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Le néoréalisme italien au cinéma

Publié le 17/01/2022

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LE VOLEUR DE BICYCLETTE, FILM DE RÉFÉRENCE

Au chômage, Antonio Ricci achète une bicyclette pour obtenir un emploi de colleur d'affiches, mais elle lui est aussitôt volée. Après une épuisante recherche dans toute la ville, il retrouve son voleur, plus misérable que lui-même. Renonçant à récupérer son bien, il tente de voler à son tour une bicyclette, mais échoue... 

 

 

Comment serait-il possible de comprendre et d'interpréter l'homme si on l'isole des éléments dans lesquels chaque jour il vit avec lesquels chaque jour il communique? C'est justement du cinéma que devrait venir, puisque plus que tous les autres cet art parle au même moment à tous nos sens, la préoccupation d'une authenticité, même fantastique, des gestes, du climat, en un mot des facteurs qui doivent servir à exprimer la totalité du monde dans lequel les hommes vivent.

 

 

« I Au chomage.

Antonio Ricci achete une II est ouvert avec éclat par deux films de Rossellini, Rome, vale ouverte (1944- 1945) et Peke (1946), temoignages directs et orts, inspiration nettement documentaire, sur la tragedie qui vient a peine de s'achever. Cette veine est marquee egalement par le film documentaire collectif lours de gloire (1945), coordonne par Giuseppe De Santis, La vie recommence (1945), de Mario Matto li, Le soleil se levera encore (1946), d'Aldo Vergano, Un jour dans la vie (1946), de Blasetti, Sciuscia (1946), de Vittorio De Sica, Vivre en paix (1946) et Les Annees difficiles (1948), de Luigi Zampa, Christ interdit (1950), de Curzio Malaparte, Achtung ! Banditi (1951), de Carlo Lizzani. L'APRES-GUERRE avec les drames personnels et collectifs. Mais, en meme temps, les perspectives s'elargissent, I'espoir trouve id et la une issue, et il arrive que des cineastes mettent de ['humour dans leurs constats desenchantes. Les difficultes economiques et sociales de ['apres- guerre ainsi que les drames humains qui en resultent trouvent leur expression, en particulier, dans les films volontiers accusateurs de De Santis - sse tragique (1946), Riz Inner (1949), Pdques sanglantes (1950), Onze heures sonnaient (1952) de Lattuada - Le Bandit (1946), Sans pitie (1948) - ou de Pietro Germi - Le remain (1946), Jeunesse perdue (1948), Traque dans la vile (1951).

Non sans recours, ici et la, au melodrame.

Dans la meme veine, une critique sans concession des milieux du spectacle se fait jour dans Feux du music-hall, de Lattuada (corealise pour ses debuts par Federico Fellini, 1950), Bellissima, de Visconti (1951) et La Dame sans camellias, d'Antonioni (1953). Le manque de perspectives et la vacuite de la jeunesse, jusqu'aux tentations de la delinquance, inspirent des films comme Enfants dans la vile (1946) et Des hommes nouveaux sont nes (1949), de Comencini, Les Vaincus, d'Antonioni (1952) ou Les Vitelloni (1953), de Fellini. I:Euvre collective, a laquelle participent notamment, sur une idee de Zavattini, Antonioni, Fellini et Lattuada, L'Amour a la vile (1953) est une tentative de film-enquete restee sans lendemain, mais qui marque alors le point le plus avance de ['exploration de la vie sociale par le cinema. De Sica et son scenariste attitre Zavattini, apres Sciuscia, donnent a ce neorealisme de constat social son chef- d'ceuvre, avec Le Voleur de bicyclette LE VOLEUR DE BICYCLETTE, FILM DE REFERENCE bicyclette pour obtenir un emploi de colleur d'affiches, mais elle lui est aussit6t volee.

Apres une epuisante recherche dans toute la vale, it retrouve son voleur, plus miserable que lui- meme.

Renoncant a recuperer son bien, it tente de voter a son tour une bicyclette, mais echoue...

Sur ce theme minimal (tire par Zavattini d'un roman contemporain), Le Voleur de bicyclette apparait en 1948 comme un modele indepassable du neorealisme. De fait, il en reunit toutes les composantes : en prise directe sur une des realites les plus immediates de l'Itafie d'apres-guerre, realise hors des studios, avec des interpretes non professionnels et une grande sobriete de moyens, tl atteint sans artifice - mais non sans art -a ['emotion la plus pure.

Classe dix ans plus tard par la critique internationale au deuxieme rang des « dix meilleurs films de tous les temps » (apres Le Cuirasse Potemkine et a egalite avec La Ruee vers l'or), le chef -d'oeuvre de Vittorio De Sica reste aujourd'hui representatif, au plus haut niveau, du cinema de son pays et de son temps. (1948), que suivra trois ans plus tard Umberto D.

Dans l'intervalle, sans se renier, ils s'autorisent un detour du cote de la poesie et de la fable, avec Mirade Milan (1950). D'autres films s'interessent, par-dela les realites du moment, a certaines problematiques constantes de l'Italie : emigration clandestine, action de la mafia, abus de la bureaucratie, conflits agraires...

Ainsi Au nom de la loi (1948) et Le Chemin de Fesperance (1950), de Germi, Le Moulin du Pd (1948), Le Manteau (1952) et La Louve de Calabre (1953), de Lattuada ; Les Coupables (1952), de Zampa. D'une maniere analogue, Visconti met en cause, dans La terre tremble (1948), Oil il revient a l'univers de Verga, ['exploitation des pecheurs siciliens par les mareyeurs.

Mais son exigence esthetique fait surtout de ce film sans acteurs le sommet lyrique du neorealisme.

Dominant sans les ignorer les difficultes de la periode, Renato Castellani apporte de la fantaisie et de la tendresse a !image qu'il donne de l'univers des petites gens dans Sous le soled de Rome (1948), Printemps (1950) et Deux sons d'espelr (1952).

C'est egalement la demarche d'Eduardo De Filippo dans Naples millionnaire (1949), de Luciano Emmer dans Dimanche d'aodt (1950), de Steno et Monicelli dans Gendarmes 1P NIL et voleurs (1951), comme de Mauro Bolognini dans Les Amoureux (1955). DES VOTES NOUVELLES Asset v re, un besoin imper eux de renouvellement amen des cineastes, que leur personnalite Porte naturellement a une vision moins monolithique du reel, a elargir ['horizon du neorealisme dans diverses directions. Portent quant a lui son regard au-dela de la peninsule, Rossellini propose, avec Allemagne annee zero (1948), une reflexion plus interieure et plus universelle sur le coot humain de la guerre. Ailleurs, Rossellini depasse le simple constat pour y introduire une vision personnelle Oilinterviennent la foi chretienne et le sentiment de la grace divine.

Cette spiritualite eclaire Amore (1947-1948), Onze Fioretti de Francois d'Assise (1949), Stromboli (1950), Europe 51 (1952) et Le Voyage en Italie (1953) dune lumiere toute particuliere.

Antonioni, avec son premier long metrage, Chronique d'un amour (1950), deborde de son cote le cadre social du neorealisme originel, pour y introduire une rigueur psychologique qui emprunte a Fart du roman. [evolution politique et sociale de I Italie, 00 se produit un a miracle economique » que favorise ['entree du pays dans la Communaute europeenne, s'accompagne pour le cinema de profondes transformations, dans lesquelles les exigences commerciales pesent de tout leur poids.

A la tache commune de decrire fidelement les aspects d'un pays marque par la guerre se substitue chez les auteurs de films une demarche creatrice plus libre, d'o0 surgissent des univers personnels parfois tres opposes. Dans Sense (1954), Les Nuits blanches (1957) et Rocco et ses freres (1960), Visconti enrichit sa palette de valeurs a la fois litteraires (Sten a, Dostoievs et picturales, Oil s'affirme un esthetisme raffine. Createur de personnages et de formes egalement insolites, Fellini donne a voir dans La Strada (1954), 11 Bidone (1955), Les Nuits de Cabiria (1956) puis La Dolce Vita (1959) un monde foisonnant et baroque o0 s'affrontent le spirituel et le charnel. Dans un parcours plus sinueux que les precedents, Rossellini, apres le drame psychologique de La Peur (1954) et la plongee initiatique et pantheiste de India (1958), revient, avec cette fois le recul de l'Histoire, a la thematique de la guerre, dans Le General Della Rovere (1959) et Les Evades de la nuit (1960).

Lattuada poursuit de son cote une demarche eclectique, qui le fait passer de la chronique sentimentale de La Pensionnaire (1954) et de Guendalina (1957) a l'epopee de La Tempete (1958). Antonioni met en scene dans Femmes entre elks (1955), Le Cri (1957) et L'Awentura (1959-1960) la confusion des sentiments, le mystere des etres et leur difficulte a communiquer. Par ailleurs historien du cinema italien, Lizzani propose dans Chronique des pauvres amants (1954), Oil il revient sur l'epoque fasciste, un archetype tardif mais attachant du neorealisme ideal, d'inspiration marxiste.

De Sica et Zavattini perseverent occasionnellement dans la ligne originelle, notamment avec Le Toit (1956), mais ils s'autorisent des variations dans les registres de la comedie napolitaine (L'Or de Naples, 1954) ou du drame naturaliste (La Ciociara, 1960), qui eclairent autres aspects de la realite italienne. Apres ['entracte shakespearien de Romeo et Juliette, c'est vers le melodrame a fond de critique sociale que Castellani, dans Rien que nous deux (1957) et L'Enfer dons la vile (1958), cherche quanta lui une issue.

C'est cependant dans la voie de la comedie satirique, marquee a la fois d'une fine observation des mceurs, de traits corrosifs et de truculence, que le neorealisme trouve d'heureuses occasions de se renouveler, tout en restant coherent avec ses aspirations initiales.

Luigi Comencini avec la serie Pain, amour...

(1953-1954) puis La Grande Pogo& (1960), Mario Monicelli avec Un hero de notre temps (1955), Le Pigeon (1958) et La Grande Guerre (1959), Dino Risi avec Pauvres mais beaux et Bolognini avec leunes Maris (1957) et Le Bel Antonio (1959) signent dans ce registre des reussites populaires et prometteuses. Les contraintes economiques de l'industrie cinematographique et la denaturation relative apportee par le developpement des coproductions internationales vont amener par la suite le neorealisme a se diluer dans la production italienne courante, largement influencee par le cinema americain.

II en subsiste pourtant une philosophie, une morale et une esthetique qui continueront a inspirer de nombreux cineastes, en Italie et ailleurs.

Sa demarche demeure un ferment de renouveau.

La plupart des grands cineastes qui ont marque le mouvement de leur empreinte, tels Rossellini, Visconti, De Sica, Lattuada, Antonioni, Fellini ou Comencini, ne se detourneront jamais totalement de cette experience fondamentale - tout en poursuivant librement leur oeuvre dans les voles qui leur sont propres. A leur suite, gades cineastes tels que Rosi, Zurlini, Bellochio, Bertolucci, Ferreri, Olmi, Petri, Pasolini, Damiani, Scola, Taviam, Moretti au Benigni, avec des personnalites parfaitement originales, n'en reconnaitront pas moins leur filiation par rapport au neorealisme, dont leurs films portent souvent la marque, dans leur propos comme dans leur forme.

A l'etranger, d'une decennie a l'autre, il West pas de « jeune cinema D en rupture avec le cinema dominant qui n'ait situe clairement dans la ligne du neorealisme sa volonte de renovation : Free Cinema britannique, Nouvelle Vague francaise et Cinema-verite, Cinema NOvo bresilien, Ecole de New York, jeunes cinemas allemand ou quebecois, parmi d'autres, ont a un degre ou un autre subi son influence ou revendique son exemple. LE NEOREALISME PAR LUI-MEME «Comment serait-il possible de comprendre et d'interpreter l'homme si on I'isole des elements dans lesquels cheque jour it vit, avec lesquels chaque jour il communique? C'est justement du cinema que devrait venir, puisque plus que tous les autres cet art parle au meme moment a tous nos sens, la preoccupation d'une authenticite, meme fantastique, des gestes, du climat, en un mot des facteurs qui doivent servir a exprimer la totalite du monde dans lequel les hommes vivent.

D Giuseppe De Santis Ce qui m'a surtout conduit au cinema, c'est le devoir de raconter des histoires d'hommes vivants: des hommes qui vivent parmi les choses et non pas les choses pour elles-memes.

Le cinema qui m'interesse est anthropomorphique.

D Luchino Visconti a Nous decouvrimes, au milieu des ruines, que le cinema nous avait donne bien trop peu d'images propres a nous ouvrir les yeux sur notre prochain et raider a affronter, ou mieux a empecher, d'aussi monstrueux evenements.

En bref, le cinema avait faith a sa mission en choisissant la vole de Melies et non celle de Lumiere, semee des epines de la realite.

Mais aujourd'hui on commence a ecrire I'histoire du cinema - jusqu'ici seulement technique et esthetique - comme moyen de connaissance de I'homme et de la societe contemporaine.

Le cinema a donc renoue avec sa mission.» Cesare Zavattini « Mon neorealisme personnel nest pas autre chose qu'une position morale qui tient en trois mots: ['amour du prochain. Roberto Rossellini « [experience de la guerre fut determinante pour nous tous.

Chacun ressentit le desir fou de jeter en ['air toutes les vieilles histoires du cinema italien, de planter la camera au milieu de la vie reelle, au milieu de tout ce qui frappait nos yeux atterres.

Nous cherchions a nous liberer du poids de nos fautes, nous voulions nous regarder en face, et nous dire la verite, decouvrir ce que nous etions reellement, et chercher he salut.

D Vittorio De Sica. »

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