, que peu de jugement. J’aime mieux un ruisseau, qui sur la molle arène, Dans un pré plein de fleurs, lentement se promène, Qu’un torrent débordé qui d’un cours orageux Roule plein de gravier sur un terrain fangeux. Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. Polissez-le sans cesse, et le repolissez.
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. »
«C’est en vain qu’au Parnasse un téméraire auteur Pense de l’art des vers atteindre la hauteur.
S’il ne sent point du Ciel l’influence secrète Si son astre en naissant ne l’a formé poète,
Dans son génie étroit il est toujours captif.
Pour lui Phébus est sourd et Pégase est rétif. »
«
d'épurer, de chercher l'ordre et la mesure, d'admettre
toute
la part d'artisanat qui entre dans le métier poétique.
Boileau
ne nie pas la nécessité d'un don à l'origine pour
que la création poétique débouche sur une réussite.
Les
six premiers vers de
l'Art poétique ne laissent aucun
doute sur
ce point :
«C'est en vain qu'au Parnasse un téméraire auteur
Pense de
l'art des vers atteindre la hauteur.
S'il ne sent point du Ciel l'influence secrète
Si son astre en naissant ne l'a formé poète,
Dans son génie étroit
il est toujours captif.
Pour lui Phébus est sourd et Pégase est
rétif.»
Phébus, ou Phoebus(« le brillant»), comme on le sait,
était
le surnom d'Apollon ou l'épithète que l'on joi
gnait parfois
à son nom.
Apollon, dans la mythologie
grecque, était
le dieu de la lumière, d'où ce surnom,
mais aussi
le dieu de la poésie et de la musique.
Pégase
était, dans cette même mythologie,
le cheval ailé qui
symbolisait l'inspiration.
Toujours pour montrer l'importance
de l'aptitude ini
tiale au métier de poète, Boileau donne, dans
le chant
IV de son Art poétique, l'exemple d'un médecin de Flo
rence qui, après avoir tué beaucoup de malades, ac
cepta de
se reconvertir et devint un excellent architecte.
Par analogie, il tire de l'anecdote un conseil destiné aux
apprentis poètes:
«Soyez plutôt maçon, si c'est votre
talent.»
Mais si le don, l'inspiration, l'émotion initiale sont
nécessaires, ils ne sont pas suffisants.
La poésie est un
métier qui demande patience, ténacité, labeur.
Un vrai
poète ne considérera pas comme une injure
qu'on
l'appelle « regratteur de syllabes» car· son art repose
justement dans ce travail sur
les mots.
Attention, Boileau
dit« vingt fois sur le métier »et non
«cent fois», comme on le lit assez souvent..
»
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