Élaboration d'un genre à travers ses clones et ses monstres, ses vampires et ses docteurs fous: le cinéma fantastique
Publié le 19/05/2012
Extrait du document
La somme de films fantastiques et terrifiants produits
jusqu'aujourd'hui est à la fois considérable et faible. Considérable
dans la mesure où elle comprend une liste très
longue de films arrivant à créer, avec une force peu commune,
une mythologie spécifique. Faible dans la mesure
où une grande part de ses possibilités est encore inexplorée.
Le «mystère« de l'image cinématographique- qui
nous permet d'appréhender une oeuvre fantastique là où,
si l'on y regardait de plus près, nous trouverions un cinéma
réaliste - propose des chemins pratiquement inconnus.
Il n'y a pour s'en convaincre qu'à regarder certaines des
oeuvres les plus marquantes du genre, comme «Les chasses
du comte Zaroff« (1932) d'Ernest B. Schoedsack, «La
nuit du chasseur« (1955) de Charles Laughton ou« l'Ange
exterminateur« (1962) de Luis Buiiuel, exceptions et authentiques
films phares, sans précédent ni successeur dans l'histoire
du cinéma. D'autres films comme« Vampyr, l'étrange
aventure de David Gray« (1932) de Dreyer, ou «L'année
dernière à Marienbad« (1961) d'Alain Resnais, démarrent
d'une thématique connue pour aboutir à une expérience
sans aucune référence, au-delà des sentiers battus. Leur
singularité, par rapport à la tradition fantastique, en fait
sans conteste des oeuvres maîtresses. Par sa fonction, plonger
dans l'inconscient collectif, le cinéma fantastique devrait
«
être depuis toujours le genre le plus populaire mais, para
doxalement, c'est celui qui contient
le plus d'œuvres« mau
dites», qui a rencontré la plus totale incompréhension.
Le grand public, très friand
d'un « Frankenstein » de
série, rejette les créatures réelles et dérangeantes de
«La
monstrueuse parade» (1932) de Tod Browning.
Il regarde
avec un petit frisson amusé
le fœtus d'un homme-loup
dans une kermesse, mais accepte de mauvaise grâce
«La
féline» (1942) de Jacques Tourneur.
Ces voies, nouvelle
ment ouvertes, resteront sans succession pendant long
temps.
Il
faudra attendre «Elephant Man» de David
Lynch, et la dignité bafouée
d'un homme-monstre, pour
retrouver l'essence de« Freaks ».
Le grand public, donc,
semble refuser
le surnaturel tout en appréciant l'horreur
et les sensations qu'elle lui fait un instant éprouver.
Quant
aux critiques, composés le plus souvent« d'intellectuels»,
ils mettront un temps fou pour admettre un des aspects
du cinéma fantastique: sa poésie, en prétendant que les
œuvres en question
sont« bassement» populaires.
Pour
tant, aucune autre forme d'expression artistique, même
la peinture, n'a libéré de façon aussi claire les archétypes
les plus secrets de l'inconscient et révélé,
par de subtiles
métaphores, l'esprit véritable
d'une époque et sa société.
Pour comprendre par exemple l'Allemagne nazie, on peut
revoir« Le cabinet du docteur Caligari » (1919) de Robert
Wiene,
«Docteur Mabuse» (1922) ou« M.
le maudit» de
Fritz Lang.
De la même façon,
«Le voleur de Bagdad»
( 1924) de Raoul Walsh, avec Douglas Fairbanks, relate
avec une grande précision l'euphorie américaine avant
le
krach de 1929.
Le cinéma fantastique, qu'il soit ambitieux
ou purement commercial, est d'une certaine façon le miroir
de la société.
«Le garçon aux cheveux verts» (1948) de
Joseph Losey témoigne du monde dévasté dans lequel se
débattent les hommes au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale.
«Muriel» (1963) d'Alain Resnais reflète, avec
un aspect fantastique, le traumatisme que la guerre d' Algé
rie a provoqué dans la société française.
L'érotisme,
d'habitude inexistant dans le cinéma «traditionnel», a pu,
à des époques où la censure était inflexible, apparaître dans
des films représentatifs du cinéma de terreur.
De l'arrière
fond obligatoirement érotique du vampirisme à la bestia-
_!j_ lité de« King-Kong» (1933) de Merian C.
Cooper et Ernest.
»
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