Les films de guerre
Publié le 17/11/2018
Extrait du document
LA GRANDE ILLUSION
• Sorti en 1937, classé en 1958 parmi les douze meilleurs films du monde, la Grande Illusion du cinéaste français Jean Renoir est une œuvre pacifiste et humaniste.
• Dans un camp de prisonniers, à la frontière allemande, pendant la Première Guerre mondiale, se retrouvent ensemble des soldats de toutes origines sociales, partageant leur quotidien et leurs rêves, organisant leur vie de tous les jours et préparant leur évasion.
• Dans ce microcosme exemplaire, Renoir dresse le portrait de profils humains se révélant plus attachés à leur classe sociale et à ses valeurs qu’à la nationalité : le capitaine français de Boëldieu (Pierre Fresnay) et le chef du camp von Rauffenstein (Eric von Stroheim) seront plus proches que l'officier et le soldat d'une même armée...
• Renoir avait lui-même participé à la guerre de 1914-1918. Le film est apparu comme une véritable mise en garde à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER
Le film de guerre est devenu un genre à part entière à la suite de la Seconde Guerre mondiale, mais la guerre a été le cadre ou le thème de nombre de films depuis l'origine du cinéma.
La violence dramatique d'un conflit armé offre naturellement une trame idéale pour le récit cinématographique. Qui plus est, le cinéma, art du xxe siècle par excellence, est contemporain des nombreuses guerres qui ont bouleversé ce même siècle, jusqu'à nos jours, dont il s'est fait à la fois le témoin et l'historien. Engagé ou non, porteur d'un message en faveur d’une cause ou d’un belligérant, parfois propagandiste ou encore délivrant un discours pacifiste et dénonçant les horreurs des combats, le film de guerre ne constitue aussi parfois qu'un cadre privilégié pour offrir au spectateur de l'action et du grand spectacle afin de satisfaire son simple désir de distraction.
DES ORIGINES À LA GRANDE GUERRE
• Dès les origines du cinéma apparaissent les deux approches possibles du traitement de la guerre : la dimension psychologique, comme dans Attaque d'une mission en Chine (É.-U., 1900) de James Williamson, et la dimension épique qu'offre la reconstitution de batailles mises en scène avec une profusion d'effets et de figurants comme dans les péplums italiens des années 1910.
• Deux grands maîtres américains du muet, David W. Griffith, avec la Bataille (1911 ) et Naissance d'une nation (1915), et Thomas H. Ince, avec la Bataille de Gettysburg (1913), conjuguent ces deux approches dans leurs évocations de la guerre de Sécession. Drames individuels et grandes batailles s'y succèdent, plans rapprochés et plans larges y alternent petites histoires et Grande Histoire s’y entremêlent.
• En l'absence de grands conflits à l'époque, les guerres évoquées dans les premiers films de cinéma puis dans les premiers longs métrages des années 1910 sont généralement celles du passé.
Il s'agit de films d'histoire, comme il y a des films d'art, les événements plus récents étant laissés aux actualités cinématographiques.
LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE
• La Première Guerre mondiale bouleverse cette approche.
• Les films qui sortent alors en France sous l'œil attentif de la censure ont un caractère résolument propagandistes, qu'il s'agisse d'Alsace (1916) d’Henri Pouctal ou encore de Mères françaises (1917) de Louis Mercanton et René Hervil.
• En Allemagne, c'est l'état-major lui-même qui, devant la faiblesse de l'industrie cinématographique nationale, confie à des hommes d'affaires le soin de créer un cartel sur le modèle américain.
L'UFA voit ainsi le jour, devenant bientôt une vaste organisation qui peut s'offrir le luxe d'embaucher des réalisateurs étrangers et de construire, en pleine guerre, les plus grands studios d'Europe.
• Face à cette tendance, Charlie Chaplin se situe - déjà -à contre-courant. Chariot soldat (1918) tourne ainsi en dérision l'héroïsme bravache de cette production guerrière. Recrue maladroite. Chariot y capture à lui seul une vingtaine d'Allemands, puis, déguisé en officier allemand, il ramène lui-même le Kaiser sur le territoire allié !
«
•
Deux films se détachent par
leur plus grand souci de réalisme :
Baïonnette au canon (1951}
et J'oi vécu l'enfer en Corée
(ou Sergentlack, 1951) de Samuel Fuller.
C'est dans l'âpreté des combats que
se révèle la véritable nature des héros.
• Investie par Hollywood,
la Seconde Guerre mondiale
ne sert bientôt plus que de ressort
dramatique et de toile de fond à
des films qui seront les grands succès
de la décennie : Tant qu'il y aura
des hommes (1953} de Fred Zinneman,
les Bérets rouges (1953) de Terence
Young.
Sergent la Terreur (1953}
de Richard Brooks, Stalag 17 (1953)
de Billy Wilder, le Cri de la victoire
(1955} de Raoul Walsh ...
• En 1957, te Pont de lo rivière
Kwoï(G.-B., 1957} de David Lean,
marque un tournant dans l'histoire
du film de guerre.
Ce film à grand spectacle
relate l'histoire d'un
détachement de prisonniers anglais
contraints de construire un pont
sur la rivière Kwaï, en Birmanie,
pour le compte des Japonais.
Ce film aux six Oscars deviendra
l'un des plus gros succès du 7' art.
• Quelques rares films antimilitaristes
se distinguent de la production courante.
Il en
est ainsi
d'Attaque
(É.-U., 1956)
de Robert
Aldrich, dans
lequel un
commando
attaque
sur le Iron� en 1916, un officier français
s'oppose à son général qui oblige
ses hommes à attaquer une position
imprenable et fait fusiller trois soldats
pour l'exemple.
Le film qui s'inspirait de
faits réels touchait à l'image de l'armée.
Il a été censuré en France pendant dix-huit
ans.
les Hommes contre (lt., 1970)
de Francesco Rosi traite des même faits
qui se sont déroulés sur le front italien.
• Les années 1960 marquent
le déploiement des grands moyens
au service du seul spectacle.
• Aventure et action pour les Canons
de Navarone (G.-B., 1961) de John
Lee Thompson, qui retrace l'avancée
de commandos britanniques chargés
de détruire les canons allemands
qui empêchent la retraite anglaise
en mer Égée.
• Reconstitution pharaonique pour
le Jour le plus long (É.-U., 1962} de Darryl
Zanuck et de cinq autres réalisateurs,
avec une pléiade de stars, qui retrace
les préparatifs et le déroulement
du débarquement en Normandie.
• Suspense et spectacle avec
lo Gronde Évasion (É-U, 1963)
de John Sturgess qui relate l'évasion
des prisonniers d'un stalag.
• La plupart des films de guerre
de la période retracent ainsi les hauts
faits d'armes de la dernière guerre :
Première Victoire (É.-U., 1964)
d'Otto Preminger, sur l'offensive
de la marine américaine contre
les Japonais après l'attaque de Pearl
Harbor ; l'Express du colonel von Ryan
(É.-U., 1965) de Mark Robson ; le Jour
f-------------.0...----------.....1 d'après (É.-U., 1965} de Robert Parrish;
LE VIETNAM À L'ÉCRAN
• La guerre du Vietnam a
profondément marqué le cinéma
américain dans les années 1970
et 1980.
Agissant comme les
instruments d'une thérapie collective,
plusieurs films de guerre qui évoquent
le conflit comptent parmi les plus
marquants du genre :
• Voyage au bout de l'enfer (1978)
de Michael Cimino, avec Robert
De Niro, John Savage, Christopher
Walken, Meryl Streep (Oscar du
meilleur film).
Trois amis originaires
d'une petite ville industrielle de
Pennsylvanie partent ensemble
pour le Vietnam où ils découvriront
l'enfer ...
Sobre, lyrique, violen�
le film évite les pièges de la
dénonciation pour un constat amer
sur une génération perdue.
·Apocalypse Now (1979} de Francis
Ford Coppola, avec Marion Brando,
Robert Duvall, Martin Sheen.
le
capitaine Willard reçoit pour mission,
en pleine guerre du Vietnam, de
retrouver le colonel Kurtz qui s'est
taillé un empire dans les profondeurs
de la jungle, sur lequel il règne par
la terreur.
Inspiré par un roman
de Joseph Conrad, le film est une
longue quête hallucinée qui plonge
le héros dans un véritable «voyage
au bout de la nuit •.
• Platoon (1986} d'Oliver Stone,
avec Tom Berenger, Charlie Sheen,
Willem Dafoe (Oscar du meilleur
film).
En 1967, au Vietnam, le sergent
Barnes est devenu une machine à tuer
alors que le sergent Elias reste
modéré.
Un village vietnamien est mis
à sac et ses habitants exécutés ...
réalité.
• Full Metal Jacket (1987) de Stanley
Kubrick, avec Matthew Modine, Adam
Baldwin, Vincent d'Onofrio.
Dans un
camp d'Instruction de marines en
Caroline du Nord.
des jeunes recrues
suivent un entrainement intensif sous
l'autorité du sergent Hartman.
L'un
d'eux, souffre-douleur de la compagnie,
finit par se révolter : il tue le sergent
avant de se suicider.
Puis c'est le
départ pour le Vietnam ...
Le film est
un constat froid sur la machine de
guerre, entre 1 'ordre implacable de
l'apprentissage et la folie sur le terrain.
• Good Morning Vietnam (1987} de
Barry levinson, avec Robbin Williams.
Affecté à Saigon en 1968, un animateur
impertinent essaie de faire sortir
des sentiers battus la radio des
forces américaines.
Les coulisses
de l'engagement américain sont
dénoncées grâce à l'humour
dévastateur d'un dise-jockey.
• Outrages (1989} de Brian de Palma,
avec Micheal J.
Fox.
Le film évoque
le viol collectif puis l'assassinat d'une
jeune Vietnamienne par une patrouille
américaine.
Un des hommes se révolte
et dénonce ses camarades qui seront
condamnés pour crime de guerre.
la
Bataille des Ardennes (É.-U., 1965)
de Ken Anna kin ; les Douze Salopards
(É.-U., 1967) de Robert Aldrich,
doté d'une prestigieuse distribution ;
Quand les aigles attaquent (É.-U., 1969)
de Brian G.
Huston ...
• Plus contestataires et moins héroïques,
certains films se distinguent toutefois
par leur vision humaniste : Duel
dans le Pacifique (É.-U., 1968) de
John Boorman et Enfants de salauds
(G.-B., 1969} d'André De Toth.
• Hollywood monopolise la réalisation
des films de guerre durant la période.
Des Français en signent toutefois deux,
mémorables, sur la Résistance
durant la Seconde Guerre mondiale.
Paris brûle-t-il? (1966} de René
Clément évoque l'action d'un réseau
de Résistance en vue d'empêcher
la destruction de Paris.
l'Armée
des ombres (1969} de Jean-Pierre
Melville est une chronique sobre
d'un réseau de Résistance.
· Les années 1960 en France sont aussi
marquées par la Grande Vadrouille
(1966) de Gérard Oury.
Ce film qui se
déroule sur fond d'occupation allemande
est toutefois plus une comédie
qu'un véritable film de guerre.
• Un autre conflit nourrit bientôt
les films de guerre, celui d'Indochine
pour la France, qui sera suivi de
celui du Vietnam pour les États-Unis.
• Dans la 317' Section (Fr., 1964),
Pierre Schoendoerffer, lui-même
ancien soldat, évoque la difficile
progression à travers la jungle
d'une colonne de soldats et la réalité
vécue de l'« lndo ».
• Avant d'être le grand sujet des films
de guerre des années 1970 et 1980,
la guerre du Vietnam constitue
le sujet de films de propagande comme
les Bérets verts (1968)
de -et avec- John Wayne et Ray
Kellogg.
dans lequel un journaliste
hostile à la guerre, qui accompagne
un commando, finit par comprendre
le juste sens de leur engagement.
• Le début des années 1970 marque
à la fois l'apothéose du film de guerre
« classique » américain et l'apparition
d'un courant irrévérencieux tant
vis-à-vis de la forme que du fond
de ce genre.
• Patton (É.-U., 1970) de Franklyn
Schaffner dresse un portrait édifiant
du célèbre général américain et de
son action durant la Seconde Guerre
mondiale.
Cette superproduction récolte
plusieurs Oscars.
A l'opposé, M.A.S.H.
(É.-U., 1970} de Robert Altman,
deux médecins dans un hôpital militaire
de campagne en Corée -le film évoque
en fait directement le Vietnam.
• Johnny s'en vo-t-en guerre de Donald
Trumbo (É.-U., 1972}, dont le personnage
principal est un soldat de la Grande
Guerre atrocement mutilé, est un film
inclassable, un très sombre réquisitoire
contre la guerre.
• Deux œuvres majeures de la décennie
abordent le conflit vietnamien : Voyage
au bout de l'Enfer (É.-U., 1978} de
Michael Cimino et Apocalypse Now
(É.
-U., 1979) de Francis Ford Coppola.
• En France, la guerre d'Algérie,
autre guerre récente, reste soumise
à une forte censure.
Avoir vingt ons
dans les Aurès (1972} de René Vautier
et RAS (1973} d'Yves Boisset sont
les rares films à évoquer le conflit,
avec le film italien la Bataille d'Alger
(1966) de Gillo Pontecorvo.
LES ANNÉES 1980 ET 1990
• les films multiplient leurs approches
du phénomène : à la gloire de l'armée,
comme la légion saute sur Kolwezi
(Fr, 1980} de Raoul Coutard, sur la
libération des otages français au Zaïre
par la Légion étrangère ; provocatrice,
comme Furyo (Jap., 1983) de Nagisa
Oshima, sur la confrontation et
l'attirance de deux officiers anglais
et japonais dans un camp de prisonniers
; ou classique, comme
Au-delà de la gloire (1980) de Samuel
Fuller, chronique autobiographique
sur la Seconde Guerre mondiale.
• En marge des grands films sur
la guerre du Vietnam apparait le
phénomène « Rambo » qui décline
autour de l'acteur Sylvester Stallone
des films d'action au ton vengeur.
Dans Rambo (1982) et ses deux suites,
en 1985 et 1988, la guerre continue
pour l'ancien héros de la guerre
du Vietnam devenu marginal.
• Le même ton revanchard se retrouve
dans Portés disparus (É.-U., 1984}
de Joseph Zito et lance Hool, qui a
le Vietnam pour toile de fond, et dans
le Maitre de guerre (É.-U., 1986} de
Clint Eastwood, dans lequel un ancien
du Vietnam transforme de jeunes
recrues en valeureux guerriers et part
libérer les otages américains détenus
par les Cubains sur 111e de Grenade.
• le genre s'illustre ensuite à travers
le traitement de divers conflits :
la guerre du Cambodge avec
la Déchirure (G.-B., 1984} de Roland
Joffé, qui retrace la véritable histoire
d'un journaliste du New York Times
et de son amitié avec son assistant
cambodgien ; la guerre d'Indochine
avec Dien Bien Phu (Fr., 1991)
de Pierre Schoendoerffer ; la Guerre
de 1914-1918 avec Champ d'honneur
(Fr., 1987) de Jean-Pierre Denis
ou Capitaine Conan (Fr., 1996)
de Bertrand Tavernier ...
• le film de guerre qui marque la fin
de la décennie est incontestablement
If fout sauver le soldat Ryan (É.-U.,
1997) de Steven Spielberg, avec
sa reconstitution particulièrement
spectaculaire du débarquement
de juin 1944 en Normandie.
Spielberg
avait déjà abordé la Seconde Guerre
mondiale avec 1941 (1979}, l'Empire du
Soleil (1987) ou /o Liste de Schindler
(1993}, Oscar du meilleur film.
Il y revient avec cette fresque à la fois
réaliste et humaniste qui se veut un
hommage aux combattants, confirmant
au passage son savoir-faire de metteur
en scène -le film obtient l'Oscar
du meilleur réalisateur.
•la ligne rouge (É.-U., 1998}
de Terence Malick illustre l'épisode
de Guadalcanal, au cours de la bataille
du Pacifique en 1942 en suivant
les soldats dans leur tentative
de reconquête de 111e au milieu
d'une nature somptueuse.
• Abordant un nouveau conflit
Welcome ta Sarajevo (G.-B., 1997)
de Michael Winterbottom, film entre
documentaire et fiction sur le conflit
en ex-Yougoslavie, prouve la capacité
du cinéma à se faire le témoin
de chaque nouvelle guerre..
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