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Le cinéma intimiste (Exposé – Art & Littérature – Collège/Lycée)

Publié le 15/05/2016

Extrait du document

Recherche documentaire, Pistes de travail & Axes de recherches pour exposé scolaire (TPE – EPI)

PASSIONS ORIENTALES

 

Les réalisateurs d'Extrême-Orient ont abordé le thème de l’intimité à leur manière. Avec Les Amants crucifiés (1954), le Japonais Kenji Mizoguchi (1898-1956) ouvre la voie à ce qui deviendra la marque de fabrique de l’intimisme nippon : des relations difficiles et douloureuses, une part de masochisme quelquefois, du drame.

 

Cette manière trouve son chef-d'œuvre avec L’Empire des sens (1975) de Nagisa Oshima : histoire d'une relation passionnelle qui trouve son

 

couronnement dans la mort.

 

C’est la mort, à nouveau, qui est au centre de La Balade de Narayama (1983, Shohei Imamura), dont le récit est articulé autour du voyage d’une grand-mère jusqu'à sa dernière demeure. Du même réalisateur, L'Anguille (1996) est construit sur le mutisme d'un homme refusant d'abord toute relation avec le monde,

 

Exacerbant les thématiques de l'intimité en les poussant jusqu’aux limites de la psychologie, ces films

manifestation la plus usuelle. Face au gros plan, on se tait, on est en empathie avec le personnage et non en dehors de la scène. L'expression de l'émotion est ainsi beaucoup plus prenante que celle perçue sur le visage des acteurs de théâtre.

 

La prise de son

La prise de son va dans le même sens, en permettant à la «voix humaine» de se faire murmure, chuchotement. L'obscurité de la salle, l'immobilité des spectateurs et leurs regards convergents permettent une expression dense de l’émotion, captée au plus près.

 

La fragmentation

La représentation de la nudité apaisée ou bouleversée par la fièvre des sens permet également de jouer avec les lumières et avec la fragmentation de la scène - éclats dispersés en plans d'une seconde, fragments des corps rarement montrés dans leur intégralité (Les Amants de Louis Malle, 1958). Le spectateur ne se voit pas offrir la possibilité d'un recul, d’une prise de distance ; il est au contraire capturé par une scène que ni son regard ni son esprit ne peuvent totalement maîtriser.

 

Les décors

La capacité de la caméra à ne retenir, sur les 20 m; d'un écran, que les draps froissés d'un lit ou au contraire à isoler des personnages dans l'immensité d'un panorama grandiose autorise le surgissement de l'intime, là où le théâtre ne peut pas jouer sur les différences d'échelle.

 

Le goût de nombreux cinéastes pour les intérieurs (c'est d'ailleurs le titre d'un film de Woody Allen) leur a permis de renouveler complètement la technique du décor. Il faut signaler ici l'apport du cinéma expressionniste allemand (Le Cabinet du Dr Caligari, 1920, de Robert Wiene), dont les décors torturés font écho au dérangement psychique des personnages en le traduisant littéralement, dans le monde extérieur.

« PASSIONS ORIENTALES Les réalisateurs d'Extrême-Orient ont abordé le thème de l'intimité à leur manière.

Avec Les Amants crucifiés {1954), le Japonais Ken ji Mizoguchi {1898-1956) ouvre la voie à ce qui deviendra la marque de fabrique de l'intimisme nippon : des relations difficiles et douloureuses, une part de masochisme quelquefois, du drame.

• Cette manière trouve son chef­ L.:EMPIRE d'œuvre avec L'Empire des sens{1975) de Nagisa Oshima: histoire d'une relation passionnelle qui trouve son couronnement dans la mort • C'est la mort, à nouveau, qui est au centre de La Balade de Narayama {1983, Shohei lmamura), dont le récit est articulé autour du voyage d'une grand-mère jusqu'à sa dernière demeure.

Du même réalisateur , L'Anguille (1996) est construit sur le mutisme d'un homme refusant d'abord toute relation avec le monde .

• Exacerbant les thématiques de l'intimité en les poussant jusqu 'aux limites de la psychologie, ces films japonais trouvent leur force dans leur capacité à jouer sur le silence, central dans A Scene at the Seo (sorti en 1991 au Japon) et surtout Dolls {2002) de Takeshi Kitano.

Du même réalisateur, on peut citer le policier introverti de Violent Cap {1989), qui porte à son paroxysme cette vision de llntimité: recluse, traversée de bouffées de violence, trouvant une communion occasionnelle avec la nature.

• Si les Japonais ont été des pionniers, le cinéma asiatique a découvert depuis les années 1970 une forme particulière d'intimisme, partagée entre la vision silencieuse d'une harmonie solitaire (Printemps, été, automne , hiver ...

et printemps, 2004, du Coréen Kim Ki­ duk) et l'amertume brûlante d'une passion (/ldieu ma concubine , 1993 , du Chinois Chen Kaige).

Avec Happy Together {1997) de Wang Kar-wai, c'est le sujet tabou de l'homosexualité qui est abordé, tandis qu'ln the Mood for Love {2000, du même Wang Kar-wai) laisse filer une histoire d 'amour inaccomplie et pourtant d'une rare intensité.

Le silence, la musique , le jeu des regards sont au centre de ces histoires nouant pudeur et impudeur, timidité des regards et ivresse des corps -ou l'inverse.

mais pour le modèle qu'elle impose: le traitement du personnage, notamm~nt ouvre de nouveaux horizon s aux réalisateurs qui suivront , en plaçant très haut l'inten sit é silencieuse et le secret des visages.

À L'ITALIENNE • Le néoréalisme des années 1940 et 1950 s'était aventuré dans les interstices de la vie sociale, dans la vie solitaire des humble s et des obscurs (Umberto D., 1951, de Vittorio de Sica), mais c'est au tournant des années 1960 que l'intimisme trouve vraiment sa voie en Italie .

Il passe davantage par une mise à distance des conventions que par la IM•Jo\IYIMA ROMA représentation san s fard de la vie humaine.

La veine sociale n 'est pas absente de M amma Roma {1963 ) de Pier Paolo Pasolini, mais elle s'évanouit dans les films de Michelangelo Antonioni (L 'Awentura , 1960 ; La Nuit 1961) et n'apparaît que comme un étrange contrepoint chez Federico Fellini (La Dolce Vito, 1960 ; Huit et demi, 1963 ), avec des histoires f--------------....,.---------------1 déstructurées de rencontres qui n'en (Le Mécano de la cc General" , 1926 ).

Là, un certain minimalisme dans l'expressio n , l'évidente nécessité du silence permettent au cinéma muet de s'ava ncer loin dans une direction que le parlant devra réapprendre à explorer.

• Fondamentalement, le cinéma des années «muet » reste un spectacle auquel participe une foule de specta teurs; une forme de censure existe, qui va trouver dans le code Hays , dans les États-Uni s des années 1930 , mais aussi en France , en Italie et en Union soviétique, une formalisation peu ou prou acceptée par tous jusqu'aux années 1950: on s'embrasse, mais les scènes d'amour en restent à la séduction ; quand on meurt, c'est dans le registre héroïque .

Du coMIQUE À L'INTIMISME • La comédie à l'instar du mélodrame apparaissent assez vite comme un écueil dange reux, et, avant les années 1970 , rares sont les réalisateurs qui explorent vraiment le registre de l'intimisme à travers ces genres.

• Les films des réalisateurs français d'avant -guerre (à l'exception d'Une partie de campagne , 1936 , de Jean Renoir) aussi bien que les comédies anglaises (Robert Hamer ) et américaines (Frank Capra, Ernst Lubitsch , Preston Sturges) des années 1950 et italiennes des années 1960 (Dina Risi) vont tous dans le même sens: l'intimité n'est abordée que par le filtre des conventions qui tendent à dépersonnaliser les personnages et à socialiser leurs relations -ce n'est pas un "homme et une femme », mais un mari et son épouse, un couple de fiancés ...

• Le cinéma hollywoodien , malgré les conventions e t les codes qui l'encombrent, est l'un des lieux où va s'approfondir la représentation de l'intimité, en détournant la comédie vers le drame .

Les histoires conjugales du début des années 1950 en donnent un avant-goût, mais c'est dc;ns l'affrontement entre un père et son fils alcoolique dans La Chatte sur un toit brûlant {1958 , Richard Brooks ), dans la solitude adolescente des films avec James Dean (À l'Est d'Eden , d'Elia Kazan; La Fureur de vivre, de Nicholas Ray, tous deux de 1955) que se met en œuvre une avancée majeure en direction de l'intimité : solitude , détre sse, rencontre - et silence, loin du papotage constant de la comédie.

LE MAITRE : BERGMAN • En Europe, le maître incontesté du genre est le Suédois lngmar Bergman (né en 1918) , qui fait ses débuts en 1945 avec Crise , avant de donner une série de chefs-d'œuvre explorant l'angoisse , le doute , la solitude, et bien souvent la hantise de souvenirs d'enfance (Fanny et Alexandre , 1983).

Le déchirement intérieur, l'humiliation et le regret sont au cœur d'une œuvre hantée par la maladie (Cris et Chuc hotem ents, 1973 ) .

La mise en scène rigoureuse joue sur les plans longs et l'immobilité .

Les personnages sont saisis dans leur difficulté à dire, à vivre ou à être (Le Silence , 1962; Persona , 1966 ; Sonate d 'automne , 1978 ).

• Bergman est l'auteur d'une œuvre majeure , non seulement en elle-même, sont pas, où, sous les apparence s d'une vie sociale festive, des êtres errent dans la solitude .

Cette vocation intimiste est indissocia ble dans le cinéma italien des années 1960 d'une représentation de cette «foi re aux vanités» qu'est la vie mondaine , symbolisée par la via Veneto dans La Dolce Vito.

• Les frères Vittorio et Paolo Taviani ainsi que Nanni Moretti , dans les décennies suivantes, s'avancent sur une voie différente : les premier s, avec les figure s solitaire s du berger de Padre Padrone {1977 ) et du prêtre du Soleil même la nuit {1990 ), le secon d avec le genre du journal intime, qui donne son nom à l'un de ses meilleurs films (Journal intime , 1994 ).t:espace de l'intimité n'a plus besoin alors du contrep oint de la foule, mais la solitude demeure, qui marque de son empreinte une partie du cinéma italien.

LA N OUVELLE VAGUE De leur côté, les jeunes cinéastes français de la Nouvelle Vague explorent les différentes facettes d'une intimité qui est d'abord pour eux une façon de casser les conventions.

• Hiroshima mon amour {1959) , d'Alain Resnais, est une étape importante, par les silences et les non-dits sur lesquels il joue pour marquer la rencontre impossible de deux êtres.

·Mais l'intimité n'est pas que drame : Jean-Luc Godard la dévoile dans sa légèreté, avec le personnage d 'Anna Karina dans Une femme est une femme {1961) ou sa dureté (Le Mépris, 1963) .

~::i ·~~i~ll:~:l~l~ll:rLIII!!'I~~ Il explore aussi -: -les marge s de la personnalité dans Pierrot le Fou {1965), où un homme sort littéralement de sa propre vie pour vivre ce qui lui apparaît non comme une fiction, mais comme l'expression de sa véritable personnalité .

• Jacque s Rivette , avec La Religieuse {1966 ), explore une autre intimité, celle de la claustration et de la révolte; Françoi s Truffaut donne pour sa part une Histoire d'Adèle H-{197 5) qui explore les rivages de la passion et de la folie .

La solitude de 1 'héroïne , abandonnée par un amant indifférent, est au cœur d'un film où littéralement rien ne se passe , et où l'action tout entière est placée sous le sig n e d 'une impasse existentielle .

Cléo de 5 à 7 {1962 ), d'Agnès Varda, développe dans la même lignée la détresse et l'atte nte d'une jeune femme confrontée au cancer.

• Les films de Marguerite Duras (1914 - 1996 ), dans les années 1960 à 1980 , explorent eux aussi les voies sans issue de l'existe nce humaine et la difficulté, voire llmpossibilité de communiquer (lndia Song , 1975) , oubliant toute idée de récit au profit de scènes envoûtantes, où la musique et le silence ont la part belle , tandis que les personnages se croisent lancent quelques paroles énigmatiques, dansent.

..

et disparaissent.

LA DÉTRESSE DU HÉROS • Le thriller , avec ses décors nocturnes et ses rencontre s improbables, marquées par l'angoisse et l'intensité , est un genre au sein duquel peut s'introduire un aspect intimiste.

On pense ici aux films d'Alfred Hitchcock et à la solitude angoissante qui prélude à l'assass inat de Vera Miles dans Psychose {1960 ).

Que cette scène paroxystique se déroule dans le cadre étroit de la douche l'inscrit doublement dans l'espace de l'intime , et l'ensemble de l'univers exploré par le film est bien celui créé par un esprit malade, le meurtrier psychotique .

• Mais le thriller explore aussi l'espace de la rencontre , comme dans Les Amants de la nuit (1949) de Nicholas Ray, qui devint l'un des films cultes des cinéastes de la Nouvelle Vague : deux êtres perdus se rencontrent et se donnent l'un à l'autre , dans un huis-clos sans issue qui s'achemine sans pitié vers sa fin tragique.

La maladresse des deux héros, loin de toute grandeur, rejoint d'ailleurs celle des personnages incarnés par James Dean et invite à comprendre ce surgissement de l'intimisme comme naissant de la défaillance du héros.

• De la même façon , la renaissance du cinéma hollywoodien dans les années 1970 (Vo yage au b out de l'enfer, 1979, Michael Cimino ) et les plus beaux films de Clint Eastwood , à partir de la fin des années 1980, exploreront l 'usure , la détresse , les ratés d 'un héros sur le retour , un revenant de l'épopée qui doit négocier avec ses sentiments et ses difficultés (Impitoyable , 1992).

LE COUPLE À RÉINVENTER • t:intimisme se déploie au cœur des interrogations de la société, au défaut de ses institutions.

t:héroïsme ébranlé, l'Église et les partis en proie au doute (La messe est finie , 1986 , et Palombe/la rossa , 1989 , de Nanni Moretti) , le couple pourrait être un espace de certitude , mais il est au contraire, depuis la fin des années 1960 , le lieu de toutes les interrogations.

• Les films de Claude Lelouch (Un homme et une femme , 1966) et Claude Sautel (César et Rosalie, 1972 ) en France , ceux de Woody Allen et de Bob Rafelson (Cinq Pièces faciles , 1970 ) en Amérique racontent les difficultés nouvelles, les négoci ations impossibles , les doul eurs et les bonheurs inédits des couples confrontés aux exigences des individus modernes.

En Allemagne , Rainer W.

Fassbinder (Le Mariage de Maria Braun , 1979 ) tente de donner un contenu politique à cette interrogation sur la famille, mais d'autres cinéastes tel John Cassavetes (Une femme sous influence, 1974 ) se contentent d'en donner la chronique, autour de personnage s en rupture , tentant de se conformer à ce que la société attend d'eux.

Les adolescents , les amants , les femmes en rupture et des hommes en proie au désarroi sont les anti-héros des films intimistes des décennies 197D-1980.

LE SEXE n L'EFFROI • Faisan t irruption sur l'écran au début des années 1970 , la sexualité se donne à voir d'une façon nouvelle, qui fait d'abord scandale avant d'être intégrée sans difficulté dans les habitudes cinématographiques : il faudra tout le génie d e Stanley Kubrick pour redonner à Eyes Wide Shut {1999), pourtant peu dénudé , la force d'une exploration des fantasmes et des rêves secrets.

• La fin du XX' siècle glisse en effet vers une vision inquiétant e de l'intimité, vécue comme le lieu d'une détresse peinant à communiquer avec l'exté rieur et pouv ant glisser jusqu 'à la folie.

Shock Corrido r, Vol au-des sus d 'un nid de coucou , Cinq Pièces faciles , Taxi Driver {1976) de Martin Scorsese, Shining {1980) de Stanley Kubrick explorent ainsi les méandres de la psycho se, entrevue comme une forme de solitude extrême, dont les films d'horre ur donnent à voir les deux versions : celle de la victime, souvent, mais aussi celle du tueur, par exemple dans Henry , Portrait of a Seria/ Kil/er {1986) de John MacNaughton.

• Dans la Movida espagnole des années 1980 , et notamment les films de Pedro Almodovar , on trouve les mêmes personnages de psychotique s, mais aussi une forme d'allégresse qui redonn e à la représentation de l'intimité la légèreté qu'il y avait dans les premiers films de Godard .

• Le cinéma grand public a intégré alors la plupart des conquêtes de l'intimisme, ainsi que ses codes -sensualité, voix off et angoisse -et surtout ses thèmes .

C'est à partir des années 1980 qu'il devient difficile de parler d'un cinéma intimiste , car très rares sont les films qui ne jouent pas sur cette dimension .

• On voit pourtant apparaître , dans la décennie suivante et au début des années 2000, quelques réalisateurs tels les frères Dardenne (Rosetta, 1999) et Aki Kaurismaki (L'Homme sans passé , 2002), qui reviennen t avec une intensité nouvelle et en poussant jusqu 'à sa limite l'expérience centrale du silence, sur une intimité humaine toujours à redécouvrir .. »

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