Tout porte à croire qu’il existe un certain point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement. Or c’est en vain qu’on chercherait à l’activité surréaliste un autre mobile que l’espoir de détermination de ce point. André Breton
Publié le 15/09/2015
Extrait du document
BRETON: « Le surréalisme est une de ces tentatives par lesquelles l’homme prétend se découvrir comme totalité : totalité inachevée et cependant capable, à un instant privilégié (ou par le seul fait de se voir inachevée), de se saisir comme totalité. Comme il est à la fois mouvement inspiré et mouvement critique, il brasse toutes sortes de vues, de postulats, de recherches conscientes et confuses, mais l’intention principale est claire; le surréalisme est à la recherche d’un type d’existence qui ne soit pas celui du “donné”, du tout fait (il ne sait pas très bien si cette existence « autre » peut être atteinte par l’analyse, par des expériences investigatrices, comme celle de l’inconscient, du rêve, des états anormaux, par un appel à un savoir secret enfoui dans l’histoire, ou si elle doit être réalisée par un effort collectif pour changer la vie et le cours des choses). Et en même temps il est à la recherche d’un événement absolu, où l’homme se manifeste avec toutes ses possibilités, c’est-à-dire comme l’ensemble qui les dépasse. »
« Je fixe un point devant moi et je me représente ce point comme le lieu géométrique de toute existence et de toute unité, de toute séparation et de toute angoisse, de tout désir inassouvi et de toute mort possibles.
J’adhère à ce point et un profond amour de ce qui est en ce point me brûle jusqu’à refuser d’être en vie pour autre chose que ce qui est là, pour ce point qui, étant ensemble vie et mort d’un être aimé, a un éclat de cataracte. »
«Je demande qu’on veuille bien observer que les recherches surréalistes présentent, avec les recherches alchimiques, une remarquable analogie de but: la pierre phiiosophale n’est rien d’autre que ce qui devait permettre à l’imagination de l’homme de prendre sur toutes choses une revanche éclatante et nous voici de nouveau, après des siècles de domestication de l’esprit et de résignation folle, à tenter d’affranchir définitivement cette imagination par le long, immense, raisonné dérèglement de tous les sens et le reste. »
«
«Tout porte à croire qu'il existe un certain point de
l'esprit
d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le
passé et le futur, le communicable et l'incommunica
ble,
le haut et le bas cessent d'être perçus contradictoi
rement.
Or, c'est en vain qu'on chercherait à l'activité
surréaliste un autre mobile que l'espoir de détermina
tion de ce point.
»
~ On trouverait sans peine dans l'œuvre de Breton,
et,
à un degré moindre dans celles de ses proches,
de nombreux textes où s'exprime cette conviction
de parvenir en un lieu de l'esprit où s'abolissent
les con
tradictions.
Dans L'Amour fou (1937), Breton nommera ce lieu le
"point sublime", le comparant à un site exceptionnel
logé dans la montagne.
«J'ai parlé d'un certain "point sublime" dans la mon
tagne.
Il ne fut jamais question de m'établir à demeure
en ce point.
Il eût d'ailleurs, à partir de là, cessé d'être
sublime et j'eusse, moi, cessé d'être un homme.
Faute
de pouvoir raisonnablement
m'y fixer, je ne m'en suis
du moins jamais écarté
jusqu'à le perdre de vue,
jusqu'à ne plus pouvoir le montrer.
J'avais choisi
d'être ce guide,
je m'étais astreint en conséquence à ne
pas démériter de la puissance qui, dans la direction de
l'amour éternel, m'avait fait voir et accordé le privi
lège plus rare de
faire voir.
Je n'en ai jamais démérité,
je n'ai jamais cessé de ne faire qu'un de la chair de
l'être que
j'aime et de la neige des cimes du soleil
levant.»
Cette image qui traverse donc toute l'œuvre de Breton
semble avoir une double origine.
Elle est explicitement empruntée, tout d'abord,
à
l'œuvre du philosophe allemand Hegel dont la pensée
exerça une influence décisive sur Breton.
Celui-ci s'en
est expliqué dans
les Entretiens qu'il accorda en 1952
à André Parinaud :.
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