Juxtaposer les théories de Bazin et d’Eisenstein
Publié le 09/02/2023
Extrait du document
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Juxtaposer les théories de Bazin et d’Eisenstein suppose d’abord de les replacer chacune dans leur
contexte historique et social.
Au début du siècle, les membres de l’école de Brighton au Royaume-Uni et le
controversé Griffith aux Etats-Unis inaugurent un temps spécifiquement cinématographique à partir d’une
alternance fluide des plans.
Eisenstein développe sa pensée dans les années 20, le septième art se cherche
alors.
Il fait figure de pâte à modeler que les cinéastes cherchent à contrôler et à concevoir.
Par contraste, en
France, par exemple, les expérimentations vont bon train avec le mouvement impressionniste mené par
Artaud et Buñuel.
Le cinéma ne cherche pas nécessairement à développer une structure narrative fluide.
Le
réalisateur russe est directement impacté par cette tendance et ses théories découlent de ses propres
recherches plus ou moins réussies.
Par contraste, les théories de Bazin s’appuient sur près de 60 ans de
cinéma par lequel le montage organique de Griffith s’est largement imposé, se voulant le plus invisible et
transparent possible.
Le rapport à la technique du montage de Bazin et d’Eisenstein semble dans un premier temps s’opposer.
On
constate une forme de systématisation du découpage dans les recherches d’Eisenstein, à partir d’une
démarche presque scientifique qu’il analogue à une partition.
Il divise les méthodes de montage en cinq
catégories distinctes : « métrique », « rythmique », « tonale », « harmonique » et « intellectuelle ».1 Ces
différentes méthodes possèdent des objectifs diverses, les deux premières donnent la mesure aux images
(plan du landau mis en parallèle avec la marche des soldats dans Le Cuirassé Potemkine1*), elles permettent
d’instaurer un temps cinématographique et de créer une tension, les dernières s’appuient sur sa précédente
théorie du montage harmonique, c’est-à-dire que le montage pour Eisenstein est en capacité de créer une
polyphonie sensorielle et d’ainsi exploiter la capacité de suggestion des images.
Suivant L’évolution du
langage cinématographique, Bazin évoque dès la première le « montage d’attractions » 2/3.
Si pour lui « la
description [du montage d’attractions] est moins aisée » que les précédents (alterné et accéléré), il n’en fait
aucune critique directe.
Ce que l’on retiendra de se pensée pourtant, c’est sa défense du plan séquence et
de la profondeur de champ.
Il encense La Règle du jeu de Renoir2* (Le plan moyen du film fait 20s contre 5s
sur les standards hollywoodiens) et Magnificent Ambersons3* de Welles, notamment le plan séquence dans
la neige autour des personnages en calèche.4 Cette opposition entre la systématisation du découpage et ce
besoin de prolongement chez Bazin s’explique par un rapport différent au réel.
Pascal Rousse caractérise le montage d’Eisenstein comme un « processus d’imagicité » permettant la
poétisation du réel suivant l’affect qui lui est lié.5 Le montage donne à l’indéterminé les contours d’une
structure.
A l’opposé, Bazin réfute cette manipulation des images, pour lui le montage est un « un langage où
l’image compte d’abord non pour ce qu’elle ajoute à la réalité mais pour ce qu’elle en révèle ».
Le langage
cinématographique chez Eisenstein tient son importance de la signification et non plus du signifié.
Sa théorie
du montage d’attraction permet en montant....
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