Le cinéma d'auteur
Publié le 01/08/2011
Extrait du document
«
DROITS D'AUTEUR ET PROCES
A REBONDISSEMENTS
Puisque aucune loi ne garantit le droit
moral du realisateur, tout film est donc
matiere a proces.
Le droit francais et le
droit americain se sont ainsi opposes
en 1988 autour du film de John Huston
Quand la vile dort (1950).
Une chaine
privee francaise devait en passer une
version colorises par l'entreprise
de Ted Turner.
Or, John Huston, alors
deckle, Raft oppose a cette colorisation.
Aux yeux de la loi americaine, Ted
Turner ayant rachete le copyright
du film, it pouvait le modifier.
En France,
intervenir sur une oeuvre contre l'avis
de l'auteur est une atteinte a son droit
moral.
Celui-ci est inalienable, meme
si les droits d'exploitation ant ete cedes.
En 1994, apres de multiples peripeties,
la justice francaise a donne raison aux
ayants droit de John Huston.
II n'a donc pas autorite sur le montage
final du film (the final cut).
Avec la naissance du cinema
independent dans les annees 1960- 1970, les cineastes se tournent vers de
petites societes de production
ou montent leur propre societe.
Francis Ford Coppola fonde ainsi
avec George
Lucas ('American
Zoetrope
en 1969.
Reste
que le combat
entre cinema
independent
et cinema
hollywoodien est commercialement
inegal.
Dans la plupart des cas
aujourd'hui, le producteur controle le
montage final, le realisateur pouvant,
sit le souhaite, sortir sa version du film
(the director's cut).
LE CINEMA D'AUTEUR
VU PAR LA CRITIQUE
Dans la France de l'apres-guerre,
l'engouement du public pour le
septieme art temoigne de la
reconnaissance du o cinema d'auteur».
Cette cinephilie est relay& par une
presse enthousiaste et par une politique
volontariste.
Les cine-clubs se multiplient dans les
lycees comme dans les entreprises.
Le CNC (Centre National de la
Cinematographie) est cree en 1946.
La meme armee, le Festival de Cannes
connait son premier palmares.
Pour le public averti, le realisateur est
desormais un veritable artiste porteur
d'une esthetique propre.
A partir de 1954, la revue Les Cahiers
du cinema se met a defendre cette idee
en la theorisant sous le nom de
« politique des auteurs».
LA POLITIQUE DES AUTEURS
Les jeunes-turcs des a Cahiers
du cinema » La revue Les Cahiers du cinema est
fondee en 1951 par to Duca, Jacques Doniol-Valcroze
et Andre Bazin.
Ses jeunes-turcs
sont Francois Truffaut, Eric
Rohmer, Claude
Chabrol, Jacques
Rivette et lean-Luc Godard.
Ceux-ci lancent la politique
des auteurs en 1954 et deviennent avec
leurs premiers films les pionniers de la nouvelle vague» en 1958.
Leur
politique des auteurs consacre le
cineaste comme artiste.
Elle cherche
aussi a montrer que, au-dela du
scenario, chaque film est avant tout le
produit d'une mise en scene.
II n'y a
pas de bons ou de mauvais sujets, mais
differentes manieres de raconter une
meme intrigue.
A travers leurs articles,
les jeunes-turcs valorisent Fecriture
cinematographique et la forme des
films.
Cette conception du cinema est
a contre-courant d'une certaine
tradition francaise qui s'appuie surtout
sur les bons mots des scenaristes.
Sur un ton volontairement polemique,
Francois Truffaut denonce ce cinema
de qualite dans un article celebre
intitule: o Une certaine tendance
du cinema francais».
Des cineastes phares
La politique des auteurs est lam&
autour de quatre grands noms du cinema, les
deux H et les
deux R: Howard
Hawks, Alfred
Hitchcock,
Roberto
Rossellini et
lean Renoir.
La mise
en parallele
de ces artistes est
audacieuse pour l'epoque.
En
effet, si des
cineastes comme
Rossellini et
Renoir sont d'emblee classes s auteurs»
par le public, Hitchcock et Hawks, tous
deux issus des studios, incarnent un
cinema de divertissement, classique et
commercial.
Its sont consideres comme
des faiseurs et non comme des artistes.
En 1953, s'appuyant sur Cherie,
je me seas rajeunir (Monkey
business), Rivette decortique le style
de Hawks et declare pour contrer les
refractaires: H L'evidence est la marque
du genie de Hawks.» En 1954, dans
I'entretien intitule o Quel est le motif
de votre tapisserie? », Hitchcock analyse
son travail devant Truffaut et Chabrol.
La politique des auteurs surprend
egalement parce qu'elle analyse aussi
les oeuvres mineures (ou realisees dans
des conditions difficiles) de ses auteurs.
Ces jeunes critiques sinteressent ainsi
a la periode americaine de Jean Renoir
ou de Fritz Lang, *lode durant
laquelle ces cineastes sont confrontes
aux pressions des studios.
L'auteur nest
donc pas uniquement presente comme
un cineaste libre de ses choix, mais
aussi comme quelqu'un qui doit
integrer des contraintes.
D'un auteur a l'autre
La politique des auteurs va attirer
('attention sur des cineastes aux styles
varies.
La revue publie de longs
entretiens avec Hitchcock, Renoir,
Rossellini et Hawks, mais aussi avec
Fritz Lang, Luis Bunuel, Orson Welles,
Carl T.
Dreyer, Robert Bresson ou
Michelangelo Antonioni.
Les critiques devenant cineastes, leur
approche se retrouve dans leurs films.
Dans Le MOpris (1963), Jean-Luc
Godard fait jailer a Fritz Lang son
propre role.
L'histoire se passe a Rome
et reunit Fritz Lang, qui vent tourner
une adaptation de l'Odyssee, Jeremy
Prokosch (Jack Palance), son
producteur, un homme grossier et
mercantile, Paul Java! (Michel Piccoli),
un scenariste, et Camille, sa femme
(incarnee par une figure du star
system : Brigitte Bardot).
La fin du film
est tres symbolique: la star et le
producteur se tuent en voiture, restent
le scenariste et le metteur en scene.
rIIIIPACT DE LA POLMQUE DES AMENS
L'assurance de ces jeunes critiques
en agace plus d'un.
La revue Positif,
creee en 1952, se dresse contre les
partis pris des Cahiers et defend
d'autres auteurs.
L'epoque etant par
ailleurs tres politisee, chaque revue
radicalise son point de vue.
On *at
pour savoir si le cinema de William
Wyler est superieur a celui de John
Ford et, dans tous les cas, on invente
une nouvelle maniere de paler
du cinema et des cineastes.
Consideres au depart comme des originaux», les critiques des Cahiers
finissent par etre reconnus
internationalement.
Des lors, etre
un oauteur Ceders» devient un privilege.
La vulgarisation de la politique des
auteurs aupres du grand public a aussi
des retombees politiques.
Elle conforte
la politique culturelle francaise visant
soutenir la creation anematographique.
Elle nourrit aussi le &bat autour
de ('exception culturelle francaise,
notamment depuis les accords du GATT
de 1993: en effet, pour de nombreux
pays (et surtout pour les Etats-Unis),
les produits cinematographiques
et audiovisuels doivent etre soumis
a la libre concurrence.
Or, pour
la France, le cinema est un art avant
d'être un commerce et doit etre protege
par des mesures protectionnistes.
LE CINEMA D'AUTEUR
AUIOURD'HUI
LE CINEMA D'AUTEUR,
UNE NOTION AWOURD'NUI conntovEnstx Dans les annees 1980, le critique Serge
Daney revient sur la notion de o cinema
d'auteur » dans un texte intitule «Apres
tout».
II constate que le mot Hauteur))
ne choque plus personne et qu'il est
meme parfois utilise de facon abusive.
Selon lui, cette notion reste toujours
riche et problematique a la fois.
L'auteur est-il tout simplement celui qui
signe le film ou plus specifiquement
celui qui parvient a faire un film dans
une situation contraignante ou encore
celui qui est a la fois producteur,
scenariste et realisateur?
Pour le grand public, certains
amalgames se sont malheureusement
banafises.
Ainsi oppose-t-on souvent
In cinema d'auteur au cinema
commercial.
Le cinema d'auteur
represente alors un cinema a petit
budget et aux recits intimistes pour
ne pas dire ennuyeux.
Le cinema
commercial, souvent incarne par
Hollywood, est associe a un certain
sens du glamour, du divertissement
et A une debauche d'effets speciaux.
Pourtant, si Ion en croit les critiques
des Cahiers, le budget a peu a voir
avec la notion d'auteur.
Les articles
consacres aux films du cineaste John
Woo le montrent...
mais les cliches sont tenaces.
DES AUTEURS CONSACRES
PAR LA CRITIQUE COMIPAPORAINE
De facon assez consensuelle, la critique
a identifie un certain nombre de grands
cineastes contemporains.
La plupart ont
vu leurs films selectionnes et primes
au Festival de Cannes.
Le cinema francais
Parmi les cineastes francais,
on retiendra entre autres: Francois
Truffaut (La Femme d'i clite, 1981),
Alain Resnais (On connalt la chanson, 1997), Eric Rohmer (Conte de
printemps, 1990), Jean-Luc Godard
(Histoire(s) du cinema, 1997-1998),
Maurice Pialat (Sous le soleil de Satan,
1987), Jacques Doillon (La Filk de
quinze ans, 1989), Claire Denis (Beau
travail, 1999), Catherine Breillat (Romance, 1999), Francois Ozon (Hurt
femmes, 2002), Arnaud Desplechin (Rots et rein., 2004).
Madison,
1995), Ethan
et Joel Coen
(Barton Fink,
1991), David
Lynch
(Mulholland
Drive, 2001),
Gus Van Sant
(Elephant,
2003).
Cinemas d'ailleurs
Par cineastes d'ailleurs, on entend des
cineastes venus de pays (.16 l'industrie
cinematographique nationale est mains
develop*.
Certains pays ant eu
autrefois une industrie
cinematographique florissante.
Le cinema italien a ete pone par des
artistes majeurs tels que Pier Paolo
Pasolini, Frederico Fellini ou
Michelangelo Antonioni avant de
*liner au debut des annees 1980.
Au-dela des questions de creativite, la politique culturelle de chaque pays
conditionne sa capacite a resister a la
concurrence etrangere.
Le Bresil a ainsi
soutenu sa production en etablissant
des quotas protectionnistes au debut
des annees 1960.
Les cineastes du Cinema Novo pranaient alors la
naissance d'un cinema national.
Les
quotas continueront d'augmenter mais ('elan artistique sera lui brise par le
coup d'kat de 1964.
Parmi les cineastes
les plus interessants citons : Peter
Greenaway (Meurtre dans un jardin
anglois, 1982), Ingmar Bergman (Fanny
et Alexandre, 1982), VVim Wenders (Paris, Texas, 1984), Souleymane Cisse
(Yeelen, 1987), Manoel de Oliveira (Val
Abraham, 1993), Krzysztof Kieslowski
(Trois couleurs: Bleu, Blanc Rouge,
1993-1994), Nanni Moretti (Journal
intime, 1994), Jane Campion (La Lecon
de piano, 1993), Ken Loach (Raining
Stones, 1993), Emir Kusturica
(Underground, Palme d'or, 1995), Lars
von Trier (Breaking the Waves, 1996), David Cronenberg (Crash, 1996), Mike
Leigh (Secrets et mensonges, 1996),
Tsai Ming Liang (La Riviere, 1997),
Le dnEina americain
Le cinema americain, qu'il soit
independent ou pas, presente des
cineastes passionnants: Martin
Scorsese (Taxi Driver, 1976, Palme
d'or), Francis Ford Coppola
(Apocalypse Now, 1979), Woody Allen Abbas Kiarostami (Le Goat de la cerise,
1997), Youssef Chahine (Le Destin,
1997), Takeshi Kitano (Hana-bi, 1997),
Alexandre Sokourov (Mere et fits, 1997),
Imamura Shohei (L'Anguille, 1997), Hou
Hsiao-hsien (Les Fleurs de Shanghai, 1998), Moshen Makhmalbaf (La
Pomme, 1998), Amos GitaI (Kadosh,
(Manhattan, 1979), Jim Jarmusch
(Stranger than Paradise, 1983), Steven
Soderbergh (Sexe, mensonges et video, 1989), Clint Eastwood (Sur la route de 1999), Pedro Almodovar (Tout sur ma
mire, 1999), les freres Dardenne (Rosetta, 1999), Wong Kar Wai
(In the Mood for Love, 2000), Raoul
Ruiz (La Comedie de l'innocence,
2000), Aki Kaurismaki (L'Homme
sans passé, 2001)..
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