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Roy Anderson - «Monde de gloire»

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

L’ESPACE ÉCRANIQUE COMME FENÊTRE OUVERTE (SUR NOTRE MONDE)

 

         Roy Andersson est un réalisateur suédois, il est connu à l’origine comme réalisateur de publicités pour la télévision. Ces films de commandes vont être l’occasion pour lui de développer son style qu’il pourra finalement mettre en oeuvre dans sa production personnelle : ses courts métrages et ses quatre longs-métrages qu’il produit grâce à sa propre maison de production. Andersson est reconnus pour ses films emprunts d’une froideur nordique ; souvent plusieurs registres cohabite à l’intérieur de ses métrages : le lugubre, le tragique et le comique ou l’humour qui frôle presque quelque fois l’humour noir. La plupart de ses films (de Nous, les vivants, Chansons du deuxième étage à Monde de gloire)  sont des enchaînements de saynètes tournées en studio en plans séquences fixe, comparable à des tableaux vivants. Le cinéma de Roy Andersson n’aime pas les fioritures, on y retrouve ni travelling, ni gros plans, ni champ, contre-champ, ni hors champ, voix off, ou flash 

« environnement ne lui prête attention.

On pourrait se dire que c’est pour cela qu’il est tourné droit face au spectateur.

Le cadre de l’écran, dans chacun des plans, serait comme une fenêtre par laquelle le narrateur pourrait se confier au spectateur.

Le monde mis en scène, le spectateur peut le voir mais inversement aussi, l’espace de l’écran semble perméable, les personnages du film peuvent aussi nous observer.

Certains se retournent, par exemple, dans la scène du restaurant, l’homme attablé au premier plan jette un regard caméra, presque comme si le spectateur était attablé juste là, en face de l’écran en hors cadre.

Cela pose la question de la place du spectateur à l’intérieur du dispositif, en mettant à mal la position d’extériorité qu’on assign e généralement au spectateur.

Un monde qui ne tourne pas rond lui est présenté par un intermédiaire, ce narrateur, qui par son regard et ses mots demande presque de l’aide.

La place du narrateur est ambigu ; on pourrait dire qu’il se trouve dans un «entre», entre le spectateur et le film qui défile derrière lui.

Quelque fois il se trouve réellement à l’intérieur de la scène, mais le plus souvent il est à l’avant plan.

À ce moment là, il a le même rôle que l’escargot dans L’Annonciation de Francesco del Cossa, cet escargot que questionne Daniel Arasse dans le deuxième chapitre de son livre On n’y voit rien.

Un rôle de charnière, de point d’entrée du regard du spectateur.

Comme le disait Daniel Arasse pour cet escargot qui avance sur le bord en bas du tableau de Cossa, le personnage principal d’Andersson est «le lieu où se joignent et s’échangent notre espa ce et celui du tableau», il «nous invite à entrer mentalement dans l’image».

Le spectateur assiste alors à un tiraillement entre intériorité et extériorité dans ce dispositif.

Il se trouve happé par la présence du personnage principal.

Le pacte de réalité cinématographique est rompu par les regards et les dialogues direction caméra qui tirent le spectateur vers l’intérieur du film, l’impliquent.

Quand à ce monde clos dans lequel les personnages évolues, par sa froideur, sa violence et son herméticité, il repousse le spectateur le met à distance.

De cette relation attirance/repulsion nait un malaise pour le spectateur qui ne peut s’empêcher de s’identifier au personnage pr incipal.

Ce malaise vient du fais que ce narrateur ressemble tellement au spectateur, parce que c’est le seul à avoir des réactions humaines, vivantes : il parle, il cr ie, il pleure...

D’autres choses soulignent cette dialectique, les décors et les actes montrés à l’écran nous semblent si familier, seulement leurs portées ont été amplifié : les couleurs sont pastels voire désaturées, les rues sont quasi désertes, les relations inter-humaines sont faites de futilités, les silences font échos aux non-dits présents dans notre société.

Mais revenons sur la question du témoig nage.

Qu’est ce qu’essaye de nous dire le personnage principal, ce cour tier qui fait l’état des lieux du monde dans lequel il vit.

Sa figure se détache de cet environnement sans émotion, déshumanisé dont il appartient et dont il est prisonnier.

Lui mê me enchaine futilités, énumère les choses perdus ou se questionne sur le sens de la vie avec son coiffeur.

Son témoignage annihilé, fait de phrases courtes, lève le voile sur son intimité mais témoignage surtout de l’incommunicabilité des êtres.

C’est un personnage en conflit avec son environnement qui cherche une porte de sortie, une fenêtre à travers laquelle se confier : ici l’écran, le spectateur qui se trouve derrière.

Le spectateur-confident derrière l’écran sera dans l’incapacité de s’emparer uniquement de son témoignage, ce qui n’aurait aucune valeur.

Ce qui donné à voir, c’est le lien et la confrontation entre ce personnage, son témoignage et l‘univers diégétique.

Ce narrateur est la personne relais qui nous expose ce monde miroir du notre, emprunt d’une vérité caricaturé.

Cette vérité qui transcende l’oeuvre c’est le pessimisme sur la condition et l’espèce humaine, renvoyant à la violence des rapports humain, avec, entre autre les résurgences du massacre de masse que rappelle la scène d’ouverture.

Arrivé à la fin du métrage, c’est le premier plan séquence du film qui reste en mémoire, un plan insoutenable montrant des humaines nus en tassés dans un camion dont le pot d'échappement est relié par un tuyau à l’intérieur du véhicule afin de les asphyxier.

Comme dans chaque plans, le narrateur jette un regard caméra, seulement, ce. »

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