Le dur désir de durer. Paul Eluard
Publié le 14/09/2015
Extrait du document

« Je te donne ces vers afin que si mon nom Aborde heureusement aux époques lointaines,
Et fait rêver un soir les cervelles humaines,
Vaisseau favorisé par le grand aquilon,
Ta mémoire, pareille aux fables incertaines,
Fatigue le lecteur ainsi qu’un tympanon,
Et par un fraternel et mystique chaînon Reste comme pendue à mes rimes hautaines. »
« Avec des mots chantés à voix profonde et douce Avant qu’un peu de terre n’emplisse notre bouche Confier à la vie notre lucide amour,
C’est là notre travail sans trêve et notre fête Notre raison de vivre et de mourir poète Notre unique et divin recours. »

«
«Cependant j'ai quelques charmes
Qui sont assez éclatants
Pour n'avoir pas trop d'alarmes
De ces ravages du temps.
Vous en avez qu'on adore; Mais ceux que vous méprisez
Pourraient bien durer encore
Quand ceux-là seront usés.
Ils pourront sauver la gloire
Des yeux qui
me semblent doux,
Et dans mille ans faire croire
Ce qui
me plaira de vous.
Chez cette race nouvelle,
Où j'aurai quelque crédit,
Vous ne passerez pour belle
Qu'autant que je l'aurai dit.
Pensez-y, belle marquise ;
Quoiqu'un grison fasse effroi,
Il vaut bien
qu'on le courtise
Quand il est fait comme moi.
Ce désir de gloire se retrouve chez les écrivains du XIXe
siècle avec la même opposition entre les hommes
d'action qui triomphent dans
le présent puis sombrent
dans l'oubli et ceux qui laissent une
trace.« Qui était Pre
mier ministre d'Angleterre au temps de Malherbe? »
demande Stendhal dans une lettre à Balzac.
Baudelaire,
comme Ronsard et Corneille, évoque la possibilité
d'associer la personne qu'il aime
à la survie de son nom
(Fleurs du Mal, «Spleen et Idéal», XXXIX) :
«Je te donne ces vers afin que si mon nom
Aborde heureusement aux époques lointaines,
Et fait rêver un soir les cervelles humaines,
Vaisseau favorisé par
le grand aquilon,
Ta mémoire, pareille aux fables incertaines,
Fatigue
le lecteur ainsi qu'un tympanon,
Et par un fraternel et mystique chaînon
Reste comme pendue à mes rimes hautaines.
».
»
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