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« Il est [...] au fond des âmes un principe inné de justice et de vertu, sur lequel, malgré nos propres maximes, nous jugeons nos actions et celles d'autrui comme bonnes ou mauvaises, et c'est à ce principe que je donne le nom de conscience. » Rousseau, Émile ou De l'éducation, 1762. Commentez cette citation.

Publié le 17/01/2022

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« En effet, elle est même capable de nous « détourner » du mouvement instinctuel qui nous ferait prendre ce qui est àportée de main (« c'est elle [la pitié] qui détournera tout sauvage robuste d'enlever à un faible enfant… »), instinctpar lequel le fort est tenté d'opprimer le faible.A chaque fois, la pitié est un sentiment qui naît du spectacle d'autrui –à l'opposé de l'amour de soi à qui l'existenced'autrui importe peu.

Tout d'abord par une sorte de sympathie (empathie) devant la souffrance d'autrui (« ceux quenous voyons souffrir »), ressentie vraisemblablement comme une souffrance que nous ressentons dans notre proprecorps.

Le « secours » que nous portons à autrui est un secours que nous porterions spontanément à nous-mêmes.

Iln'est certainement pas ici (ce qui se passera au contraire plus tard avec Bentham) lié à un calcul (plus ou moinsrationnel).En effet, Rousseau indique que ce mouvement de la pitié est « sans réflexion ».

Il n'est possible qu'au prix d'unesympathie universelle où chaque individu est en même temps tous les autres.Si la pitié est un sentiment premier (qui joue pleinement son rôle dès l'état de nature), c'est aussi un sentimentproprement humain, qui s'oppose à l'instinct (naturel lui aussi, mais strictement animal).

Là encore, la pitié inondel'homme (tout « sauvage robuste » qu'il soit) au moment du spectacle du malheur.

Le sauvage se connaît commefort, il voit l'enfant comme « faible ».

La pitié abolit les distances.

Elle nous fait aller d'un coup vers l'autre, elle nousfait l'égal de l'autre, et nous sommes prêts à lui donner la puissance que nous avons en trop, mais qui lui manque. 3) Cette description concrète des effets de la pitié se croise avec une réflexion sur ses fonctions.

Elle préfigure,dans l'état de nature, ce qui se passera dans l'état social (ou état civil).

Elle est la forme première (et primitive) «des lois, des mœurs et de la vertu », mais ces lois, ces mœurs et cette vertu qui auront cours dans l'état socialperdront de leur efficacité par rapport à la pitié.

Car, avec l'entrée en scène de la raison dans l'état social, leraisonnement joue son rôle néfaste.

Il est alors possible de désobéir à ce que dicte la raison.

La pitié est tropimmédiate, elle est trop entière, elle est trop puissance, elle est trop exclusive (le raisonnement n'y trouve aucuneplace) pour qu'à aucun moment sa voix, qui est impérative, soit discutée.La pitié joue un autre rôle, particulièrement pratique et « terre-à-terre » (loin du « sublime » de la raison).

Elle est lesentiment sur lequel, dans le début d'une réflexion (puisqu'à partir d'elle se forge une formulation qui dégage unprincipe), peut se construire « utilement » (mais sans la perfection, qui relève de la raison) une maxime.On sait qu'une maxime est le principe (subjectif) que le sujet se donne lui-même pour règle dans sa manière d'agir.La maxime se formule généralement de manière impérative, sur le mode du « Fais ceci de telle ou telle manière, detelle sorte que… ».

Rousseau épouse cette approche, que l'on trouvera plus tard sous la plume de Kant.

Ici,Rousseau, dans son expression, (« Fais ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible ») tient compte à lafois de l'amour de soi-même (« Fais ton bien »), formulation qui renvoie à un inévitable égoïsme, et l'amour d'autrui(« le moindre mal… »).

Le mouvement de la pitié va vers autrui (deuxième partie de la maxime) mais il vient de nous,et ne peut alors s'opposer à nos propres intérêts : « Fais ton bien » (première partie de la maxime).Dès lors, la pitié est tension entre le mien et le tien, sorte de synthèse dialectique (bien que le terme, à larésonance hégélienne, soit anachronique) qui satisfait l'intérêt non égoïste du nous. 4) Avec le sentiment de la pitié, nous sommes bien dans l'état naturel.

Loin donc des arguments qui relèvent del'usage de la raison, tel qu'il peut se produire dans l'état social (« plutôt que dans des arguments subtils ») et quipar leurs subtilités relèvent de la finasserie, la pitié est un sentiment d'une force inégalée provoquant chez touthomme une « répugnance » (qui n'a pas à s'expliquer) à l'égard des mauvaises actions.5) Ainsi, en suivant le texte de près, nous voyons que pour Rousseau, grâce à la pitié, la morale n'est pas seconde,liée à la société, ou le résultat de l'éducation.

Il y a chez l'homme une « répugnance » native « à mal faire ».

Sipuissante, que la morale a sa source en l'homme même, dans l'existence d'un sentiment (la pitié) qui le sépare àjamais de l'animalité.Rousseau n'épouse donc pas la thèse d'une a-moralité de l'homme naturel, non plus qu'il admet la thèse corollaireque la morale soit le fruit de la civilisation.

(ou de l' « éducation »).Plus encore, pour Rousseau, c'est la morale toute simple, donnée dans l'immédiateté du sentiment qui assure par lui-même, sans qu'on ait à recourir à la fiction d'un prince venant à prendre le pouvoir, « la conservation » de l'espècehumaine.

La morale est immédiatement donnée à l'homme primitif.Rousseau montre l'aspect contradictoire de l'homme, à la fois replié vers soi (égoïsme) et projeté vers autrui (pitié),thème qui sera repris par Kant dans l'expression de « l'insociable sociabilité » humaine.

ROUSSEAU (Jean-Jacques). Né à Genève en 1712, mort à Ermenonville en 1778. Il n'est pas dans notre propos de résumer la vie de Rousseau, sou séjour aux Charmettes chez Mme de Warens, àMontmorency chez Mme d'Épinay, ses travaux de musique, sa persécution par les catholiques comme par lesprotestants, son voyage en Angleterre après sa fuite de Suisse ou l'hospitalité du marquis de Girardin à Ermenonville.Non plus que la mise à l'Assistance Publique des cinq enfants qu'il eut de Thérèse Levasseur, ou sa brouille avec. »

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