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Tout le monde ne peut pas être orphelin. Jules Renard

Publié le 22/02/2012

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Jules Renard (1864-1910), auteur de Poil de carotte, fait figurer cette phrase dans la bouche de son personnage, Poil de carotte. En fait, la même phrase apparaît trois fois dans l'oeuvre de Jules Renard : dans Sourires pincés (1890), première oeuvre de qualité de cet auteur; dans cette suite de scènes appelée Poil de carotte (nouvelles ou roman ?), au chapitre intitulé « Coup de théâtre » (1894); enfin dans la pièce de théâtre, comédie en un acte portant le même titre, Poil de carotte, représentée par Antoine en 1900. Dans cette comédie, M. Lepic, père de Poil de carotte, était joué par Antoine, tandis que c'est une femme, Suzanne Desprès, qui interprétait le rôle de Poil de carotte adolescent. Le recueil intitulé Sourires pincés contient, dans la première des neuf parties, un récit qui sera repris dans Poil de carotte ultérieurement (en 1894) et qui se conclut sur l'unique réplique que voici : «POIL DE CAROTTE, au fond d'un placard. Dans sa bouche, deux doigts; dans son nez, un seul: Tout le monde ne peut pas être orphelin.»

« qu'au moindre prétexte, Mme Lepic... Il lève la main, lâche le bol et regarde la fenêtre., ANNETTE (Elle ramasse les morceaux du bol.) — N'ayez pas peur : c'est moi qui l'ai cassé...

A votre place, j'aurais dit la vérité. POIL DE CAROTTE.

- Je suppose, Annette, que je dénonce Mme Lepic, et que M.

Lepic prenne mon parti :pensez-vous que si M.

Lepic attrapait Mme Lepic à cause de moi, Mme Lepic, à son tour, ne me rattraperaitpas dans un coin? ANNETTE.

- Vous avez un père...

et une mère! POIL DE CAROTTE.

- Tout le monde ne peut pas être orphelin.

» • Jules Renard a écrit huit pièces de théâtre.

Toutes, sauf Le Cousin de Rose, ont été représentées de son vivant et toutes sont issues de contes ou de textes dont elles sont parfois de simples versions scéniques.

C'est que ledialogue est une forme d'expression privilégiée par Jules Renard : une simple lecture des récits de Poil de carotte suffit à le confirmer.

Sur les huit pièces, cinq sont de qualité et l'on n'a pas manqué de distinguer les pièces « parisiennes » (inspirées de l'expérience parisienne de l'auteur) de celles qui se rapportent à la campagne, en l'occurrence, Chitry, le village de son enfance. Les premières (Le Plaisir de rompre, 1897; Le Pain de ménage, 1898; Monsieur Vernet, 1903) attestent que Jules Renard est un bon observateur de la comédie mondaine.

Les autres (La Demande, 1895; Poil de carotte, 1900; Huit jours à la campagne, 1906; Le Cousin de Rose, 1909; La Bigote, 1909) correspondent davantage à une nécessité intérieure commandée par le vécu familial. Quand Jules Renard fait représenter, par le metteur en scène Antoine, sa pièce, Poil de carotte, les genres qui ont la faveur du public sont la comédie bourgeoise ou mondaine, le vaudeville et le mélodrame.

Or Le Théâtre Libre(l'Antoine cherche à s'ancrer dans une réalité et une expérience directement inspirées par le milieu social, ce quientraîne des répercussions scéniques fondées sur un certain illusionnisme « réaliste» («tranche de vie », costumes, décors).

Antoine jouera trois pièces de Jules Renard, Poil de carotte, M.

Vernet et La Bigote, et il est certain que c'est grâce à ce prestigieux homme de théâtre que Jules Renard a pu imposer son œuvre théâtrale et la maintenirvivante.

Comme le précise Antoine, «L'un des premiers écrivains à qui j'ai demandé une pièce pour mon Théâtre est Jules Renard.

» (27 août 1897 : Antoine dirige alors le Théâtre Antoine, après l'expérience duThéâtre Libre) Dans ses Propos de théâtre (de 1891 à 1912), Jules Renard a inclus le texte suivant, qui est une réflexion sur le théâtre : «Je ne voulais pas recommencer le livre, sous prétexte de le continuer.

Il ne me plaisait pas d'écrire un Poil de carotte en deux, trois, quatre...

trente-six volumes.

C'est alors que je songeai au théâtre.

C'était tentant et difficile.

Tentant, parce qu'en cas de succès, Poil de carotte sortait de la pâle clarté du livre, bondissait en pleinelumière (je voyais déjà son nom cocasse en grosses lettres, sur les affiches).

Difficile, parce qu'une pièce de théâtreest à peu près le contraire d'un livre. L'auteur est à l'aise dans le livre : au théâtre, il subit des lois presque inflexibles.

Le lecteur fait crédit.

Il a et ildonne le temps.

Il prend le livre, le pose, le reprend.

Le spectateur est pressé.

Il faut agir sur lui vite et fort,fort et même gros, et, sauf des cas très rares, il n'y a qu'une impression qui compte, c'est la première.

Si ellerate, c'est perdu.

Voyez-vous un spectateur revenant le lendemain pour voir s'il ne s'est pas trompé dans sonjugement ? Il a bien autre chose à faire.

Mais cette difficulté du théâtre est son attrait, son principal excitant.Le théâtre n'est pas, comme on l'a dit, un art inférieur.

C'est un art particulier et limité! C'est l'art des minutesintenses, des secousses rapides, l'art des crises, crises de larmes ou crises de rire.» On retiendra de cette analyse que le théâtre exige le déclenchement d'une crise et son développement en un temps restreint.

A cet effet, Jules Renard concentre l'action en limitant le nombre des protagonistes.

Il conserve Poil decarotte, Mme Lepic et M.

Lepic, en accordant à ce dernier un rôle de premier plan, ce qui n'était pas le cas dans lerécit, où M.

Lepic ne se manifestait guère. Autre changement : Poil de carotte est devenu un adolescent de près de seize ans, il est donc en mesure d'affirmerplus hardiment sa personnalité, son autonomie, en se mesurant avec sa mère. Encore fallait-il faire intervenir un incident déclenchant la crise.

Jules Renard l'invente.

Ce sera la servante, Annette,qui, parce qu'elle est une nouvelle venue dans la famille, donnera l'impulsion décisive et nouera la crise.

Le prétexteest fourni par la partie de chasse à laquelle M.

Lepic a convié son fils.

Sous la pression de Mme Lepic, celui-ci serésigne à décliner la demande.

C'est alors qu'Annette, seule, dévoile à M.

Lepic le pot aux roses. Grâce à sa franche et audacieuse démarche, le mur du silence s'effrite.

Le fils peut enfin — et rapidement, puisquele père demande une explication — s'expliquer, pour la première fois.

Dans le récit, l'explication venait bienlongtemps après, sans qu'aucune véritable crise se soit produite si ce n'est une lente évolution.

Comme l'indique. »

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