Hôtel du Nord: Atmosphère... Atmosphère... Arletty
Publié le 19/03/2020
Extrait du document
« Il faut dire qu’Arletty était l’âme du film. Non seulement elle faisait passer, mais elle transcendait certaines répliques, certains mots d’auteur que je n’aimais guère à cause de leur pittoresque outré, comme la fameuse ‘atmosphère’ à laquelle son talent, sa magie d’artiste, firent le succès que l’on sait. »
« — J’en ai assez. Je m’asphyxie.
— Il y a la mer...
— Partout où on va, ça sent le pourri. J’ai besoin de changer d’atmosphère. Et mon atmosphère, c’est toi. »
« — C’est la première fois qu’on me traite d’atmosphère. Si je suis une atmosphère, toi t’es un drôle de bled. Oh ! là! là! là! là! Atmosphère... Atmosphère... Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère?»
«Marcel carné. — Vous savez, Arlette, quand Jean-son m’a apporté la scène, la fameuse scène d’‘atmosphère’, j’ai longuement hésité. J’ai envisagé de la supprimer !
arletty. — Je comprends. Jeanson avait vu à l’avance les intonations que pourraient avoir les acteurs.
Marcel carné. — Mais sur le papier, je vous assure qu’elle était ridicule.
arletty. — Je peux le comprendre.
Marcel carné. — C’est une scène ‘fabriquée’, qui est sauvée par l’intonation que vous avez, vous et Jouvet. On me regarde en coin quand je dis cela, mais je m’obstine à la trouver peu naturelle.
arletty. — Cette scène est magique! Chaque fois que je la regarde, elle ne me paraît pas démodée, pas plus que le film.
Marcel carné. — C’est votre lyrisme, Arlette, votre intelligence, à vous et à Jouvet, qui font tout passer. Vous aviez peu répété.
arletty. — Très peu. C’est foutu, si vous répétez trop. Personne ne riait de ces trucs-là sur le plateau. A la sortie du film, j’ai juré que je ne redirais jamais cette réplique célèbre. Et je m’y suis tenue. Je ne l’ai fait qu’une fois, pour l’anniversaire de la mort de Jouvet à l’Odéon. Mais là, c’était comme pour une œuvre, enfin presque. Et après, figurez-vous qu’il y a eu des types pour me le reprocher et me demander de la redire!... Je ne l’ai jamais refait. »
«
58 / ATMOSPHÈRE (et repartie d'acteur) • 7
avant-coureurs du conflit mondial, dont beaucoup de gens
pressentent la menace.
On éprouve le besoin de changer
d'air,
d'«atmosphère», d'autant plus que l'air qu'on res
pire au bord du canal Saint-Martin (décor du film,
où est
situé !'Hôtel du Nord) invite
à connaître d'autres hori
zons.
Mais l'impuissance
à changer d'air se traduit par une
certaine lassitude teintée de mélancolie.
Louis Jouvet, dans le rôle de M.
Edmond, est un soute
neur qui vit des charmes de Mme Raymonde (Arletty).
Tous deux logent
à !'Hôtel du Nord, installé en bordure
du canal Saint-Martin.
Un jeune couple vient troubler la vie tranquille du lieu
(si l'on excepte quelques scènes de ménage):
il s'agit de
deux jeunes gens qui
ont loué une chambre pour s'y
suicider.
Pierre tire sur Renée, comme prévu, mais re
nonce
à se tuer.
Renée échappe à la mort et se fait bientôt
embaucher
par les patrons de !'Hôtel du Nord.
Après
avoir été le témoin
et quasiment le complice de la fuite de
Pierre, M.
Edmond s'amourache de Renée et décide de
quitter les lieux
en sa compagnie pour aller vivre à Port
Saïd,
en Egypte.
Tous deux renoncent finalement à s'y
rendre.
M.
Edmond a dû rompre avec Mme Raymonde,
et c'est l'altercation entre ces deux personnages qui donne
l'occasion
à Mme Raymonde-Arletty de manifester sa vi
brante colère.
A la question de Mme Raymonde portant
sur leur existence commune (
« T'aimes pas notre vie? »),
M.
Edmond réplique en déclarant qu'il veut changer d'air:
« - J'en ai assez.
Je m'asphyxie.
-Il y a la mer ...
- Partout où on va, ça sent le pourri.
J'ai besoin de
changer d'atmosphère.
Et mon atmosphère, c'est toi.»
La réponse de Mme Raymonde ne se fait pas attendre.
Le
ton de plus en plus emporté de la réplique indique la
rupture: Mme Raymonde quittera la passerelle qui en
jambe le canal, où se déroule la scène,
pour regagner
seule le quai:
« - C'est la première fois qu'on me traite d'atmosphère.
Si je suis une atmosphère, toi t'es un drôle de bled.
Oh!.
»
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