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Tout porte à croire qu'il existe un certain point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d'être perçus contradictoirement. Or c'est en vain qu'on chercherait à l'activité surréaliste un autre mobile que l'espoir de détermination de ce point. André Breton.

Publié le 22/02/2012

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Avec le Second Manifeste du surréalisme (1929), André Breton cherche à rendre compte de l'évolution du mouvement dont il était à la fois l'âme et l'initiateur. Mouvement que, cinq ans auparavant, dans le Manifeste du surréalisme (1924), il avait lui-même baptisé, empruntant le mot à Apollinaire. Il s'agissait pour lui de prendre la mesure de « cette crise de conscience de l'espèce la plus générale » que, selon ses propres mots, le surréalisme visait à provoquer au sein de la culture occidentale. L'ouvrage comporte un certain nombre de règlements de comptes, mais la polémique, cependant, ne constitue que l'un des deux pôles entre lesquels le Second Manifeste ne cesse d'osciller. L'autre pôle est constitué par un ensemble de développements théoriques dans le prolongement des considérations contenues dans le premier manifeste. Breton s'y attache à préciser sa définition propre du surréalisme.
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« seconde image, empruntée, elle, aux doctrines ésotériques : « C'est seulement toutes les vannes de cette dialectique ouvertes en moi que j'ai cru constater qu'il n'y avait pas siloin du lieu où la pensée hégélienne débouchait au lieu où affleurait la pensée dite « traditionnelle ».

L'un et l'autreont tendu pour moi à devenir un seul et même lieu...

» Ce rapprochement esquissé entre la philosophie hégélienne et la sagesse qui s'exprime dans la pensée «traditionnelle » — alchimie, astrologie, voyance...

— est-il justifié ? On a des raisons d'en douter, mais là n'est pasl'essentiel.

Compte surtout le caractère fécond de cette opération de l'esprit par laquelle Breton confronte deuxsystèmes hétérogènes pour constituer sa propre vision du surréalisme.On a beaucoup reproché à Breton la fascination qui était la sienne pour les formes les plus suspectes de l'irrationnel: le constat est souvent posé d'un naufrage du surréalisme dans l'ésotérisme.

Cette dérive est essentiellementobservable dans un surréalisme d'après-guerre qui ne se réfugie dans l'alchimie que pour avoir perdu tout espoir dansl'histoire.

Cependant, dès le Second Manifeste, Breton en appelle à « L'OCCULTATION PROFONDE, VÉRITABLE DUSURRÉALISME ».Il déclare : « Je demande qu'on veuille bien observer que les recherches surréalistes présentent, avec les recherchesalchimiques, une remarquable analogie de but : la pierre philosophale n'est rien d'autre que ce qui devait permettre àl'imagination de l'homme de prendre sur toutes choses une revanche éclatante et nous voici de nouveau, après dessiècles de domestication de l'esprit et de résignation folle, à tenter d'affranchir définitivement cette imagination parle long, immense, raisonné dérèglement de tous les sens et le reste.» Dans les doctrines ésotériques qu'il explore, Breton peut découvrir une autre image de ce point suprême qu'il vise :possession d'une clé ultime du réel grâce à laquelle celui-ci se laisse saisir dans son unité et déchiffrer.Philosophie hégélienne, pensée traditionnelle : telles sont donc les deux sources à partir desquelles l'image du «point » peut se laisser saisir.

Cependant, l'origine de cette image importe moins que la signification qui est la siennedans la pensée de son inventeur véritable : Breton.A travers les premières lignes du Second Manifeste s'exprime l'ambition ultime et véritable du surréalisme.

Celle-ciconsiste à travailler à une réunification de l'homme et à permettre à celui-ci d'atteindre au fonctionnement réel desa pensée.

Le « règne de la logique » a, pour Breton, mutilé l'homme en l'enfermant dans le plus étroit desrationalismes et en le coupant des forces vives de sa pensée, des profondeurs de son imagination.

C'est dans cesespaces oubliés que le surréalisme, par l'écriture automatique ou l'attention portée au rêve, propose de se déployerpour rendre à chacun la maîtrise entière de lui-même, l'intelligence de ce qu'il est.Ce qui signifie, en d'autres mots, que le surréalisme ne vise à rien d'autre qu'à un homme réunifié comme l'aparfaitement expliqué Maurice Blanchot dans La Part du feu (Gallimard, 1949) : « Le surréalisme est une de ces tentatives par lesquelles l'homme prétend se découvrir comme totalité : totalitéinachevée et cependant capable, à un instant privilégié (ou par le seul fait de se voir inachevée), de se saisircomme totalité.

Comme il est à la fois mouvement inspiré et mouvement critique, il brasse toutes sortes de vues, depostulats, de recherches conscientes et confuses, mais l'intention principale est claire le surréalisme est à larecherche d'un type d'existence qui ne soit pas celui du "donné", du tout fait (il ne sait pas très bien si cetteexistence "autre" peut être atteinte par l'analyse, par des expériences investigatrices, comme celle de l'inconscient,du rêve, des états anormaux, par un appel à un savoir secret enfoui dans l'histoire, ou si elle doit être réalisée parun effort collectif pour changer la vie et le cours des choses).

Et en même temps il est à la recherche d'unévénement absolu, où l'homme se manifeste avec toutes ses possibilités, c'est-à-dire comme l'ensemble qui lesdépasse.» Outre les sources philosophiques ou ésotériques qui ont été citées plus haut, l'image de ce point absolu, dans lequell'essentiel se résume, se rencontre dans d'autres textes littéraires que celui de Breton.Déjà à la fin de La Divine Comédie, le poète italien Dante, au terme du périple qui l'avait mené d'Enfer en Purgatoireet de Purgatoire en Paradis, se trouvait confronté à une sorte de point paradoxal qui n'était autre que Dieu, figure laplus simple et la plus parfaite, lieu le plus étroit de l'espace mais qui se révèle capable de contenir en lui la totalitéde ce qui est.

L'image sera reprise et modulée dans Paradis de Philippe Sollers.Georges Bataille, contemporain de Breton, s'explique sur ce « point » et le préfixe sur dans les mots surhomme etsurréalisme» dans un texte resté longtemps inédit (« La vieille taupe »), actuellement disponible dans le tome II desOeuvres complètes chez Gallimard.Le fameux «point de l'esprit » dont traite Breton ne fait que traduire son désir vain de s'envoler vers « l'immensitébrillante du ciel » ; assurance trop fragile de qui se croit quitte du bas monde qu'il laisse derrière lui.L'expérience ultime est bien pour Bataille, comme pour Breton, l'expérience du «point ».

Mais de l'un à l'autre, le «point sublime » s'inverse pour devenir ce « point d'extase » qu'évoquent L'Expérience intérieure et Le Coupable : iln'est plus le lieu de cette « lueur » que désignait le Second Manifeste mais d'un déchirement et d'une angoisse qui,dépassant toute mesure, découvrent ce que Bataille nommait « le fond des mondes ».

L'expérience se présente ainsi: «Je fixe un point devant moi et je me représente ce point comme le lieu géométrique de toute existence et de toute. »

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