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Verte omnis tete in facies

Publié le 08/05/2022

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« Verte omnis tete in facies Prends toutes les formes que tu voudras ! Il s'agit de la réplique injurieuse et ironique de Tumus à Enée, Ion du combat qui les oppose au douzième chant de l'Enéide (v.

891): selon le commentaire du Pseudo-Servius, il s'agirait de la reprise d 'une locution proverbiale qui conseillait d 'adapter son comportement aux situations.

Cette expression devint célèbre, et fut reprise notamment par saint Augustin (Contra Ju/ianum, 6, 5, 11 ), Jean Cassien (De incarnatione Christi, 3, 15 [Pl 50, 72a)), Alcuin (Contra Felicem Urgellitanum, Pl 101.

143d) et Pierre le Vénérable (Adversus Judoeorum inveteratam duritiem, 4 ).

Ce motif est en effet fréquent dans la littérature latine (cf.

nn.

1620 sq.

: 1624, et Térence, Hecyra, 380), et sans doute dérivc-t-il de la représentation de Protée, le dieu marin grec, non seulement doué de capacités divinatoires, mais également capable de prendre toutes les apparences possibles et imaginables, qui désignait souvent par antonomase la capacité de l'homme à se métamorphoser. Cet usage est déjà attesté en grec, en particulier dans une épigramme culinaire d ' Hédy los de Samos (rapportée par Athénée, 8, 345a), et dans un passage de Lucien (De sacrificiis, 5)où Zeus est appelé« Protée », parce qu 'il change sans cesse d'aspect au gré de ses amours.

Dans la littérature latine, O vide (Ars amatoria, 758 sq.) compare à Protée l'amant qui se transforme en fonction des jeunes femmes qu'il a l'intention de séduire, tandis qu ' Horace (Ep., 1, 1, 90) reprend cette image, soit pour illustrer l 'étemclle insatisfaction des hommes, soit pour insister sur les difficultés que pose la nature changeante de Protée (Sot..

2, 3, 69-71 ).

La réputation de ce personnage mythologique est plusieurs fois rappelée par les auteurs chrétiens (cf.

par exemple, saint Jérôme, Adversus lovinianum, 2.

21 (Pl 23.

315b]: saint Augustin, Contra Academicos, 3, 5, 11 ; 3, 6, 13: De ordine, 2, 15, 43 (Pl 32, 1015] : Thomas Becket, Ep..

46 [Pl 190, 506d] ; Jean de Salisbury, Po/icraticus, 3, 12 [Pl 199, 499c); 7, 5 [Pl 199, 654c)).

Le surnom de «Protée» sert encore aujourd'hui à désigner les personnes versatiles et l'adjectif « protéiforme» (en italienproteiforme) existe dans toutes nos langues européennes ; pour les comparaisons avec la girouette, le caméléon ou le poulpe, cf.

nn.

1621 : 1623 ; 1629.

Signalons enfin un beau passage de Lcon Battista Alberti (/nercenales, Anu/i, 179 sq.): li1rios habendos pro temporum locorumque ratione vu/tus daces, « Apprends à changer de visage au gré des lieux et des circonstances».. »

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