Edamus, bibamus, gaudeamus !
Publié le 08/05/2022
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Edamus, bibamus, gaudeamus !
Mangeons, buvons et profitons de la vie !
Cette expression proverbiale.
encore utilisée de nos jours, invite à profiter des plaisirs de l'existence et reprend donc le célèbre topos du
Carpe diem (cf.
n.
1637): notre fo1111ule était traditionnellement complétée par Post mortem nul/a voluptas, >, et elle dérive sans doute d'une épigraphe inscrite sur la tombe de
Sardanapale, le mythique roi assyrien, célèbre pour son goût du luxe et
du plaisir: selon Strabon ( 14.
5, 9) et Arrien (Anabase.
2, 5, 4), cette
inscription disait exactement : aù 6É.
w EÉ VE.
ia8LE Kal nive Kal
naî(E, ws- T>.
Une autre tradition plus courante (cf.
Anthologie Palatine, 1,
325 ; Anthologie de Planude, 27 : Athénée, 8, 336a ; scholie à
Aristophane.
les oiseaux, 1021 ; Souda u 121 ; mais aussi Cicéron,
Tusculanae disputationes, S, 35.
101) cite une longue épigramme où on
lit aux vers 4 sq.: Toaa' ëxw oaa' ici>ay6v TE Kal €KTI'LOV Kal µET'
ipwTOS / TÉpTTv' È6a11v· Tà 6È lTOÀÀà Kal OÀ~La KEÎVa ÀÉÀEL TTTGL, (( Je
n•ai plus ce que j'ai mangé, ce que j'ai bu et les plaisirs que j'ai connus
dans cette existence; toutes mes célèbres richesses ont disparu>>.
Cette
affir111cltion orgueilleuse et hédoniste était célèbre dans 1'Antiquité,
comme le démontrent ses nombreuses citations et sa contestation par
quelques philosophes, notamment Aristote (Dialogues,.
fr.
90 Rose) et
le stoïcien Chrysippe, qui écrivit à son tour une épigramme comme une
fùt 111e de réponse à cette inscription (cf.
3, 200 Arnim).
La foi 11111le
Edamus, bibamus, gaudeamus passa à la postérité principalement en
raison d'un passage du livre d'/saïe (22.
13), que la Vulgate traduisait
par Manducemus et bibamus : cras enim moriemur, passage que reprit
saint Paul dans la première Epitre aux Corinthiens ( 15, 32) : si la résurrection n'existait pas, iI serait logique,.
constatait saint Paul.
d'adopter
une telle philosophie de l'existence, parfaitement adaptée aux limites
étroites de la vie humaine.
Signalons aussi un autre passage biblique
dans le livre de la Sagesse (2.
6 sq.) qui incite à jouir, tant qu'on est
jeune, des plaisirs de la vie, du vin et des parfums (il s'agissait probablement non pas des essences dont on parfumait les vins, mais des
onguents dont s'oignaient les Hébreux durant les banquets: cf.
à ce
sujet et pour plus de détails, le commentaire de Giuseppe Scarpat,
Bresci~ 1989, 1.
180 sq.
).
On retrouve souvent des admonestations simi-
laires dans les inscriptions funéraires, telle la célèbre f01111ule Dum vixi,
,·i.ri quomodo condecet ingenuom, I quod comedi et ebibi tantum meum
t.
!;·/, > (C/L 9, 2114 = 187 Bücheler) ou l'épitaphe de l'aristocrate hébreu Jason (deuxième siècle après J.-C.), qui
invite les passants à >
(cf.
L.
Y.
Rahmani, > 17, 1967, 61-100 ;
P.
Benoit, > 17, 1967, 112 sq.).
Leon
Battista Alberti concluait sa Jlidua.
l'une des lntercenales sur l'exhortation Bibamus rideamus atque amemus ; dans les Caractères, La
Bruyère (De la J·ociété et de la conversation, 63) conseillait Dine bien,
Cléarque, soupe le soir, mets du bois au feu, achète un manteau, tapisse
ta chambre : tu n'aimes point ton héritier, tu ne le connais point, tu
n'en as point, sans oublier l'incipit d'un célèbre chant goliard:
Gaudeamus igitur I iuvenes dum sumus ! I Post iucundam iuventutem,
I post molestam senectutem I nos habebit humus,.
»
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