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« Les belles oeuvres sont filles de leur forme qui naît avant elles.» (VALÉRY, Tel quel.). Commentez cette citation.

Publié le 17/01/2022

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« avec le respect des règles formelles, il ne s'ensuit pas que ce dernier la produise.

Or si le principe producteur de labeauté n'est pas le respect des règles formelles, il est alors possible que ce principe aille à l'encontre de ses règles.

II La beauté d'une œuvre n'est pas liée au respect des règles formelles _ S'il y a une conjonction fréquente entre la beauté d'une œuvre et le respect des règles formelles, il ne faut pas laconfondre avec une connexion nécessaire.

Dans une conjonction fréquente, on se réduit à constater qu'on faitsouvent l'expérience d'un lien entre ces deux instances.

Par opposition, la connexion nécessaire entre ces instancesaffirmerait qu'il ne peut y avoir de beauté sans règles formelles et de règles formelles sans production de beauté; Orce n'est pas parce que nous trouvons souvent belles les œuvres qui obéissent à des contraintes formelles que cescontraintes sont le principe producteur de leur beauté : par exemple il est plus facile d'apprécier les sonates deBach qui fonctionnent sur un modèle établi et connu d'avance que le ballet de Stravinsky le Sacre et le Printemps,rempli de dissonances et de transgressions aux règles du genre ballet.

De même il y a des œuvres qui obéissentparfaitement aux règles formelles et qui ne suscitent nullement en nous le sentiment de beauté, mais seulement del'ennui.

Par exemple, la production des peintres du style pompier sous la IIIème République visible au musée d'Orsayest d'une telle uniformité qu'elle semble se réduire toute entière au respect des règles formelles.

Ainsi le respect desrègles formelles qui n'engendre aucun sentiment de beauté peut être appelé académisme._ Si le principe producteur de la beauté ne réside pas dans le respect des règles formelles, il est alors possible qu'ilaille à l'encontre de ces règles.

D'où provient le beau s'il ne résulte pas du respect des règles formelles ? Nous avonsdit qu'une œuvre était le résultat d'une action dont le processus est gouverné par une règle.

Or s'il n'y a pasd'œuvre sans une règle qui commande la production, il n'y aura a fortiori pas d'œuvre belle sans règle.

La beautéd'une œuvre résulte donc d'une règle même si cette règle n'est pas une règle formelle .

En effet une œuvre qui seréduirait au respect des règles formelles sombre dans l'académisme.

Or si la règle formelle n'engendre pas la beauté,c'est qu'elle est imposée de l'extérieur et peut s'appliquer à de nombreuses œuvres.

Par opposition, le sentiment dela beauté nous étreint lorsque la règle est intérieure à l'œuvre elle-même et ne peut s'appliquer qu'à elle-même.C'est ce que nous pouvons soutenir avec Kant dans le paragraphe 46 de la Critique de la faculté de juger : « legénie est la disposition innée de l'esprit par l'intermédiaire de laquelle la nature donne à l'art ses règles »._ Le principe producteur de la Beauté d'une œuvre est le génie et le génie d'un artiste va à l'encontre des règlesformelles établies par ses prédécesseurs.

Si les règles formelles prétendent constituer un canon, une œuvre génialeest elle-même sans commune mesure avec ce qui a été fait jusqu'ici.

De ce fait, elle devient elle-même exemplaireet se prête à l'imitation d'autres artistes.

Par exemple le tableau de Picasso les demoiselles d'Avignon est encontradiction complète avec les règles formelles de la perspective classique : elle substitue à une représentation del'espace et de la profondeur la juxtaposition géométrique des contours et la déformation volontaire des figures.

Onpourrait alors dire avec Alain au chapitre VII du Système des beaux arts : « la règle reste prise dans l'oeuvre ».

Etc'est l'impossibilité d'extraire la règle qui a présidé à la composition de l'œuvre qui nous la fait trouver belle.

En cesens la beauté d'une œuvre résulte de l'originalité d'une intuition qui n'obéit à aucune règle préexistante à sonexécution.

Les œuvres du surréalisme procèdent également d'intuitions qui sont à elles-mêmes leurs propres règles; Toutefois nous ne pouvons pas affirmer jusqu'au bout que la beauté d'une œuvre n'aurait aucun lien avec le respectdes règles formelles.

En effet si la beauté est le sentiment du beau, il faut que l'artiste se préoccupe de la réceptionde son œuvre, réception qui implique du côté du public la connaissance des règles formelles, et du côté de l'artisteleur respect.

III La beauté d'une œuvre émerge sur fond d'un respect des règles formelles _ La beauté est le sentiment du beau qui est éprouvé par un public.

Or si un artiste désire faire des œuvres quisoient considérées comme belles, il doit fonder sa production sur le respect relatif de ses règles formelles.

En effetl'œuvre a beau procéder d'une intuition géniale, si elle ne procède pas de règles connues par le public, ce derniersera incapable de la juger, et son expérience esthétique s'arrêtera avant même d'avoir commencée; tout au plusera-t-il tenté de trouver laid ou indifférent ce qu'il ne peut comprendre.

La beauté d'une œuvre émerge d'unhorizon d'attente commun à l'artiste et à son public; C'est ce que l'on peut soutenir avec Husserl au paragraphe 44des Idées pour une phénoménologie : l'intentionnalité consiste en la visée d'un objet.

Or si la visée n'est pasorientée par une possibilité de sens, elle demeure aveugle et ne rencontre que de l'informe et du chaos : l‘homme dusens commun se demande « ce qu‘il y a voir« .

C'est seulement lorsque que la visée est déjà orientée par un sensqu'elle peut rencontrer un objet qui la confirme et lui apporte un surcroît de sens.

Dans notre problème, le remplissement de la visée engendrerait le sentiment de beauté.

En d'autres termes, la beauté est conditionnée par l'attentedu public et ne réside pas uniquement dans une intuition géniale qui ne pourrait être comprise que par l'artiste lui-même.

Pour accéder à la beauté d'un roman, il faut connaître les règles formelles du roman qui nous permettentd'orienter cette visée et que l'œuvre elle-même ne soit pas en contradiction radicale avec cet horizon d'attenteauquel cas, l'œuvre parait incompréhensible.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la réception d'une œuvre originalecoïncide rarement avec sa production : l'œuvre de Van Gogh quasiment inconnue de son vivant fut même pour unepartie (heureusement) réutilisée en sacs à patates !_ Si la beauté d'une œuvre est liée au respect des règles formelles, cela ne signifie pas que l'artiste ne devrait faireque ce que le public attend de lui; et s'aligner en quelque sorte sur son horizon d'attente.

Il s'agit plutôt decomprendre la beauté d'une œuvre comme émergeant de ce respect sans pour autant coïncider avec lui.

Ainsi lerespect des règles formelles qui constitue l'horizon d'attente du public permet à l'artiste un jeu basé sur la surprisedu spectateur et sur l'écart de la règle.

C'est ce que l'on peut soutenir avec Bataille au début de son ouvragel'Erotisme : transgresser une règle, ce n'est pas la détruire, mais s'inscrire en elle en marquant un écart.

Si la beautéémane de l'écart, elle n'est pas rupture radicale avec le respect des règles formelles.

En en effet s'écarter est un. »

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