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T’as d’beaux yeux, tu sais. Jean Gabin

Publié le 19/03/2020

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La voix de Marcel Carné nous commande :

— En place! Voilà, mes enfants, vous êtes cadrés comme ça, au 75. Michèle, faites bien attention; vos cheveux sont en bordure du cadre.

Avec des précisions de ce genre, je ne suis pas près de perdre la tête! Il m’explique le baiser, mes états d’âme... S’il savait comme au fond de moi j’ai le trac, et si Jean osait, comme ça, devant tout le monde !

— Lumière ! Moteur ! Clap ! On tourne !

— T’as d’beaux yeux, tu sais...

— Embrassez-moi...

Il a osé et j’ai oublié d’être gênée!... Mes souvenirs s’arrêtent là. Carné a dû dire: ‘Bon’, puisque nous n’avons pas recommencé ! »

(Michèle Morgan, Avec ces yeux-là, chapitre 6)

« —Comme nous cherchons une fille qui ait une présence et un regard, nous avons pensé à vous...
La présence j’en connais l’importance, René Simon nous en a rebattu, les oreilles. Le regard, je sais. Souvent, je me suis regardée dans la glace en me demandant ce que mes yeux pouvaient bien avoir. J’en ai vu, me semble-t-il, de plus beaux, de plus verts, de plus grands. Pourquoi ne loue-t-on pas mon nez? Non, ce sont mes yeux... Mon regard... il deviendra mon ‘image de marque’, cela se nomme ainsi. Cependant, l’image de marque, sans quelques autres solides capacités, ne suffirait pas; aussi à ‘ces yeux-là’ on demandera beaucoup d’autres choses et c’est sans doute elles qui leur permirent de tourner si longtemps et encore. Mais ceci est un autre chapitre.
(Michèle Morgan, Avec ces yeux-là, chapitre 6)

«Je ne peux pas lui dire que je viens de vivre un rêve. Il se méprendrait. Il se méprend déjà, penché vers moi, il me dit :

— Avec ces yeux-là, vous devez voyager beaucoup, et en embarquer pas mal ! »

(Michèle Morgan, Avec ces yeux-là, chapitre 6)

« Réfugiée dans ma chambre, je pense à Nelly, je trouve à mon troisième personnage un petit air de famille avec la Nathalie de Gribouille, la ressemblance qu’entre elles ont les paumées! Orpheline, je suis recueillie par un oncle, Michel Simon, tyrannique, jaloux, se vengeant en tout de sa médiocrité et de sa laideur. En plus, ce Tartuffe libidineux me désire sournoisement. Comment lui échapper ? Convoitée également par une petite frappe sans envergure, Pierre Brasseur, je voudrais fuir. Au cours d’une fête foraine, je rencontre un homme, un vrai : Jean Gabin. L’amour pour moi, c’est aussi l’évasion...»

(Michèle Morgan, Avec ces yeux-là, chapitre 6)

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« 50 • YEUX (séduction et regard) / 373 finalement au Havre, dès le 2 janvier 1938 (en extérieurs) et se poursuivront en studio, à Joinville, en particulier les intérieurs, la rue commerçante et la fête foraine.

Carné, Gabin et Prévert souhaitaient engager Michèle Morgan, qui tournait dans Orage et n'était donc pas libre.

Le projet avait dû être retardé du fait que les services allemands du Dr Goebbels -qui contrôlaient la compa­ gnie U.F.A.

- avaient opposé leur veto au tournage.

Un nouveau producteur ayant été désigné, la U.F.A.

lui cède le contrat, et l'équipe se remet au travail.

Michel Simon, Pierre Brasseur, Robert Le Vigan sont engagés dans les principaux rôles, outre Jean Gabin et...

Michèle Morgan, devenue libre peu avant le tournage.

Le film Quai des brumes réclamait du principal rôle féminin certaines qualités: il faut une «fille différente des autres, ni fleur bleue, ni femme fatale, qui ait une présence, un regard», comme l'explique au téléphone Denise Tuai, spécialisée dans les sujets de films, à Michèle Morgan.

Celle-ci a beau avoir cette présence et ce regard, elle devra subir une double épreuve avant d'être engagée: elle rencontrera Gabin et Carné au Fouquet's, fréquenté par les gens du cinéma et, le lendemain, elle interprétera un essai dans le décor du studio : la baraque de la fête fo­ raine.

Essai réussi, qui fournit à Gabin le prétexte d'une galanterie : « Je ne peux pas lui dire que je viens de vivre un rêve.

Il se méprendrait.

Il se méprend déjà, penché vers moi, il me dit: - Avec ces yeux-là, vous devez voyager beaucoup, et en embarquer pas mal! » (Michèle Morgan, Avec ces yeux-là, chapitre 6) Plus tard, quand on tournera les intérieurs en studio, la fameuse scène du baiser se jouera contre une roulotte.

Jean Gabin mettra Michèle Morgan au défi de lui donner un vrai baiser pour lui prouver qu'elle sait embrasser.

Défi tenu et gagné, selon ce que nous en rapporte l'intéressée: « Que les hommes sont bêtes! pas tellement, puisque je m'y laisse tout de même prendre et rageuse je décide intérieurement: 'Il verra tout à l'heure!' tout en pen•. »

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