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Le cinéma indien

Publié le 26/11/2018

Extrait du document

Dès les années 1910, un système de « majors » se met en place, avec la fondation à Bombay de la Kohinoor Film Company : le cinéma apparaît déjà comme une industrie, capable de multiplier les investissements et de fabriquer des stars en série. L’importance de la population, quelle que soit par ailleurs sa pauvreté, fait de l'Inde un « marché national » de la taille d'un continent. Certes, la multiplicité de ses langues pourrait représenter un obstacle, mais, à l'époque du cinéma muet, la question ne se pose évidemment pas. L'arrivée du parlant va bouleverser bien des choses. Avec quelques années de retard sur l'Amérique, le premier film parlant est réalisé en 1931 : il s'agit d'Alam Ara, d’A. Irany. Tourné à Bombay en hindi et en ourdou, il est suivi de près par d'autres réalisations en bengali et autres langues. Plus qu'ailleurs, peut-être, le parlant sera en Inde une révolution.

 

En premier lieu, il accentue ce que l'on pourrait nommer la décentralisation de l'industrie du cinéma. L'Inde possède seize langues officielles, sans compter

DES ACTEURS CULTES

Les films hollywoodiens, à l'instar de ceux de Hollywood, sont avant tout identifiés par les acteurs qui y jouent : peu importe, souvent le réalisateur, un bon professionnel que n'importe quel collègue peut remplacer au pied levé. Les acteurs, eux, sont irremplaçables, élevés au statut de « mégastar ». Nargis, dans les années 1950, est ainsi adorée par des dizaines de millions d'hommes, tandis qu'un acteur comme Shah Rukh Khan fait aujourd'hui rêver des jeunes filles encore plus nombreuses. Sivaji Ganesan, quant à lui, a interprété dix-sept fois le rôle de Krishna ; on ne s'étonnera donc pas que les gens aient fini par le confondre avec la divinité. L’expression d'«acteur culte», en Inde, est à prendre au pied de la lettre. Ainsi, un temple a été élevé à la mémoire de la star M.G. Ramachandran, dont la popularité fut telle qu'il finit par devenir Premier ministre de l'un des États indiens.

LES ÉTOILES DE BOLLYWOOD

Très mal connue en Europe, la production cinématographique la plus importante de la planète se décline en seize langues, près de 900 films par an et des centaines de milliers de chansons. On y croise aussi bien des œuvres exigeantes, comparables aux meilleures réalisations européennes, qu’un cinéma populaire dont le centre est le fameux Bollywood, à Bombay, et qui ne peut, lui, se flatter d'aucune comparaison. Des stars auxquelles on élève des temples, des chanteurs au répertoire de plusieurs dizaines de milliers de titres, et surtout des codes esthétiques uniques font du cinéma indien, dans son immense

« sentimentaux avec chants et danses.

Le tout premier film parlant sans chansons ni danseurs ne sort qu'en 1938, et il passe complètement inaperçu.

Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte politique marqué par la décolonisation, certains cinéastes tentent cependant de terre ••-.! I(Df1arti· ke Jal, 1946), de K.A.

Abbas, l'un des rares à cette époque à avoir été vus en Occident, évoque ainsi le thème de la famine.

Le néoréalisme italien est l'une des influences revendiquées par les nouveaux cinéastes , mis en valeur par la création du festival international du film de l'Inde (1952) : la décolonisation achevée, des réalisateurs comme Abbas ou R.

Kapoor (Awara -Le Vagabond, 1950) peuvent s'autoriser à se ressourcer dans les modèles occidentaux.

À la même époque apparaît un autre réalisateur de talent , G .

Duit, qui n'hésite pas à donner une dimension autobiographique à ses œuvres .

Les Assoiffés (Pyaasa , 1957) racontent par exemple les amours difficiles d 'un poète et d'une LA GRANDE ÉPOQUE DE CALCUTTA Ce n'est pourtant pas de Bombay que va venir le renouvellement, mais de Calcutta , l'autre immense métropole , qui est la grande perdante de la décolonisation et de la sécession du Bengladesh.

Déclin politique, renaissance culturelle? Calcutta va en tout cas donner naissance aux seules vraies œuvres indiennes à avoir conquis une audience internationale.

RITWIK GHATAK Au côté olympien, à la maîtrise absolue de Satyajit Ray, on oppose souvent la fougue et la révolte de Ritwik Ghatak.

autre grand nom du cinéma bengali.

Originaire de la région qui devient en 1971 le Bengladesh, lui aussi évoque l'histoire, mais dans ses manifestations les plus violentes, et non pas seulement dans le rythme imperceptible du déclin.

Un film comme Subarnarekha (1962) évoque avec rigueur la vie des exilés, leur misère, leur absence totale de perspective.

Cinéma politique s'il en es~ l'œuvre de ce cinéaste disparu prématurément apparaît à l'époque comme très provocatrice, par sa capacité à prendre de front des problèmes que les politiques eux­ mêmes n'osent pas vraiment aborder.

D 'autres réalisateurs évoquent au même moment les problèmes liés au nationalisme ou à la coexistence entre hindous et musulmans (M.

S.

Satthyu, Garam Hawa- Vents chauds, 1973) .

LA NOUVELLE VAGUE INDIENNE La fin des années 1960 voit ainsi l'émergence d'un cinéma au contenu beaucoup plus idéologique , plus sérieux aussi que le cinéma populaire.

L:enjeu est de parler du réel, en se débarrassant des filtres et des canevas conventionnels qui font du cinéma indien classique un monde de pure représentation.

Comment revenir au réel? En s 'inspirant , par exemple , des tec hniqu es du do c ument air e, en renonçant à la musique afin de réactiver le regard , de réamorcer le sens critique .

Ce mouvement est lancé par de jeunes cinéastes comme M.

Kaul , dont Le Pain quotidien (Uski rati, 1969) a été considéré comme un tournan~ A.

Gopalakrishnan (Sawayarvaram - choix personnel , 1973), Mira Nair (Salaam Bombay.

Mariage des moussons) ou G.

Aravindan (Uttarayanam- Le Tr6ne du capricorne, 1974).

Mais l'œuvre la plus emblématique de cette école reste cependant celle d'un représentant de la génération précédente , M .

Sen.

Monsieur Shome (Bhuvan Shome , 1969), la trilogie de Calcutta , tournée au début des années 1970, puis Les Marginaux (Oka oorie katha, 1977) dénoncent ainsi tour à tour la misère de la grande ville et l'exploitation des paysans , selon une grille d'Interprétation d'Inspiration explicitement marxiste .

La veine du néoréalisme italien continue à irriguer ces tableaux bouleversants et crus, jouant sur la révolte du spectateur avec autant d'habileté que les productions hollywoodiennes faisaient jaillir ses larmes .

Idéologie et sentimen~ telles seraient les deux lignes de force de cette école indienne des années 1970 quelquefois appelée «nouvelle vague».

En privant le spectateur de son confort et en l'arrachant à ses habitudes, cette tentative exigeante redonne au cinéma sa capacité inégalée à dévoiler le monde .

JUSTICIERS ET REBELLES Parallèlement , le cinéma populaire renouvelle ses techniques et ses acteurs , trouvant lui auss i une ressource nouvelle dans la représentation d 'images plus violentes .

Certes, le mélo continue à attirer les foules , avec des grands classiques comme Cœur pur (Pazeekah , 1971 ), de Kamal Amrohi , qui donne une énième variation sur le thème de l'innocence b afou ée.

D e la m êm e faço n, les film s de danse restent une valeur sûre , m ême s'ils se renouvellent : les chorégraphies ne se contentent plus d 'accompagner l'action , elles en deviennent le thème central.

Cette tendance , qui s 'esqui ssait dans les années 1950 , trouve son plein achèvement avec des films comme La Dernière Danse (Vanaprastham , 1998), de Shaji Karun.

Qui suis-je pour toi? (Ramlaxam , 1994) conjugue les deux modèles , en mettant au service d'une tradition déjà ancienne les moyens techniques et la qualité photographique des années 1990 : le résultat est somptueux .

Mais, si ces productions ne sont pas de simp les survivances, elles ne sauraient dissimuler un profond changement de tendance .

Les années 1970, 1980 , 1990 voient les films d 'action prendre le dessus sur les love stories des années 1950 .

Aux prises de conscience collectives des adeptes du cinéma sérieux correspond dans le cinéma populaire une révolte plus spectaculaire et plus limitée politiquemen~ celle d'êtres écrasés par l'injustice qui prennent eux-mêmes en main leur destin et font l'expérience vertigineuse de cette révolte dont chacun rêve, mais que presque personne n'a jamais le courage de vivre .

Proche d'un certain imaginaire hollywoodien , ce cinéma triomphe pendant une vingtaine d'années, avec des titres comme Les Flammes du soleil (Sholay, 1975) de R.

Sippy.

Le genre s'essouffle quelque peu à la lin des années 1980 , avant de connaître un regain de vigueur avec un acteur comme Shah Rukh Khan , le rebelle deKuch Kuch Hai(lfse quelque chose , 1998) .

Un cinéaste apparaît comme l'un des maîtres du genre, mais l'évolution de son style laisse deviner une certaine lassitude devant le spectaculaire : de Rose (Roja , 1992) à Bombay (1995) , on passe insensiblement de la violence urbaine à la misère urbaine , du justicier rebelle aux individu s perdus dans la ville.

À nouveau , ce cinéma aux recettes faciles ne laisse pas d 'évoquer des réalités déplaisantes, comme la corruption des juges, l'injustice du syst è me des castes.

R éflexion s ur le destin , le cinéma d 'action impose ses solutions à l'emporte-pièce .

mais n'en pose pas moins des questions cruciales , que ni les politiques ni la presse ne sont vraiment capables d'affronter.

Cela explique sans doute son succès : des questions qui dérangen~ des solutions f-------------.....L-------------.L...-------------1 imaginaires qui donnent carrière à SATYAJIT RAY La première œuvre, dans l'ordre de la chronologie comme dans celui de l'importance, est sans conteste celle de Slltyajit Ray .

Pather Pantchali (La COIIIp/llillle du S8&r, 1955) est tourné en extérieurs, sans star, avec une écriture dépouillée centrée autour d 'une histoire simple.

Ni rebondissement ni grande histoire d'amour, mais la vie d'un enfant à la campagne, dans un monde encore (L'Invaincu, 1956) etApu Sansar (Le Monde d'Apu , 1959) viendront vite compléter ce premier chef-d 'œuvre : en passant de l'enfance à l'âge adu~e et de la campagne à Bénarès et Calcutta, ils composent une fresque englobant tous les aspects de la vie indienne, à travers l'itinéraire d'un seul homme .

Parallèlement , Satyajit Ray donne Le Sa/011 de lllfiSique (Ja/saghar, 1958) qui, dans un noir et blanc superbe, narre la décadence d'un homme.

Le rythme très len~ l'importance dramatique qu'y prend la musique, la qualité de la photographie font de ce film -souvent comparé au Guépard de Visconti -une révolution esthétique qui marquera durablement les spectateurs occidentaux.

Ray tournera jusque dans les années 1980, alternant les films de genre subtilement détournés et les grandes dont l'imagination et apaisent un moment le sentiment de l'Injustice .

De la même façon que, sous les apparences de la convention, le mélo interrogeait en profondeur le modèle de la famille, c'est la société dans son ensemble qui est mise en cause par les films de justiciers.

Ce cinéma d'évasion est aussi un cinéma du réel, pas si éloigné des «films sérieux », à l'esthétique moins invraisemblable, qui parviennent quelquefois en Occident.

NOUVEAUX REGARDS Dans la lignée du nouveau cinéma (Vanraj Bhatia), des œuvres apparaissent qui, en reprenant la tradition réaliste issue des années 1950, jouent sur le professionnalisme d'équipes aux qualités techniques éprouvées .

Chez les Bengalis, par exemple, le travail de Buddhadeb CINÉASTES INDIENS DE L'ÉTRANGER Le succès de Salaam Bombay (1988), de Mira Nair, puis celui de son Kamasutra rappellent qu'un certain nombre de cinéastes indiens vivent et travaillent à l'étranger.

Si leur travail continue souvent à laire référence aux thèmes de la culture indienne, les plus célèbres se sont complètement coulés dans le moule hollywoodien .

On citera notamment S.

Kapur , qui a raté de peu Dasgupt a (Phara , 1986 , uttara, 2000) sur le monde de Calcutta reprend les thématiques du néor éalisme : solitude urbaine et surpopulat ion, oppression des castes les unes par les autres , inégalité s, mais en les servant par une image dont le parti pris esthétisant rompt ave c le côté brut des décennies précédentes .

La divers ification géographique continue, et l'un des phénomèn es majeurs de cette dernière période , est la multiplication des réalisatrices, qui atteste l 'évolution de la société indienne mais est aussi un laàeur de renouvellement.

Si les thèmes spécifiquement féminins , correspondant à une attente du public, ne datent pas d'hier , ils sont traitès d 'une façon neuve par la réalisatrice Aparna Sen (Sali­ L'Immolation d 'une veuve , 1989).

De la même façon , l'arrivée des femmes coïncide avec une montée en puissance de la comédie, qui, par-delà le mélo , permet d'exprimer la distance d'une société avec ses propres traditions , mais aussi avec une certaine modernité : Mira Nair donne avec Le Mariage des moussons (Monsoon Wedding, 2001) étude s'est modernisé, l'horizon s'est élargi.

Les personnages ont toujours des peines de cœur, mais ils travaillent maintenant dans la Silicon Valley ou en Australie.. »

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