Devoir de Philosophie

Disserte sur le corps burlesque au cinéma

Publié le 02/02/2025

Extrait du document

« Henri Bergson a dit dans Le Rire : Essai sur la signification du comique,1900 "Le comique, c’est du mécanique plaqué sur du vivant." soulignant que le comique naît du contraste entre la rigidité mécanique et la spontanéité du vivant, une tension que le corps burlesque exploite en jouant sur des mouvements exagérés, maladroits ou répétitifs.

Le cinéma burlesque en tant que genre comique repose principalement sur l'exagération des situations, des gestes et des comportements.

Ce sont des films souvent dépourvus de dialogues qui, dans leurs origines, mettaient l'accent sur le visuel et le rythme.

Le cinéma burlesque joue sur l'absurde, l'incongru et le décalage dans le but de faire rire en transformant le quotidien en un terrain d’inventivité humoristique.

Le corps burlesque, quant à lui, est l'instrument central de cette comédie visuelle et devient un moyen d'expression universel par sa malléabilité ainsi que par sa capacité à défier les normes et à adopter des postures improbables ou grotesques.

Ce corps qui est à la fois un outil narratif et comique, incarne l’exagération en dépassant les limites du réalisme pour créer un langage physique propre au burlesque. Cependant, si le corps burlesque cherche à provoquer le rire, il ne fait pas toujours rire tout le monde de la même manière.

Ce paradoxe réside dans la nature subjective de l'humour mais aussi dans le public auquel il s’adresse, en effet le cinéma burlesque émerge au début du XXe siècle dans un contexte marqué par l'industrialisation, la mécanisation et une société en mutation rapide, où le besoin d'évasion et de divertissement était crucial, pour les classes populaires.

Ce cinéma critique aussi souvent les bourgeois en ridiculisant leurs manières, leurs privilèges et leur obsession pour l’ordre social, tout en mettant en avant la débrouillardise ou les maladresses des personnages issus des classes populaires, créant un contraste comique et subversif.

Le burlesque étant avant tout une critique sociale peut alors offenser certaines classes sociales .

En offrant une critique implicite des absurdités du progrès technique et des normes sociales, il transforme les maladresses humaines en source de comédie. Le corps burlesque, avec ses gestes exagérés, ses maladresses et son absurdité, semble être conçu pour provoquer le rire.

Pourtant, peut-on affirmer qu'il est toujours perçu comme tel ? Si le burlesque repose sur des mécanismes comiques universels, comme la surprise ou le contraste, ces derniers dépendent fortement du contexte culturel, des attentes du spectateur et de l’intention du cinéaste.

Que se passe-t-il lorsque le corps burlesque s’aventure dans des registres plus divers ou que son essence première diffère avec le temps en allant vers d’autres types de transgression ? Nous pouvons alors nous demander si le corps burlesque, dans sa diversité d'expressions et de fonctions, fait toujours rire et s' il est indubitablement destiné à le faire. Nous verrons que si le burlesque est une source de comique universel , il peut dépasser cette fonction provoquant d’autres émotions et enfin nous verrons que le burlesque est surtout un outil de transgression. Le comique burlesque repose sur la capacité du corps à défier les attentes et à introduire un désordre dans des situations apparemment ordinaires.

Les maladresses et exagérations corporelles transforment le banal en absurde, qui provoque un rire spontanée chez la majorité des spectateurs .

Le comique que l’on retrouve dans le burlesque est un comique de situation qui repose sur des décalages inattendus, des malentendus ou des circonstances absurdes qui provoquent ce fameux rire.

Ce type d'humour réussit à provoquer un amusement naturel car il découle de l'incongruité entre ce que l'on attend et ce qui arrive réellement crée une véritable rupture avec la logique ou les normes sociales habituelles.

Dans le cinéma , le médium du burlesque qui est le corps , agis comme un véritable catalyseur de l’absurde.

On fait face à des personnages avec un corps instrumentalisé qui peuvent par exemple chercher à impressionner, marchent avec assurance puis finissent par tomber de manière improbable et spectaculaire C’est un retournement inattendu de la situation, à la fois absurde et crédible, qui permet au spectateur de s'identifier et susciter chez lui le rire.

Si les mouvements de ces corps font autant rire c’est grâce à mécanismes psychologiques que l’on lie au comique de situation. On retrouve notamment un effet bien connu qui est celui de l’effet de surprise, ou le spectateur est surpris par un événement imprévu qui brise ses attentes.

Par exemple, dans Sherlock Jr.

de Buster Keaton, lorsque Keaton saute sur un guidon d’une moto avec conducteur pour essayer de fuir, la scène devient encore plus invraisemblable car le conducteur tombe du guidon et Keaton se trouve seul sur un guidon à traverser des obstacles sans contrôle apparent, l'absurde de la situation, cela déclenche un rire spontané.

Cette scène comique se concentre d’autant plus sur le corps burlesque puisque pendant sa traversée Keaton ne cesse de faire tomber le corps des individus présent sur son chemin ,avec sa moto.

On distingue la chute du conducteur, des hommes jouant à tirer une corde et des hommes partageant un repas dont deux d’entre eux sont tirés jusque dans la rivière.

L’innocuité fait également partie de ces mécanismes puisque le comique de situation met en scène des échecs ou des dangers apparents, mais sans conséquences graves.

Voir le corps d’un personnage être projeté de sa moto et s’encasetrer dans un mur comme dans Sherlock Jr.

nous amuse parce que l’on sait qu’il n’est pas réellement en danger, en effet il atterrit allongé sur une table et réussit à s’enfuir avec sa bien aimée en voiture après l’incident.

Aussi le corps au centre du comique de situation fait rire le spectateur car il le place dans une posture de supériorité.

Non seulement car il reconnait un lieu ou une situation familière mais surtout parce qu’il se sent en position d’observateur privilégié face à un personnage dépassé par la situation. Comme lorsque Charlie Chaplin à la fin de Les temps modernes se retrouve à improviser un chant et une prestation avec des mouvements car il a oublié les paroles de la chanson.

Le médium du corps est doublement utilisé pour faire parvenir le comique.

Nous rions car nous ne sommes pas à sa place mais surtout car il joue de sa posture d'infériorité qui devient comique plutôt que triste.

L'être humain se permet cette posture de supériorité et ne ressent pas d’empathie pour le personnage car le personnage ne semble pas non plus prendre au sérieux ce qu’il se passe. Le corps burlesque est aussi source de rire de part son langage universel.

C’est un langage visuel qui est immédiat et permet de dépasser toutes sortes de barrières linguistiques.

Le corps burlesque a cette capacité unique de faire rire sans nécessiter de mots, grâce à un langage purement visuel.

Cela le rend universellement accessible, quelle que soit la culture ou la langue du spectateur.Tout d’abord, un corps burlesque s’exprime à travers des gestes, des postures et des mouvements qui parlent directement aux sens du spectateur, sans besoin de traduction, d’où le succès premier de ses films muets.

Ce corps s’appuie sur des réactions humaines universelles : une chute, une maladresse ou une réaction exagérée au danger sont compréhensibles partout dans le monde parce qu’elles touchent à des expériences communes comme nous l’avons vu auparavant.

Dans Le Mécano de la Général, Buster Keaton illustre ce langage visuel.

Une des scènes emblématiques le montre sur le toit de sa locomotive, tentant désespérément de dégager des obstacles sur la voie ferrée tout en conservant son équilibre.

Le contraste entre la rigueur mécanique du train en marche et la maladresse apparente de Keaton crée une tension comique immédiate.

Son corps devient une extension de la machine, oscillant entre adaptation ingénieuse et lutte contre un environnement indifférent à son sort.

Sans un mot, cette scène fait comprendre au spectateur la vulnérabilité humaine face à un monde mécanisé et implacable.

Cependant, si cette gestuelle est universelle, ce n’est pas uniquement par son caractère visuel, visible de tous, mais bien par ses codes.

Le burlesque repose sur une gestuelle amplifiée et clairement lisible.

Les mouvements du corps sont souvent simplifiés ou exagérés pour maximiser leur impact visuel.

Cela crée une immédiateté car le spectateur n’a pas besoin de réfléchir ou de décrypter une scène pour comprendre et réagir.

Contrairement à l’émotion spontanée que suscitent les corps dans ces films, leurs mouvements sont très calculés.

En plus du jeu d’acteur travaillé à l'avance, les mouvements et actes des corps burlesques dans les films sont planifiés et organisés minutieusement d’une manière presque mécanique.

Dans Playtime de Jacques Tati par exemple, les mouvements de corps de Monsieur Hulot sont méticuleusement chorégraphiés pour créer un contraste comique avec l'environnement moderne et rigide qui l'entoure.

Tati utilise le corps de Hulot comme un instrument de résistance contre la mécanisation de la société.

Ses gestes qui sont maladroits et ses déplacements décalés sont soigneusement planifiés pour souligner l'absurdité des espaces modernes et des comportements standardisés .

Cette gestuelle particulière, faite de pas hésitants et de mouvements saccadés, crée un décalage.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles