A. France, «une littérature est-elle l’œuvre du public aussi bien que des auteurs »
Publié le 04/09/2015
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D’ailleurs, il est faux de prétendre que les hommes sont tous passionnés pour les querelles qui opposent les partis. La grande masse se compose d’indifférents, d’indécis et des sages qui, tout en ayant des sympathies personnelles, se défendent de proclamer comme l’évidence une opinion mal assurée. L’écrivain non engagé trouvera là, s’il a du talent, une bonne clientèle.
Ces écrivains et ces lecteurs sans parti ne constituent pas, ainsi que la propagande le dit quelquefois, un poids mort dans le pays; il faut voir en eux un précieux élément de stabilité et de paix. Qu’arriverait-il si tous les hommes de lettres acceptaient le principe de la littérature engagée et si tous les Français, à leur exemple, se donnaient corps et âme à un mouvement d’action politique ou syndicaliste, religieuse ou antireligieuse? La nation serait divisée en deux ou plusieurs fractions antagonistes, dont le principal souci 'serait, non le bien général, mais la perte de l’adversaire. Ce serait le règne de la haine et du mensonge. Il ne resterait plus aucun souci de la justice, de la vérité et à plus forte raison de la littérature. En s’engageant, le littérateur renonce à la littérature.
Sans doute, on ne saurait proscrire l’engagement de l’écrivain; mais son engagement doit être un acte humain, c’est-à-dire réfléchi et raisonné; un acte moral, c’est-à-dire orienté vers le bien. L’illusion étant facile et l’homme voyant facilement le bien là où il trouve son intérêt, c’est plutôt le dégagement qu’il faudrait lui prêcher, non pas sans doute comme le stade définitif, mais comme la condition indispensable d’un engagement rationnel.
«
DE LA LITTÉRATURE A LA PIDLOSOPHIE ·US
au service de l'entrepr1se de son patron; le mariage, lui aUlSISi, C•On1ltitue· un engagement à l'égard du conjoint.
Mais, à côté de cette sorte d'engagement, qu'on peut appeler l'enga
gement actif, il y a un engagement passif : on se trouve engagé sans l'avoir voulu.
~ous ne ,sommes pour rien dans notre naissance, qui nous
a fait venir au monde au xx• siècle, dans une famille de paysan ou d81111S une famille d'avocats.
DII fait de notre na1ssance, nous avons des intérêts, une éducation, une conception de.
la vie qui nous distingue et nous situe
vis-à-vis des autres : nous sommes engagés sans nous être jamais engagés.
L'engagement ne peut d•onc pas être défini comme l'acte par lequel on contracte =e obligation; on peut se trouver engagé •s•ans aucun acte
personnel.
Sans dollte, le fait d'être nés dans une classe sociale déterminée ne nous contraint pas d'adopter toutes les idées de cette cla.s&e.
Nous pouvons,
réfléchissant sur 1 'éducation reçue et •s-oumettant à la critique les opinions de notre milieu, parvenir à des conceptions personnelles à la défense des
quelles nous nous engageons alors par un acte pel'sonnel.
Nous pa1l.
»
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