« N'attendez pas le jugement dernier. Il a lieu tous les jours. » Albert Camus, La Chute. Commentez cette citation.
Publié le 01/09/2009
Extrait du document
Le « jugement dernier « des chrétiens est en réalité le jugement porté chaque jour sur nous par autrui.
La Chute est le dernier ouvrage Camus avant son accident et marque l’achèvement d’une pensée qui ne se voulait pas systématique. L’ensemble du récit est constitué par le soliloque de Jean-Baptiste Clamence, un avocat vivant à Amsterdam qui revient sur sa vie et notamment un élément déclencheur de sa chute. Il s’agit d’un cri ; d’un cri contre la société, comme les existentialistes, contre la religion et les valeurs morales. Pourtant, la Chute n’est conserve pas moins une dimension morale et sociale, physique, et religieuse. Ainsi la chute est d’abord celle du suicide d’une jeune femme depuis le Pont Royal. Cette chute physique déclenche la chute morale et sociale de Clamence. Cette chute évidemment n’est pas rappeler la chute de l’Eden. Par ailleurs, Clamence rappelle lui-même la révolte dans le sens où « clamans « signifie « criant «. Ainsi cette chute est un cycle ; le cycle de l’absurde marqué par un suicide au début et à la fin de l’ouvrage. Ainsi cette révolte se marque notamment par la phrase qui sonne comme une mise en garde : « N'attendez pas le jugement dernier. Il a lieu tous les jours. « S’il s’agit effectivement d’une critique de la religion, de l’éternité et des valeurs morales (1ère partie), il n’en reste pas moins que Clamence, en tant que juge-pénitent, par son récit, fait prendre conscience aux autres de leurs fautes. En ce sens, son suicide final sonne comme le sacrifice christique et c’est peut-être pour cela que le dernier mot est « heureusement «. S’il revenait à l’action initiale, il ne sauverait pas cette femme, car dans son malheur il s’est libéré en admettant ses fautes. Son malheur est l’origine de son bonheur. Ainsi in fine, ce que l’on pourrait prendre pour une critique est en fait un plaidoyer.
«
Jean-Baptiste Clamence est ce que l'on pourrait appeler un nouveau prêcheur, cherchant de nouveaux adeptes.
Etc'est bien face à un initié qu'il s'adresse.
Or on ne peut être dupe du jeu de Camus à propos du nom de son personnage.
Evoquer le nom de Jean-Baptiste c'est faire référence à un passage très précis de la Bible.
Il s'agit d'unpersonnage très populaire, un ermite ombrageux qui correspond en tout point avec la description de notrepersonnage mais transposé à l'époque moderne.
Il est celui qui appelle à la conversion et cherche à fonder unenouvelle Eglise.
Il est un guide et un annonciateur.
Le parallèle avec le personnage de Camus est plus que troublant.Il est celui qui baptise Jésus.
En ce sens, l'autre personnage peut incarné alors la figure christique.
Cependant, s'ils'agissait de définir une nouvelle révolte contre l'ordre existence et de définir avec une certaine ironie un nouveaucourant existentialiste athée et de l'absurde dans ce cas, cette citation de la chute toucherait au but, mais on peutla comprendre autrement : comme la volonté d'un retour justement à ce que Camus dénonce, c'est-à-dire un retourvers Dieu, l'éternel et la morale.b) En effet, si l'on s'intéresse au parcourt du personnage de Jean-Baptiste Clamence, il est un ancien avocat et aété bouleversé par un événement particulier qui le hante de plus en plus.
Son parcourt initiatique est dû à la prisede conscience de l'inanité de son comportement alors qu'il n'a apporté aucun secours à une jeune femme qui étaitsur le point de se noyer sous un pont de Paris.
Cet élément déclencheur de la chute lui fait voir qu'il estinsupportable à lui-même.
Dès lors le personnage cherche à se réfugier dans le vice est exècre son passé.
Pourtant,son passé le rattrape inexorablement.
Or c'est bien cela qui nous permet de comprendre cette phrase sur laprésence du jugement dernier qui se passe tout les jours comme la recherche de l'ordre et une défense de lamoralité.
En effet, ce qu'indique le personnage n'est pas nécessairement que les notions de bien et de mal n'ont pasde valeur, bien au contraire, mais bien que la conscience nous pèse et c'est de cela que le personnage voudrait biens'affranchir.
Plus exactement, on peut dire que le personnage fait l'expérience d'une moralité exigeante.
Loin d'êtreun homme révolté alors il est un homme face aux remords comprenant que le jugement dernier a lieu toujours, c'est-à-dire que la moindre action mauvaise nous prive du salut et de la jouissance d'une conscience tranquille.
En cesens, on peut presque dire que Camus est pascalien et voit l'homme misérable après sa chute.
Dans ce cas, on peut véritablement dire qu'il annonce ou recherche l'avènement d'une nouvelle ère, celle d'un retour à la moralité, àcette tranquillité de la conscience qui n'est possible qu'avec le respect des règles de la morale.
Moins qu'une révoltetendant vers l'absurde, c'est une prise de conscience de l'absurdité de notre situation et de nos modes de vie àl'époque moderne.
Et c'est bien pour cela que Clamence a horreur de lui.
Les solutions qu'il avait cru trouver dans levice ne l'ont pas aidé ; il ne lui reste plus alors qu'à faire œuvre ce pénitence.
La seule est unique solution qu'il luireste serait de verser dans la religion ou de terminer sa chute ; ce qu'il fera.
Mais même cet acte désespéré estencore le signe d'une volonté de rachat et d'une impossibilité pour le personnage de pouvoir continuer ainsi.c) Si le jugement dernier a lieu tous les jours, c'est bien que chacune de action a une valeur, que le bien et le malne se calculent pas en fin de compte.
Il ne s'agit pas d'une règle de calcul visant le plus et le moins.
Au contraire,toute déviation de l'ordre moral conduit irrémédiablement l'homme à sa condamnation.
C'est pourquoi se faisant lui-même son propre accusateur, il se prend comme exemple pour prêcher et d'une certaine manière mettre en gardel'ensemble de l'humanité.
Son dégoût de cette humanité sans valeur est une critique de son propre personnage parun effet de miroir.
Or il est tout à fait saisissant de constater que Clamence définit la liberté comme la prise deconscience de ses propres fautes.
C'est donc vers la voie du repentir qu'il faut viser.
Cette liberté est alors toutereligieuse et définit in fine avec ou sans Dieu la prégnance de la conscience morale ce qui suppose alorsl'établissement d'un étalon de valeur sans lequel il ne pourrait y avoir de dégoût de soi.
L'homme moderne est ainsimis en accusation.
La fin de la Chute peut alors être considéré comme le rachat des fautes de l'humanité,définissant ainsi une nouvelle figure christique.
Conclusion : Si une première lecture de cette citation peut nous faire penser à la définition d'un athéisme doublé d'unerévolte libératrice du joug de la morale et des valeurs dérivant de l'absence de sens et de l'absurdité de l'hommedans le monde ; il n'en reste pas moins qu'ne étudiant attentivement le personnage de Clamence et des motivationsde son discours, on peut voir que cette révolté est empreinte de religiosité et tend à promouvoir une nouvellemoralité.
S'il y a bien une révolte, elle se dirige justement contre l'humanité actuelle et son mode de vie auxantipodes de valeurs morales.
En ce sens, si le jugement dernier a lieu tous les jours c'est que notre consciencemorale mesure chaque instant.
Toute faute est irrémédiable et définitive, nous éloignant ainsi de la quiétude ; laliberté n'étant alors que la prise de conscience de nos propres fautes..
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