Solamen miseris socios habuisse malorum
Publié le 04/02/2022
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Solamen miseris socios habuisse ma/orum
Avoir des compagnons d'infortune est toujours une consolation
L'origine de cette célèbre maxime n'est pas antique, puisqu'elle
apparaît pour la première fois au dix-septième siècle, chez Spinoza
(Ethique, 4, 57) et chez Johann Michael Moscherosch (Epigrammatum libri, 4, 95, 1), elle sera ensuite reprise dans une lettre de
Johann Gottlieb Schummel à Kant datée du 21 mars 1783 ; mais notre
expression possède des précédents, notamment chez saint Thomas
d'Aquin (cf.
ln quattuor sententiarum, 50, 2, 1, 4, 1) qui cite une
glose à Isaïe, 14: Solarium est malorum multos socios habere poenarum (cf.
aussi Quodlibet, 3, 10, 2 ; Pelbârt de Temesvâr, Pomerium de
Sanctis.
Pars Aestivalis, 41 ).
Dans la Chronica pugliese degli anni
J333-1350 de Domenico de' Gravina (Raccolta di varie croniche,
Naples, 1781, 2, 220) on lit par contre Gaudium est miseris socios
habuisse poenarum, alors que le Doctor Faustus de Marlowe (5, 482
dans l'édition de 1604 = 5" 430 dans l'édition de 1616) cite notre sentence avec doloris à la place de malorum.
Mais les reprises de ce
thème sont déjà nombreuses dans les textes classiques : cf.
par
exemple la fable d'Esope (143 Hausrath) des deux lièvres qui se
lamentent sur leur condition et se consolent en se comparant aux grenouilles (la morale de la fable ajoutant: oi 6uoTuxoûVTES' Èe ÉTtpwv
xE(pova naoxovTwv napaµu8oûvTaL, >).
En grec, on pourrait également citer Thucydide (7.
75, 6).
Achille Tatius (7, 2) et Héliodore (les Ethiopiques, 1, 9, où l'auteur
affir111e qu'il est toujours réconfortant d'entendre parler de souffrances ou d'infortunes similaires aux siennes), ainsi que d'autres
proverbes, notamment KoLvov vauc:iyLov TÔLS 1TâaL napaµu8Lov, > (Apost.
9, 96) - ce topos
étant déjà présent chez Sénèque (Les Troyennes, l 029-1032) et était
traduit par Erasme (Adagia, 4, 3, 9 : Commune naufragium omnibus
solatio est.
cf.
Walther 2992), ou ~ÉpEL napaµu8(av 66uvwµÉVCfl
KoLvwv(a Têi>v oTevayµwv, (Euripide, Cresphonte, fr.
454,
1 K.), ou Non tibi hoc soli, >);
on lit une variante positive de ce topos chez Constantin Manassé : XP~
Tov 4,(Aov avµ noveîv Èv auµ~opq T~ cf,LÀCfJ, > (les amours d 'Arislandre et de Callithée, 8, 151, 3).
Signalons que de nombreuses fo1111ules reprennent ce même thème
dans nos langues modernes : cf.
en italien Mal comune mezzo gaudio ;
en français Aux malheureux fait confort avoir compagnie dans son sort
et Un malheureux cherche l'autre ; en espagnol Mal de muchos,
consuelo de tantos et No hay desgraciado que no halle consuelo con la
vista de otro mas desgraciado ; en allemand Gemein Unglück trostet et
Wer im Kreuz hat vie/ Gese/Jen Jcann sich leicht zur Ruhe ste/len, et
enfin en anglais Company in mi.sery makes it light et Company in dis ..
tress ma/ces sorrow Jess (cf.
Arthaber 736; Lacerda-Abreu 211 sq.;
Mota 118 ; Schwamenthal-Straniero 1969 ; 3160).
Notre topos apparaît
également dans une arietta de Métastase (Artaxerxès, 3, 6): Non è ver
che sia contenta I il veder ne/ suo tormento I più di un cig/io lagrimar
/ che / 'esempio del do/ore / è uno stimolo maggiore / che richiama a
sospirar, et chez Voltaire (Zadig, 17 : On prétend qu'on est moins ma/.
heureux quand on n'est pas seul)..
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