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Exception : telle est la règle en art et en littérature. Philippe Sollers

Publié le 22/02/2012

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En 1986, réalisant un vieux projet, Philippe Sollers publie Théorie des exceptions. Commentant son titre dans l'« Avant-propos », il écrit : «Exception: telle est la règle en art et en littérature, d'où, périodiquement, les scandales moraux, les embarras légaux, les remous sociaux. Quant à la signification du mot théorie, on sait qu'il s'agit aussi d'une ambassade, d'une procession, d'une fête. Un défilé, ou plutôt une danse d'exceptions ? Oui, comme une frise irréconciliable de héros à travers la durée profane. » Théorie des exceptions se présente comme un défilé de portraits au cours duquel se trouvent évoqués tour à tour Bach et Weber, Raphaël et Rothko, Montaigne et Joyce.
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« "humaines", et ni le marxisme ni la psychanalyse ne peuvent les ramener à une trame anthropologique — historique,physique, biologique ou pulsionnelle — commune.

Ni les "masses", ni l'"inconscient" ne peuvent les contenir.

» La position de Sollers peut prêter à de nombreux contresens.

Certains critiques ne manqueraient pas de l'interpréterà la fois comme un reniement et comme une régression.Reniement ? On peut être surpris en effet de voir Sollers critiquer et le marxisme et la psychanalyse dans la mesureoù Tel Quel fut — et tout particulièrement à la fin des années 1960 — le lieu d'une tentative intellectuelle des pluscomplexes pour articuler — dans le domaine de la théorie — une psychanalyse d'inspiration lacanienne et unmarxisme fortement marqué par l'influence d'Althusser.

Cependant — et contrairement à ce qu'ont toujours avancéles détracteurs de l'avant-garde —, Tel Quel ne s'est jamais proposé de soumettre la littérature au marxisme et à lapsychanalyse.

Bien au contraire, il s'agissait d'explorer par l'écriture les limites du savoir qu'incarnaient ces deuxdiscours.

En ce sens, il y aurait dans ce domaine continuité plutôt que rupture.

Le terme d'« exception » s'estprogressivement substitué à celui de « limite » dans le vocabulaire de Sollers mais la position est constante quiconsiste à affirmer que l'art et la littérature sont cette expérience hors normes qui déborde tous les cadres ettoutes les frontières.On ne peut pas davantage parler de régression.

Il ne s'agit pas du tout pour Sollers de faire retour vers uneconception idéaliste de la littérature qui consisterait à situer celle-ci dans l'ineffable.

Il ne s'agit pas non plus derevenir à une conception « obscurantiste » semblable à celle que Barthes avait dû combattre au milieu des années1960.

Sollers ne nie pas l'importance du savoir mais affirme seulement que la littérature peut être le lieu, non pasd'un refus, mais d'un dépassement de celui-ci.

Revenant une fois de plus sur la double question du marxisme et de lapsychanalyse, il s'en explique là encore dans Vision à New York: «La vision de Marx, cette histoire soudain apparue toute simple dans sa causalité, comme infiniment complexe dansses détours ; la vision de Freud, cette limite sévère dérobée du sexe, il n'y a qu'à les prendre avec soi et aller plusloin, au lieu de s'épuiser à les imposer ou les réfuter.

Cela fait même longtemps qu'il est plus qu'urgent, ici, de plierbagage.

Nous cherchons l'irréfutable ? Soit ! Il est là sous notre regard, la moindre oeuvre d'art le fait éclater sansfin.

» La littérature ne nie donc pas le savoir et les règles communes que celui-ci énonce.

Mais se constituant enexception, elle les emporte plus loin, en vue d'une vérité et d'une jouissance autrement radicales que cellesqu'assure la philosophie ou la science.. »

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