« L'homme a un penchant à s'associer, car dans un tel état, il se sent plus qu'homme par le développement de ses dispositions naturelles. Mais il manifeste aussi une grande propension à se détacher (s'isoler), car il trouve en même temps en lui le caractère d'insociabilité qui le pousse à vouloir tout diriger dans son sens. » Kant, Idée d'une histoire universelle, 1784. Commentez cette citation.
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
La question mérite analyse : la thèse de l'insociabilité de l'homme peut -elle être admise telle quelle? On ne peut la considérer comme à l'origine du progrès de l'humanité que si on lui accorde le statut d'une donnée première, propre à la nature humaine. Pour Kant, l'insociabilité constitue ainsi l'une des facettes de la nature humaine, par ailleurs éminemment sociable. Ces deux tendances, contradictoires en première approche, trouvent à s'employer de deux façons différentes et peut-être complémentaires : l'une, comme fondement de la vie collective, l'autre, comme instrument de son dynamisme. Il faut noter cependant que la thèse d'une insociabilité naturelle- même dans le cadre d'une disposition ambivalente à l'égard de la vie sociale, ne va pas de soi. Dans l'hypothèse, discutée et discutable, d'un état de nature antérieur à l'état social, et d'une dispersion originelle des individus, l'insociabilité ne peut figurer en l'homme qu'à titre de simple virtualité, puisque dans les faits elle ne peut avoir de réelle signification
«
3.
Essai de réflexion personnelle : dans quelle mesure l'« insociabilité »
peut-elle être considérée comme une condition favorable au progrès de
l'humanité?
Réponses rédigées
1.
Kant soutient dans ce texte une sorte de paradoxe : celui de «l'insociable
sociabilité » des hommes.
L'affirmation de l'ambivalence de l'homme à
l'égard de la société permet à
la fois de penser l'origine de celle-ci (la « ten
dance à s'associer ») et d'en expliquer l'évolution (l'individualisme comme
moteur
du progrès).
La nature humaine est donc ambiguë; mais cette
ambiguïté même permet d'esquisser une sorte de téléologie
du devenir
historique (impliquant une finalisation
du développement humain).
Structure du texte
• Dans un premier moment, Kant propose une double affirmation qui
explicite le paradoxe évoqué :
-l'homme est porté à s'associer dans la mesure où il éprouve ainsi la pos
sibilité de développer ses facultés;
-l'homme a tendance au repli individualiste dans la mesure où il saisit sa
propre insociabilité et celle des autres.
• Dans un deuxième moment, Kant pose à l'origine des progrès de l'homme
(accomplissement de soi et développement de facultés virtuelles)
la nécessité
de vaincre la résistance que constitue la coexistence des individualismes .
• Enfin, dans un troisième moment, Kant souligne le caractère « positif» de
l'ambivalence de l'homme à l'égard de la vie sociale.
Sans elle,
le passage
des dispositions innées aux facultés développées n'aurait
pu se faire .
La vie
sociale ainsi interprétée reçoit donc
un caractère constitutif de l'homme et
de l'humanité.
2.
a ) « dont le fondement véritable est la valeur sociale de l'homme » : la
culture doit être pensée comme un ordre spécifique, distinct de la nature.
Il
y a donc nécessité, tout à la fois, d'expliquer le passage de la nature à la
culture, et d'inscrire dans la nature de l'homme la condition de possibilité
de
ce passage.
Parler de fondement de la culture, c'est se référer à une
détermination qui puisse
la constituer, c'est-à-dire lui donner son origine
et
sa raison d'ê tre, sa justification.
Que le passage soit pensé comme évo
lution chronologique
ou différenciation nécessaire propre à la condition
humaine,
cela ne change pas fondamentalement l'idée d'un rapport
constitutif entre une disposition virtuelle de l'homme (l'homme vaut pour
la société, c'est-à-dire qu' il porte en lui les conditions de sa réalisation) et
la culture comme ordre spécifique (transformation réglée de la nature,
génératrice, par elle-même, de données nouvelles).
Ainsi s'établit une
relation dialectique entre l'homme et la culture :
la disposition initiale de.
»
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