« Il n'y a en art ni passé, ni futur. L'art qui n'est pas dans le présent ne sera jamais. » Pablo Picasso, Conversation avec Marius de Zayas. Commentez cette citation.
Publié le 17/10/2009
Extrait du document
Une oeuvre d'art doit être le creuset des préoccupations politiques, sociales et esthétiques de son époque. C'est à cette condition qu'elle laissera une trace importante dans l'Histoire de l'Art et de l'Humanité.
L’art se saisit dans le champ esthétique et plus particulièrement à travers la question du beau et du plaisir esthétique qui n’est rien d’autre que la contemplation. Si Hannah Arendt dans Condition de l’homme moderne définit l’œuvre d’art notamment par sa durée, on peut voir que la question du temps est essentielle à toute définition de l’art et de son objet. Or nous avons pour habitude de voir « de l’art « au musée relevant alors du passé comme une trace. Pourtant, lorsque l’artiste produit sa toile, il est dans le présent et subit toutes les influences de sont temps faisant que tout artiste s’il n’est pas engagé en tant que tel est au moins engagé dans son temps. On peut dire que même les théoriciens de l’art pour l’art font un art qui revendique une certaine temporalité. Et c’est bien ce que l’on peut voir avec le tableau de Guernica de Picasso relatant la destruction par les Nazis. Dès lors, on pourrait comparer l’artiste à un photographe. Mais le drame du présent est justement son caractère éphémère. En effet, le présent ne cesse de disparaître et d’être anticipé par le futur. L’art n’aurait donc pas de durée, ou il faudrait dire que l’art ne cesse de mourir à chaque instant dans la mesure où nous ne serions plus en mesure de saisir toute l’intention de l’artiste ainsi que son histoire.
Si l’artiste est bien un homme du présent (1ère partie), il n’en reste pas moins que cette définition restrictive de Picasso nous montre surtout que l’art est surtout toujours déjà mort (2nd partie), à moins que l’on élargisse notre conception du présent à l’aune de la relation à l’œuvre d’art (3ème partie).
«
a) En effet, pour Hegel dans l' Esthétique , l'art a pour but de « révéler la vérité, de représenter d'une façon concrète et figurée ce qui s'agite dans l'âme humaine.
Les œuvres d'art sont les témoins de cette conquête de laliberté essentielle dont le sens ultime ne peut être déchiffré qu'à son terme par la pensée philosophique.
Si noussavons que les peuples ont déposé leurs conceptions les plus hautes dans les productions de l'art, les ont expriméeset en ont pris conscience par le moyen de l'art, c'est qu'aujourd'hui la vérité de l'art peut être comprise directementpar la pensée philosophique ».
En d'autres termes c'est dire qu'il existe bien une histoire de l'art mais que nous nesommes plus en mesure de mesurer tout le présent et la nécessité de la figuration de ces œuvres.
Elles ontmanifestés un moment de la vie de l'Esprit vers l'Absolu mais ce moment est passé.
L'art est alors une trace.
Ensuivant ce point de vue, et à la lumière de la citation de Picasso , on peut dire alors que l'art n'est plus ou du moins qu'il ne cesse de mourir à chaque instant, tant le présent est éphémère.b) Ainsi dès l'abord de l' Esthétique , Hegel insiste bien sur le fait que « La plus haute destination de l'art est celle qui lui est commune avec la religion et la philosophie.
Comme celles-ci, il est un mode d'expression du divin, desbesoins et exigences les plus élevés de l'esprit.
» Les peuples ont déposé dans l'art leurs idées les plus hautes cequi constitue souvent un moyen pour comprendre leur religion.
L'art sert à rendre l'esprit conscient de ses intérêts, ilest loin d'être le mode d'expression le plus élevé de la vérité car il est incapable de satisfaire notre ultime besoind'Absolu.
On ne vénère plus aujourd'hui les œuvres d'art, notre attitude envers elles est plus froide et réfléchie.« Sous tous ces rapports, l'art reste pour nous, quant à sa suprême destination, une chose du passé.
De ce fait, il aperdu pour nous tout ce qu'il y avait d'authentiquement vrai et vivant, sa réalité et sa nécessité de jadis, et setrouve désormais relégué dans notre représentation.
Ce qu'une œuvre d'art suscite aujourd'hui en nous, c'est, enmême temps qu'une jouissance directe, une jugement portant aussi bien sur le contenu que sur les moyensd'expression et sur le degré d'adéquation de l'expression de son contenu ».
Ainsi la cathédrale était l'imagearchitecturale de l'ascension spirituelle, aujourd'hui en perdant de son actualité, elle a perdu de sa superbe et sasignification.
On peut donc conclure à une mort programmée de l'art hormis les « happenings ».c) On doit donc s'attendre à une mort de l'art en tant qu'il appartient au passé selon Hegel dans l' Esthétique : « De nos jours, on ne vénère plus une œuvre d'art, et notre attitude à l'égard des créations de l'art est beaucoup plusfroide et réfléchie.
L'art ne donne plus cette satisfaction des besoins spirituels, que des peuples et des tempsrévolus cherchaient et ne trouvaient qu'en lui [...].Dans ces circonstances l'art, ou du moins sa destinationsuprême, est pour nous quelque chose du passé.
De ce fait il a perdu pour nous sa vérité et sa vie [...].
Ce quesuscite en nous une œuvre artistique de nos jours, mis à part un plaisir immédiat, c'est un jugement, étant donnéque nous soumettons à un examen critique son fond, sa forme et leur convenance réciproque ».
Transition : Ainsi face à cette définition restrictive de l'art comme présent, on peut dire que ce dernier ne cesse de mourir.Pourtant est-ce un défaut de l'art ou n'est-ce pas dû à notre conception trop restreinte du présent ? III – D'hier et d'aujourd'hui a) Cependant la notion de présent semble assez vague ou plus exactement, il n'est certain que le présent soitsimple ce moment éphémère qui n'est rien du tout, coincé entre le passé et l'avenir.
En effet, la mémoire et laprojection par l'imagination peuvent nous faire admirer dans l'art un présent du passé et un présent du futur et c'estbien là une conception plus complexe est plus riche du temps qui nous permet alors de pleinement saisir la portée decette citation de Picasso .
Et c'est bien ce que l'on peut voir avec Augustin dans les Confessions.
Y a-t-il vraiment trois temps.
Où faut-il localiser le temps, s'il n'est qu'un éternel devenir ? Ces dimensions du temps se ramènent enréalité à la conscience présente, ou, pour mieux dire, à une autre forme de présent dans la conscience : « Il y atrois temps : le présent, le passé, le futur.
Il serait plus correcte de dire : Il y a trois temps : le présent du présent,le présent du passé, le présent de l'avenir.
[…] il y a trois temps, et ces trois temps sont ».b) Il faut donc bien voir que ce qui se joue et bien moins la question de l'attente ou de la crainte que la définitiond'un nouveau rapport à l'esthétique et c'est en ce sens que devient intéressant alors une approche telle que celleque propose Régis Debray dans Vie et mort des images , c'est-à-dire proprement le champ de la médiologie.
Cette discipline a pour but de nous faire comprendre, de saisir et d'étudier les rapports et leurs changements que nousopérions vis-à-vis de notre compréhension des images, la manière dont elles s'insèrent dans notre monde, oserait-ondire dans notre image du monde, donc avec toutes les déterminations historiques, sociologique, techniques,économiques etc.
Ainsi, si nous ne mettons plus genou à terre lorsque nous voyons une cathédrale ce n'est pasparce que l'art est mort dans sa signification mais bien qu'à cette première signification vient s'en ajouter une autreplus moderne qui rend compte du mode de nos sociétés.
Dès lors ce n'est pas la question du « présent » de l'œuvred'art qui est finalement en jeu, mais bien celui de la contemplation esthétique c'est-à-dire du rapport entre laconscience du spectateur et le tableau.c) Le présent en tant que catégorie de la conscience se joue alors dans le rapport, dans l'espace entre lespectateur et la surface du tableau.
Ce jeu d'aller-retour actualise le tableau et c'est en ce sens qu'une expérienceesthétique est unique.
On peut alors reprendre le mot d' Alain est dire qu'il s'agit d'un véritable dialogue intérieur : « Le miracle de la peinture, c'est que ce feu de société, ce reflet d'opinions et de jugements, chose par excellencemobile et décevante, fait un objet durable et désormais immobile.
Cette âme, par exemple la Joconde, ou la Viergedu Mariage, cette âme est à saisir ; elle ne se dérobe point ; mais aussi elle ne se divise point ; elle ne s'expliquepas, mais elle s'offre.
Ce qui au monde est le moins objet est devenu objet ; on le possède en une apparenceimmuable et suffisante ; c'est à nous, par une sympathie qui ne troublera pas cette image, par une sympathie quipeut hésiter, se tromper, revenir, c'est à nous de comprendre ce langage sans paroles.
Cette confidence est sansfin, et éveille en nous un développement parallèle, sans paroles aussi ; non pas une suite d'instants, mais une suite.
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