« Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu'il possède. » Jean-Jacques Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse
Publié le 22/02/2012
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Julie ou la Nouvelle Héloïse, roman à succès du XVIIIe siècle, relate les amours contrariés de Julie et de Saint-Preux, empêchés de s'unir par l'ambition d'un père cruel. Condamnés à dissimuler leurs élans interdits par le mariage de raison imposé à Julie, les deux amants ne perdent pourtant rien de leur flamme. Comment parviennent-ils à endurer l'épreuve de cet amour impossible ?
« Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu'il possède. » Jean-Jacques Rousseau, Julie ou La Nouvelle Héloïse. Julie ou La Nouvelle Héloïse, roman à succès du XVIIIe siècle, relate les amours contrariées de Julie et de Saint-Preux, empêchés de s’unir par l’ambition d’un père cruel. Condamnés à dissimuler leurs élans interdits par le mariage de raison imposé à Julie, les deux amants ne perdent pourtant rien de leur flamme. Comment parviennent-ils à endurer l'épreuve de cet amour impossible ? C’est qu’il y a, selon Rousseau, davantage de bonheur dans l’anticipation propre au désir que dans sa jouissance. Une fois atteint, l'objet convoité perd le caractère mystérieux et idéal que lui conférait l’inaccessibilité. Aussi le plaisir augmente-t-il avec l’espoir, tandis que la satisfaction déçoit, au point que la fin de toute attente est synonyme de malheur. Cette ambiguïté du désir, qui s’alimente de la distance, se comprend par son lien intime avec l’imaginaire. En effet, la rêverie et le fantasme magnifient les êtres aimés, sans que cette illusion ne soit néfaste puisqu’elle berce les amants dans un pays de chimères où il fait bon vivre. En somme, l’impossibilité de leur union ne fait pas sombrer Julie et Saint-Preux dans la frustration ou la souffrance. Comprenant qu’ils s’aimeront mieux dans leurs songes qu’au quotidien, et que la retenue du désir peut faire de la vertu une volupté, ils subliment leur amour sans jamais trahir leur âme par le mensonge ou l’adultère. Ces deux êtres échappent peut-être ainsi à l’amertume cruelle des amours fanées, s’il est vrai que, comme l’écrivit Marcel Proust : « Le désir fleurit, la possession flétrit toutes choses. »
«
IntroductionOn définit le désir comme étant avant tout une envie, très souvent associé à ce que l’on ne possède pas.
Rousseau,en écrivant « Malheur à qui n’a plus rien à désirer » allie la question du désir à celle du bonheur.
Il est doncprésupposé que ces deux notions sont indissociables.
Mais si le désir résulte d’un manque, le bonheur peut-il être liéà ce que l’on ne possède pas ? Nous argumenterons le point de vue de Rousseau, avant d’étudier la nuisance dudésir.
Enfin, nous nous demanderons si le bonheur et le désir peuvent être véritablement liés.
I- L’homme qui n’a plus rien à désirer est malheureux
Le désir est la source de toute motivation, de tout espoir.
Chaque acte de l’homme est justifié par une motivation :c’est la raison même qui le pousse à agir telle qu’il le fait.
Toute motivation provient d’un désir.
Tant que ce désirreste inaccompli, il persiste chez l’homme l’espoir que celui le soit un jour.
La recherche du bonheur définit souventle sens de la vie.
Il s’agit ici encore d’un désir : celui d’être heureux.
Mais cette recherche ne traduit-elle pas l’espoird’atteindre un jour ce bonheur ? N’est pas là le seul objectif de l’homme ? Dans le cas contraire, celui qui ne désireplus n’a plus de but, et ainsi plus de raison de se lutter pour obtenir ce qu’il convoite.
L’homme qui n’a plus rien àdésirer est conscient de son manque de motivation.
Il en résulte le désespoir de l’individu, si ce n’est la dépression.L’absence de désir est donc inévitablement une source de malheur vécu et ressenti par l’individu concerné.
L’idée de bonheur et de plénitude de la vie sont souvent associés à l’assouvissement de tous nos désirs.
Mais qui acomblé tous ses désir n’a alors plus rien à désirer.
Il ne peut alors, d’après Rousseau, n’être que malheureux.
Si onconsidère le désir comme l’envie de ce que l’on ne possède pas, alors le désir est un manque : l’objet même du désir,quel que soit sa nature, diffère de ce dont on dispose déjà.
La satisfaction de ce désir met fin à ce manque, et parle même coup elle met fin au plaisir lié à son assouvissement.
Le désir crée à la fois une souffrance et unejouissance, mais cette jouissance éphémère disparait dès lors que le désir est accompli.
Ainsi, le bonheur de l’hommeest plus facilement associable à sa capacité à désirer plutôt qu’en l’accomplissement même de ses désirs.
II- Le désir rend l’homme misérable
Le désir crée chez l’homme une dépendance.
D’une part, le désir traduit l’idée de tentation.
D’après le mythe d’Adamet Eve, cette tentation est l’origine même du malheur des hommes : dès lors que l’homme succombe au désir degouter au fruit interdit, il commet le pécher originel et ne peut plus vivre dans le paradis qui lui était réservé.Pourquoi cette tentation provoque t’elle la déchéance de l’homme ? Celui qui goutte au plaisir de céder à latentation s’affaiblit de lui-même : il a alors beaucoup plus de mal à résister à ces désirs.
D’autre part, désirer, c’estconsidérer que le bonheur doit provenir de ce qui nous est extérieur.
Cette idée s’oppose au principe du stoïcisme :notre bonheur ne résulte que de ce qui ne dépend pas de nous, c’est-à-dire des choses matérielles ou fragiles :l’amour, le pouvoir, l’argent, la considération, la santé… Ainsi, le bonheur, dépendant du monde extérieur, estconsidéré comme un état éphémère, instable, que l’on ne contrôle pas.
Le désir est un mirage.
L’individu qui suit ses désirs et succombe à la tentation ne peut plus se contenter de ce qu’ila, car il est pris au piège par le désir d’obtenir toujours plus.
Seul ce qu’il ne possède pas l’attire.
C’est ici une desplus grandes faiblesses de l’homme que l’incapacité de celui-ci à se satisfaire.
Il ne peut alors profiter de l’instantprésent et se projette toujours dans le futur.
L’individu qui désire vit dans la déception permanente de ne pouvoirjouir de ce qu’il désire.
De plus, le bonheur apporté par la satisfaction d’un désir n’est qu’éphémère.
Souvent, on nepeut jouir de l’objet de notre désir que lorsque l’on ne le possède plus, ou avant de le posséder.
« Malheur à qui n’aplus rien à désirer » constitue donc un paradoxe : d’une part, le désir est nécessaire pour être heureux, d’autrepart, le désir conduit à la dépendance et à l’insatisfaction permanente.
Or, il est difficile de concevoir un être à lafois heureux et insatisfait de ce qu’on possède.
III- Le bonheur ne peut être associé au désir
Il est donc question ici de la possession.
Aujourd’hui, toute notre société est fondée autour de la possession, sonéconomie même consiste à maximiser la consommation de l’homme.
Mais si l’homme est incapable de se satisfaire dece qu’il possède, le bonheur peut-il réellement être définit par ce qu’il possède ou ne possède pas ? Le détachementcomplet de toute possession est l’une des clés de la sagesse d’après la religion bouddhiste.
D’autre part, nous avonsconsidéré jusqu’ici que l’homme ne désire que ce qu’il ne possède pas.
Cette idée peut être remise en cause :pourquoi l’homme ne pourrait-il pas désirer ce qu’il possède déjà ? Cela idée allie la notion de désir et la notion desatisfaction.
Car si l’homme continue de désirer ce qu’il possède déjà, il ne peut être que satisfait de son existence..
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